Quel a été l’impact des Jeux de Paris sur la rentrée des clubs français?

Au lendemain des vacances d’été souvent rythmées par les stages et les passages d’examens, le mois de septembre est toujours une période cruciale pour les centre-équestres. L’inoubliable été 2024, placé sous le signe des Jeux olympiques et paralympiques, a suscité chez les Français un intérêt tout particulier pour le sport. L’héritage de Paris 2024, a-t-il eu un réel impact sur la rentrée sportive des structures équestres? Entre moniteurs et directeurs de structures, GRANDPRIX a recueilli les témoignages de ceux qui transmettent leur passion pour l’équitation, à travers un tour de France des clubs.



Île-de-France: “Bien qu’assez tardive par rapport aux années précédente, cette rentrée a été plutôt bonne”, Cyril Turmel (Club hippique de Versailles)

Rénové récemment, le Club Hippique a accueilli l’équipe olympique suédoise lors des Jeux de Paris 2024.

Rénové récemment, le Club Hippique a accueilli l’équipe olympique suédoise lors des Jeux de Paris 2024.

© Club Hippique de Versailles

Cyril Turmel est le directeur du Centre Hippique de Versailles, rénové avant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et labellisé “Centre de Préparation Paris 2020”. La structure a notamment accueilli l’équipe olympique suédoise. L’un des plus grands clubs d'Île-de-France et de France propose également des formations au monitorat (AE et BPJEPS). “Cette rentrée a été plutôt bonne, bien qu’assez tardive par rapport aux années précédentes. Je pense que les Jeux paralympiques y ont joué un rôle, les gens étaient sans doute plus occupés et se sont réinscrits un peu plus tard. Finalement, nous avons reçu beaucoup de demandes, particulièrement du côté des adultes. Cela fait déjà deux ou trois ans que cette tendance se dessine, mais cette année, c’est particulièrement frappant, et je crois que c’est une retombée de Paris 2024. Pour nous, l’impact a été très positif. Bien que nous manquions encore de recul, nous observons un bon taux de fidélisation.

Les Jeux ont été très présents dans les discussions, et nous avons organisé plusieurs animations pédagogiques sur ce thème. Nous avons même pu acheter quelques places pour assister aux épreuves équestres à Versailles, que nous avons fait gagner à nos adhérents lors de tombolas.  Même si les Jeux olympiques se sont terminés il y a presque deux mois, les gens continuent de poser des questions, notamment sur notre expérience avec l’équipe suédoise que nous avons accueillie. En plus d’être une réussite sportive, les Jeux ont été une grande fête pour la France. Cela nous a donné l’occasion d’en parler longuement, mais maintenant, il est temps de tourner la page!”



Normandie: “Nous avons eu beaucoup plus d’inscriptions d’adultes cette année”, Céline Halouin (Loisirs équestres Montsecret-Clairefougère)

Orienté sur l’équitation d’extérieur, les Loisirs Équestres Montsecret Clairefougère permet aussi de découvrir les disciplines de l’ombre.

Orienté sur l’équitation d’extérieur, les Loisirs Équestres Montsecret Clairefougère permet aussi de découvrir les disciplines de l’ombre.

© Loisirs équestres de Montsecret

Difficile de se démarquer en Normandie, bassin du cheval par excellence. Céline Halouin a grandement participé à l’essor du centre-équestre de Montsecret, en axant ses activités sur une pédagogie loin des disciplines olympiques. Orienté sur l’équitation d’extérieur, ce club propose également à ses adhérents des sorties annuelles pour découvrir des disciplines dans l’ombre, mais aussi des activités culturelles. “Nous avions organisé une journée portes ouvertes le 15 septembre, qui permettait aussi aux gens de se réinscrire et qui a marqué l’inauguration de nouvelles installations comme notre manège couvert. Notre rentrée a été sensiblement similaire aux années précédentes concernant l’affluence, et nos habitués sont revenus sans problème. Nous n’avons pas vraiment eu de discussions liées au JO, mais c’est probablement lié au fait que nous sommes un club d’équitation d’extérieur et pas de saut d’obstacles.  Pendant l’été, nous travaillons beaucoup avec des centres aérés et les camps de vacances, et même si nous avons fait des activités à thèmes, ça n’a pas engendré de nouvelles inscriptions puisque les enfants étaient dans un cadre spécifique, sans leurs parents.

