“Mon ambition est qu’Utopie devienne un pilier de l’équipe de France”, Max Thirouin

Présent au Longines Masters de Paris pour la toute première fois ce week-end, Max Thirouin montre l’enthousiasme et la motivation d’un jeune premier. À cinquante-et-un ans, il ne goûte pourtant pas à la douce saveur du haut niveau pour la première fois. Fier propriétaire et formateur de son excellente Utopie Villelongue, il a toutefois dû se séparer du précieux Jewel de Kwakenbeek récemment. Une nécessité pour pérenniser son système et pour lui permettre de conserver l’alezane qui l’a déjà mené sur le podium du championnat de France Pro Élite à deux reprises. Bien déterminé à briller dans le Grand Prix Longines demain après-midi et à servir l’équipe de France à plus long terme, Max Thirouin s’est confié. 



“Utopie est une dame, il faut la vouvoyer !”, assure Max Thirouin.

“Utopie est une dame, il faut la vouvoyer !”, assure Max Thirouin.

© Sportfot

Comment vivez-vous votre première participation au Longines Masters de Paris ? 
J’avais déjà pris part à de très beaux concours, comme notamment le CSI 5* de Ramatuelle ou le CSIO 5* de La Baule l’an passé. J’ai également participé à de beaux CSI 4* qui mériteraient le label CSI 5*, comme par exemple les concours de Liège ou Rouen. Je suis extrêmement motivé pour le Grand Prix. J’ai très bien préparé ma jument, qui s’est classée neuvième de l’épreuve d’ouverture et qui a commis une petite faute hier en fin de parcours. Je n’ai pas eu à courir le barrage, donc je vais aborder le Grand Prix avec un peu plus de batterie que les copains. Le sentiment que j’ai eu en arrivant à Paris, c’est que je mérite d’être ici. Lors des cinq ou six derniers concours, j’ai montré que j’avais appris à la monter de façon optimale en étant classé dans les Grands Prix à 1,60m. Je n’ai qu’une envie, c’est de manger du lion pour dimanche ! Une petite faute peut arriver, mais dans ce cas nous réussirons un sans-faute à La Corogne la semaine prochaine. Et si ce n’est toujours pas le cas, nous y parviendrons à Bordeaux l’an prochain. De toute façon, ça va passer, c’est sûr !
 
Le 24 novembre, vous remportiez le Grand Prix CSI 4* de Rouen avec Utopie Villelongue. Cela vous a-t-il mis en confiance avant de venir ici ? 
Tout à fait, oui ! Nous avons réalisé une excellente année, qui nous a permis d’intégrer le Top 100 mondial (le Tricolore est au quatre-vingt huitième rang du classement mondial Longines, ndlr). Lors de ma “première vie”, dans les années 90, j’avais déjà été trente-quatrième mondial. Grâce à Utopie et Jewel, c’est la première fois que je réintègre le Top 100. 
 
Comment se comporte Utopie Villelongue sur cette piste du Longines Masters de Paris ? 
Jusqu’alors, elle a sauté de manière fabuleuse ! Hier, elle a tellement bien sauté l’entrée du double que je me suis retrouvé un peu près du deuxième élément. Elle a horreur de faire des fautes, et en débriefant avec Thierry Pomel et Henk Nooren, tous deux m’ont dit qu’elle avait été exemplaire. Elle n’a pas sauté depuis Rouen, et je la sens fin prête. La semaine prochaine, elle prendra part au CSI 5*-W de La Corogne, avant de profiter de repos jusqu’à l’année prochaine. 
  
Savez-vous déjà quand elle devrait retrouver les terrains de compétition l’an prochain ? 
Nous devons en discuter avec le staff fédéral. Je continue à m’aguerrir, donc l’opportunité qui m’est donnée de participer à des concours si importants me permet de prendre beaucoup d’expérience. Utopie mérite vraiment sa place en équipe de France. Elle a déjà pris part à des Coupes des nations (aux CSIO 3* de Samorin et Rabat en 2019, de Lisbonne en 2017, et CSIO 5* de Gijón en 2019, ndlr)et a prouvé à chaque fois qu’elle répondait présente. Mon ambition est qu’elle devienne un pilier de l’équipe de France. 


