Les championnats de France de para-dressage conservent leur statut de révélateur de talent
Ce dimanche 6 octobre, les championnats de France Amateur et Amateur Élite de para-dressage ont couronné Marion Chaussonnerie et Auxence Kerzerho à Saint-Lô. Malheureusement peu courue, cette échéance revêt pourtant un aspect de détection important pour l’encadrement fédéral de cette discipline dans lequel les progrès français ont été notables lors des Jeux paralympiques de Paris 2024. Évidemment présente à Saint-Lô, Fanny Delaval, la conseillère technique nationale adjointe, dresse le bilan de l’événement. Elle revient aussi sur les performances françaises à Versailles et se projette sur l’avenir de la discipline, qu’elle compte continuer à accompagner jusqu’aux Jeux de Los Angeles si cette possibilité lui est donnée.
Ces trois derniers jours, le concours organisé par la sympathique et dévouée équipe de Normandie Dressage au Pôle hippique de Saint-Lô accueillait les championnats de France Amateur et Amateur Élite de para-dressage, organisés selon une nouvelle formule cette année. “Nous avons décidé d’organiser deux championnats seulement cette année, et que les cavaliers de tous les grades s’y affrontent (alors qu’auparavant, un titre de France par Grade était attribué en Amateur, et idem en Élite, ndlr), pour les challenger un peu plus”, explique Fanny Delaval, la conseillère technique nationale adjointe au para-dressage. “Je suis assez contente de cette modification, car je trouve les résultats plus significatifs ainsi, mais nous allons peut-être faire évoluer encore légèrement la formule pour aboutir l’an prochain à deux championnats Amateurs, et deux Élite: on regrouperait alors, dans chacun de ces labels, les Grades I, II et III ensemble, et les Grades IV et V dans une autre catégorie. Pour ce faire, il est sûr que nous avons besoin qu’il y ait plus de cavaliers qui s’engagent à Saint-Lô.”
Marion Chaussonnerie l’emporte en Amateur
En effet, sept couples seulement étaient présents dans la Manche pour cet événement, avancé d’un mois par rapport aux années précédentes, ce qui ne lui a vraisemblablement pas été très favorable en termes de fréquentation. Après trois épreuves, toutes programmées à des horaires fort matinaux n’incitant malheureusement pas le public saint-lois à venir y assister, c’est finalement Marion Chaussonnerie qui a remporté le championnat Amateur avec Look O Look du Feuillard. Évoluant en Grade V, la cavalière de trente-huit ans a obtenu 66,893% puis 63,364% sur ses reprises imposées, correspondant aux textes internationaux des Para Intermédiaire A et B, avant d’obtenir 65,311% pour sa Libre faisant la part belle aux célébrissimes All I Want for Christmas is you et Caroll of the Bells, de Mariah Carey et Lindsey Stirling. Avec un total de 195,568 points, elle a devancé le seul autre engagé de la catégorie, Vincent Brunet, qui en a récolté 191,047 au total de ses trois passages. Athlète de Grade I, il était associé à Sweet de Violaine, un hongre de dix-huit ans, soit dix de plus que Look O Look du Feuillard.
Un troisième sacre pour Auxence Kerzerho
Après avoir remporté le championnat Élite de Grade IV en 2022, où il avait été le seul à aller au terme de la compétition, puis celui estampillé “Amateur” dans sa catégorie en 2023, Auxence Kerzerho était engagé dans la compétition “Élite” tous grades confondus cette année…et s’est offert un nouveau sacre! Le Breton de vingt-deux ans était associé à Eros Baraire qui, comme Look O Look du Feuillard, a des origines très dressage, puisqu’il est un fils du regretté Don Juan de Hus, dont il a notamment hérité un très bon galop. Après avoir signé les meilleures reprises imposées - sur les textes cette fois des Para Grands Prix A et B - de sa catégorie avec 68,583% et 70,027%, il n’a terminé que deuxième de la Libre, où son alezan de dix ans s’est montré un peu ému en début de travail au trot et a fauté dans à la fin d’un demi-cercle au contre-galop. Toutefois, les points d’avance du couple, évalué à 68,650% pour sa dernière prestation, lui ont suffi pour décrocher le titre devant Mehdi Nouara et Fair Play. Ceux-ci, qui concourent en Grade V, ont engrangé 204,086 points en trois épreuves, contre 207,260 pour les vainqueurs. Hortense Josserand, une autre cavalière de Grade V, a mené Enjoy Life JCD à la troisième place avec un total de 197,741. “Cela me fait très plaisir de décrocher ce troisième titre”, s’est exprimé Auxence Kerzerho, qui a également remporté la Préliminaire et le Grand Prix Amateur 2 au programme du concours saint-lois en selle sur Fiderglanz. “Je vois que le travail que nous réalisons avec Eros paye! Ce dimanche, je ne me suis pas senti tout à fait assez présent pour le monter au mieux et qu’il soit aussi expressif que lors des autres reprises, comparativement aux deux autres que j’ai présentées durant ce championnat. Pour autant, il y a eu de très bonnes choses, et je repars avec de vraies pistes de travail pour améliorer cette Libre en vue des prochaines échéances.”