Parmi les nouveaux adhérents, nous avons beaucoup d’enfants en bas âge puisque nous avons un créneau de Baby-Poney accessible à partir de deux ans et demi. D’un autre côté, nous avons eu beaucoup plus d’inscriptions d’adultes cette année. Ce sont souvent des profils qui ont décidé de sortir du schéma habituel du club avec l’envie de découvrir quelque chose d’autre. [...] Nous ne parlons pas souvent du haut-niveau, même si nous essayons d’être très attentifs à l’actualité de la filière équine. Il est important pour nous de proposer à nos adhérents des activités culturelles et sportives qui peuvent les ouvrir à toutes les disciplines. Nous souhaitons leur montrer qu’il n’est pas impossible de trouver sa voie en concours sans faire de jumping. [...] Nous essayons vraiment de nous ouvrir à toutes les facettes du monde du cheval.”



Auvergne-Rhône-Alpes: “Nous proposions des séances gratuites, mais les participants ne se sont pas inscrits par la suite”, Emmanuelle Patay (UCPA Carré de Soie)

À Vaulx en Velin à deux pas de Lyon, les cavaliers du Poney Club UCPA Carré de Soie peuvent profiter de la carrière au centre de l'hippodrome et des infrastructures à proximité.

À Vaulx en Velin à deux pas de Lyon, les cavaliers du Poney Club UCPA Carré de Soie peuvent profiter de la carrière au centre de l'hippodrome et des infrastructures à proximité.

© Julia Lahyani - OneMomentShot

Le poney-club UCPA Carré de Soie est l’une des trois structures du groupe installée dans l’agglomération lyonnaise. Situé à Vaulx-en-Velin, le pôle de loisirs du Carré de Soie est un endroit particulièrement attractif pour les enfants et adolescents, puisqu’il ne se limite pas à ses activités équestres, mais comprend également un skate-park et des jeux en libre accès. Emmanuelle Patay en est la responsable d’unité. “De mon côté, je n’ai observé aucune retombée particulière liée aux Jeux olympiques. Comme d’habitude, les familles viennent faire des baptêmes poneys le dimanche et ont profité des portes ouvertes que nous avons organisé à l’occasion de la Journée du cheval pour découvrir le club et nos activités, mais nous n’avons pas constaté une affluence plus importante que d’ordinaire. Les Jeux se sont déroulés en plein été, une période qui, pour nous, est principalement dédiée aux stages et aux examens. La plupart des inscriptions se font à l’ouverture des réservations, juste avant l’été, donc l’enthousiasme olympique n’a pas vraiment eu d’impact de ce côté-là. Le siège de l’UCPA avait fourni des supports de communication sur le thème des JO pour toutes les disciplines. En équitation, nous proposions des séances gratuites, mais les participants ne se sont pas inscrits par la suite. Les centres équestres de l’UCPA dans la région lyonnaise n'ont pas connu une aussi bonne rentrée que ceux de Paris ou de Marseille par exemple. A priori, cela semble spécifique à Lyon. Peut-être que les Jeux ont eu un plus grand impact à Paris.”



Haut-de-France: “Les quelques personnes qui sont venues s’inscrire au centre équestre étaient déjà cavaliers”, Marie Barbiaux (Écuries de la Lawe)

Les écuries de la Lawe, situées dans l’agglomération lilloise, au cœur d’un écrin de verdure, sont un endroit attrayant pour les cavaliers férus de compétition. Cette structure propose de nombreuses activités, telles que les balades à poneys et les anniversaires. Marie Barbiaux en a repris le flambeau en 2019. “Honnêtement, nous n’avons pas eu de répercussion. Les quelques personnes qui sont venues s’inscrire au centre équestre étaient déjà cavaliers. Je n’ai pas eu de nouveaux adhérents non plus par rapport aux années précédentes, nous sommes sur la même tendance. Nous étions fermés pendant la période des Jeux, donc nous n’avons pas organisé d’activités en particulier. Les épreuves étaient en pleine journée, donc c’était compliqué pour nous de tout suivre. Les horaires n’étaient pas adaptés à la vie en écurie (rires). De plus, la plupart des jeunes sont en vacances l’été, donc moins présents au centre équestre.”