“Jewel prend l’avion pour les États-Unis aujourd’hui”

Jewel de Kwakenbeek a pris la direction des États-Unis aujourd'hui.

Jewel de Kwakenbeek a pris la direction des États-Unis aujourd'hui.

© Sportfot

Quelle seront vos ambitions en 2020 ? 
Mon ambition est de travailler et de prendre ce qui viendra. Je ne veux pas me donner d’objectif ou me mettre de pression, et je souhaite être au service de l’équipe de France. Je pense que certains cavaliers vont se préparer pour les Jeux olympiques et que cela devrait laisser de la place dans certains beaux concours. S’il faut être remplaçant pour un beau concours, je me rendrai disponible. Il y a tout un tas de compétitions dont je rêve, et je sais que j’ai la jument qui pourra me permettre d’y prendre part. 
 
Récemment, des bruits ont couru concernant la vente de votre deuxième cheval Jewel de Kwakenbeek … 
Oui, je tenais à rester discret à ce sujet. Vendre des chevaux fait partie de notre métier et j’ai vu des paroles pas franchement sympathiques sur les réseaux sociaux, adressées à des propriétaires qui ont vendu des chevaux de très haut niveau. Je trouve que ce n’est pas normal, car former des chevaux est le fondement même de notre profession. À un moment donné, on ne peut pas laisser passer les offres pour des hongres d’un certain âge. Il prend l’avion aujourd’hui pour les États-Unis. Nous sommes tous très tristes. Ma petite fille qui a neuf ans aujourd’hui était tous les jours dans son box avant qu’il parte. Nous avons passé beaucoup de temps avec lui, car c’était notre bébé. Il s’appelle “Jewel”et c’était vraiment mon bijou. Cela risque de faire rugir les internautes car ils vont dire que je n’avais qu’à pas le vendre. Or, il faut aussi faire tourner la boutique… J’ai plus de cinquante ans, je sens que j’ai une jument qui peut m’emmener très haut et cette vente va nous donner un peu d’oxygène économiquement parlant. Cela devrait me permettre de pouvoir me rendre partout où le staff voudra m’envoyer. Il va être monté par une jeune fille et sera dans une écurie en or. Je sais qu’il va être très bien. 
 
Avez-vous d’autres chevaux pour prendre le relai et seconder Utopie Villelongue lors de compétitions d’envergure ? 
J’en ai quelques-uns à l’essai mais je ne peux pas encore beaucoup en parler. Je dois avancer et travailler tout l’hiver. Je n’ai pas la prétention de récupérer un cheval et d’en faire un vainqueur dans les épreuves comptant pour le classement mondial en un claquement de doigts. Selon le niveau des chevaux que je vais récupérer, je verrai ce que je peux faire. Aujourd’hui, deux chevaux sont nécessaires pour concourir à haut niveau. Jusqu’alors, Jewel m’a permis à chaque fois de me qualifier pour le Grand Prix, ce qui laissait l’opportunité à Utopie de préparer pour ce rendez-vous sans efforts et de s’économiser. Il gagnait ou se classait régulièrement dans les épreuves qualificatives. Désormais, Utopie devra courir la qualificative, la Coupe des nations au cas échéant, et éventuellement le Grand Prix. Je dois absolument trouver des solutions. J’ai acheté des jeunes chevaux récemment, mais ils ne sont pas encore en âge de concourir des épreuves importantes. 


“Je le dis haut et fort, Utopie n’est pas à vendre !”

Max Thirouin espère à nouveau défendre la bannière tricolore avec Utopie Villelongue.

Max Thirouin espère à nouveau défendre la bannière tricolore avec Utopie Villelongue.