“Notre sport demande beaucoup d’organisation”, Fanny Delaval
“Nous fondons beaucoup d’espoirs en Auxence”, a, quant à elle, indiqué Fanny Delaval. “Nous savions que les Jeux de Paris arriveraient trop tôt pour lui (le cavalier a déjà participé à deux CPEDI 2* et un CPEDI 3* en 2023, ndlr), mais clairement, pour lui, nous sommes dans un projet à quatre ans, d’autant que son cheval est vraiment qualiteux.” Globalement, “nous avons vu à Saint-Lô des montures très intéressantes avec des cavaliers encore peu expérimentés pour certains, que nous allons inviter lors de nos stages fédéraux et accompagner de notre mieux. Parmi les athlètes présents à Saint-Lô, nous pensons pouvoir construire un projet pour les emmener vers le haut niveau avec cinq cavaliers. Pour certains, il nous faudra cependant trouver une solution en termes de cheval.” En effet, si l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) confie volontiers une ou des montures à quelques para-dresseurs, le facteur “cheval” peut compliquer l’accès à la discipline, par rapport à d’autres sports. “Pendant et après les Jeux, des personnes qui ne pratiquent pas encore le para-dressage - notamment deux athlètes de volleyball assis - sont entrées en contact avec nous et nous ont indiqué être intéressées par ce sport, mais il faut qu’ils aient accès à un cheval qui corresponde à leurs besoins pour se lancer”, explique ainsi Fanny Delaval. “Par ailleurs, pratiqué au niveau nécessaire pour disputer des concours internationaux, ou même aux championnats de France Élite, notre sport demande beaucoup d’organisation, donc il faut que le projet de vie des athlètes aille de pair avec cela.”
Des modalités d’accompagnement à redéfinir
Par exemple, pour préparer les compétitions versaillaises, où il a terminé quatrième de la première épreuve individuelle et participé à la cinquième place de l’équipe de France, le Mayennais Vladimir Vinchon avait intégré le pôle d’entraînement établi au haras de Champcueil, chez Marina Caplain Saint-André, en Essonne. Celui-ci avait été mis sur pied spécifiquement pour Paris 2024 grâce au soutien financier lié à un partenariat entre la Fédération française de la maroquinerie, la FFE et le fonds de dotation EquiAction. Si ce centre d’entraînement n’a, pour l’heure, pas vocation à être reconduit, les autres modalités d’accompagnement des para-dresseurs pour les saisons à venir restent à définir. “Il va y avoir des élections dans les fédérations, y compris la FFE (où elles auront lieu le 19 décembre, ndlr), et nous n’en saurons plus qu’après celles-ci”, pose Fanny Delaval, qui gardera “un souvenir très positif des Jeux de Paris”. “Si cela est possible, j’aimerais rester en poste jusqu’à Los Angeles (qui seraient ses septièmes Jeux auprès des para-dresseurs français, ndlr). À l’heure actuelle, nous avons au sein de notre staff deux consultants techniques: Carlos Lopes, juge international de para-dressage et dressage de niveau quatre (le plus haut existant, ndlr), ainsi que David Amager, qui connaît très bien notre discipline pour avoir travaillé pendant longtemps avec l’équipe danoise. Nous avons aussi une vétérinaire fédérale, Emmanuelle Druoton, qui a accompli un travail énorme pour accompagner nos chevaux lors des Jeux. Flore Tairraz, préparatrice mentale, a également travaillé avec nos cavaliers, car l’aspect psychologique joue un grand rôle dans la performance. J’espère que nous pourrons continuer à travailler avec toute cette équipe! Nous devons également effectuer des débriefings avec l’Agence nationale du sport concernant Paris 2024. Nous espérons que l’engouement ne retombera pas, également au sein du gouvernement puisque nous avons un nouveau ministre des sports (Gil Avérous occupe cette fonction depuis le 22 septembre, ndlr), et que nous pourrons continuer à travailler avec les mêmes moyens dans l’optique de Los Angeles.”
“Il faut que les centres équestres et les dresseurs s’intéressent au para-dressage”
Si Pégase*Mayenne (ex- Fidertanz for Rosi) et Sultan, les chevaux montés par Vladimir Vinchon et Alexia Pittier à Versailles, où cette dernière s’est aussi qualifiée pour la Libre de sa catégorie, seront tout à fait en âge de s’envoler pour la Californie dans quatre ans, Swing Royal*IFCE, lui, a pris sa retraite après sa quatrième place en finale des Jeux avec Chiara Zenati. Celle-ci peut toutefois compter sur Zeus de Malleret*IFCE, douze ans, qui “devrait prendre part aux regroupements fédéraux Masterclass cet hiver, puis aux premiers internationaux de la saison prochaine”, espère Fanny Delaval. “Nous verrons si Chiara et lui sont en mesure de se rendre aux championnats d’Europe, qui restent une échéance importante et auront lieu début septembre 2025.” Quant à Lisa Cez, la dernière Française en lice à Versailles, l’encadrement fédéral pense qu’il sera compliqué de compter de nouveau sur son Stallone de Hus à l’avenir après que celui-ci a “un peu craqué mentalement” dans le parc du château de Louis XIV, où des tensions l’ont conduit à réaliser une performance en-deça des standards. “Pour que le para-dressage français se développe et progresse encore plus, il faut que les centres équestres, mais aussi les dresseurs, s’y intéressent, et qu’une dynamique se crée et se décentralise”, résume enfin Fanny Delaval. “En effet, nous voyons bien que les cavaliers ont besoin d’être encadrés par des coaches de dressage pour avancer, et il faut aussi que les structures trouvent des solutions pour les accompagner avec des chevaux intéressants. Nous avons effectué des réunions avec les entraîneurs présents ici, à Saint-Lô, qui se sont montrés très intéressés quant au fait de recevoir les conseils de nos consultants techniques. Nous avons également la chance d’avoir eu d’excellents juges avec nous, dont Anne Prain et Freddy Leyman (qui officiaient tous les deux à Versailles, la première en tant que présidente du jury, ndlr). Leurs retours sont très constructifs et donnent de vrais éléments de travail aux cavaliers, ainsi qu’à nous.”