© Sportfot

Vous êtes propriétaire d’Utopie Villelongue, et l’étiez également concernant Jewel de Kwakenbeek. Est-il plus difficile que jamais de trouver des chevaux et des propriétaires ? 
Je vais enfoncer une porte ouverte, mais aujourd’hui, c’est compliqué pour tout le monde, on le voit avec les manifestations actuelles. À notre niveau, nous sommes nantis et avons un niveau de vie extraordinaire. Il faut avoir la chance de tomber sur les bons chevaux, comme cela a été mon cas. Je crois vraiment qu’il faut avoir la “positive attitude”. Les gens qui me connaissent savent que j’ai connu un très gros point noir il y a vingt ans et que j’ai mis beaucoup de temps à m’en remettre et à refaire mon image (quelques mois avant les Jeux olympiques de Sydney, Max Thirouin avait perdu Caudalis au profit de Patrice Delaveau, et l’affaire avait pris des proportions considérables, ndlr). Je suis très motivé et positif, et j’ai hâte de voir ce que va me réserver l’avenir ! 
Je voudrais rajouter que bien que je sois entouré de partenaires, j’ai moi-même formé Utopie et Jewel, dont je suis et ai été l’unique propriétaire. J’ai l’impression d’être un peu le dernier des mohicans à être à la fois préparateur et propriétaire de mes chevaux de haut niveau. J’aimerais bien savoir combien de cavaliers du Top 100 mondial ont débourré les chevaux qui leurs appartiennenet et qu’ils montent aujourd’hui en CSI 5* ! J’ai en effet débourré Jewel, et récupéré Utopie à la fin de sa saison de quatre ans. 
 
Comment décririez-vous Utopie Villelongue ? 
Utopie était très sensible lorsqu’elle est arrivée chez moi, et m’a donné beaucoup de fil à retordre. Elle se cabrait assez régulièrement. J’ai dû prendre le temps de la mettre en confiance. Cela a très bien fonctionné puisqu’elle a mué en guerrière. Au paddock, les gens qui me connaissent savent que je ne peux pas croiser d’autres chevaux. C’est une dame, il faut la vouvoyer ! Je me méfie toujours lorsqu’un inconnu entre dans son box, car elle peut avoir son caractère. Mais je crois que c’est le propre de tous les grands cracks à l’image de Shutterfly, Hickstead, Milton ou Jappeloup… 
 
Comptez-vous la conserver durablement, ou une vente est-elle possible ? 
Je le dis haut et fort, Utopie n’est pas à vendre ! En cette période pré-olympique, les gens deviennent complètement fous et font des propositions dingues. Mon téléphone n’arrête pas de sonner. Lorsque j’ai été aux concours de Liège et Opglabbeek, toute la Belgique et les Pays-Bas m’ont demandé Utopie. 
Quoi qu’il en soit, je ne vraiment pas dans l’optique de piquet le cheval d’un autre cavalier. La réalité est telle, que je dois tout de même en trouver un pour épauler Utopie. Je ne sais pas dans quelles conditions cela pourra se faire. J’aimerais par exemple pouvoir établir un partenariat avec un cavalier qui souhaite rester dans une optique de formation de jeunes chevaux, afin que je puisse prendre le relai par la suite. Il faudrait que ledit cavalier soit rémunéré à la juste hauteur de son travail et qu’il y ait une connivence et un travail d’équipe. Je suis déjà en pourparlers avec certains cavaliers de jeunes chevaux, qui prévoient de me confier des recrues une fois les Cycles Classiques terminés. En France, on a du mal à travailler en équipe. Aux Pays-Bas ou en Allemagne, les plus grands ont toujours des cavaliers dans l’ombre qui sont fiers de préparer la relève et de voir les chevaux briller par la suite. C’est dommage, car parfois lorsqu’ils ont un bon cheval d’âge, ils ne peuvent pas l’exploiter suffisamment car ils doivent se concentrer sur les jeunes, et à l’inverse je ne peux pas préparer les jeunes car je dois me concentrer sur ceux qui concourent à haut niveau…