Nouvelle-Aquitaine: “L’offre est très importante, et il est très compliqué de tirer son épingle du jeu”, Benoit Arosko (Équi Libre)

Situé en pleine nature à Torsac, Equi-Libre est un endroit qui offre de réels atouts pour l’équitation d’extérieur.

Situé en pleine nature à Torsac, Equi-Libre est un endroit qui offre de réels atouts pour l’équitation d’extérieur.

© Équi-Libre

Situé en pleine nature à Torsac, proche d’Angoulême, en Charente, dans un bassin riche en structures équestres, Equi-Libre est un endroit qui offre de réels atouts pour l’équitation d’extérieur. Benoît et Stéphanie Arosko en sont les gérants. “C’était une rentrée somme toute assez calme. Personne n’est venu au centre équestre chercher des renseignements. Je pense honnêtement que la conjoncture économique à un rôle à jouer. Nous essayons toujours de nous développer et de se dynamiser, mais pour cela, il faut que les gens viennent. Heureusement, certains restent toujours intéressés par l’équitation. Dans les alentours d’Angoulême, où nous sommes installés, l’offre est très importante, donc c’est très compliqué de tirer son épingle du jeu. Nos installations à la campagne sont un atout certes, mais rien n’est simple. Pendant les Jeux, nous avons organisé quelques activités, mais la plupart des licenciés étaient absents durant cette période donc nous n’avons pas eu grand monde. Entre le travail des uns et les vacances des autres, c’était compliqué de mobiliser tout le monde donc il s’agissait plutôt de petits groupes”.



Grand-Est: “Beaucoup de cavaliers quittent les clubs pour prendre des demi-pensions dans des écuries de propriétaires”, Nathalie Pedretti (BANAO Équitation.

Avant de créer BANAO et de se lancer en tant que monitrice indépendante, Nathalie Pedretti a enseigné pendant trente-cinq ans en centre-équestre.

Avant de créer BANAO et de se lancer en tant que monitrice indépendante, Nathalie Pedretti a enseigné pendant trente-cinq ans en centre-équestre.

© Association du Poilu de Melville

Nathalie Pedretti, enseignante formée au Cadre Noir de Saumur, a travaillé en centre équestre pendant trente-cinq ans avant de devenir monitrice indépendante. Elle fonde alors BANAO (Bien-être animal, approche naturelle, option compétition) pour poursuivre l’enseignement de l’équitation, en plaçant le bien-être animal et la performance au cœur de son projet. Elle intervient actuellement dans quatre écuries en Haute-Marne et anime des stages de jumping pendant les vacances dans un club alsacien. “Dans notre région, je ne sais pas encore si on peut vraiment observer des retombées économiques, mais ça a peut-être contribué à changer les mentalités dans le milieu de l’équitation, et l’image de la discipline envers le grand public. Dans d’autres sports comme la natation, les enfants se précipitent pour s’y inscrire. Mais en équitation, c’est malheureusement difficile d’avoir des rêves olympiques quand on commence en club sans beaucoup d’argent. Pour mes collègues dirigeants de centres équestres et poney clubs, la rentrée n’a pas vraiment été extraordinaire. Les gens viennent se renseigner, mais peu d’inscriptions se concrétisent. Beaucoup de cavaliers quittent les clubs pour prendre des demi-pensions dans des écuries de propriétaires, qui sont en plein essor. Ce qui change, c’est que maintenant, même des enfants et des adolescents s’occupent de poneys ou de chevaux, alors qu’avant les contrats se faisaient principalement entre adultes.

J’observe aussi que certains clubs sont obligés de se diversifier dans les activités ou les disciplines proposées en compétition pour continuer d’attirer du public. D’autres en ont fait leur créneau depuis longtemps, comme Isabelle Clérin des écuries du Puits des Mèzes, qui organise annuellement un spectacle attirant beaucoup de monde. Cette année, elle a présenté à diverses occasions une démonstration thématisée sur les JO, avec une explication des règles et de l’histoire des trois disciplines olympiques à destination du grand public. Ses cavaliers ont même eu la chance d’accompagner la flamme olympique à Froncles, près de Colombey-les-Deux-Églises.

J’ai quand même l’impression d'une certaine fracture entre d’un côté les cavaliers de niveaux Club et Amateur, et de l’autre le haut niveau. C'est le même sport, sans l’être vraiment. L’équitation couvre un spectre tellement large que je ne suis pas sûre que les novices s’identifient vraiment aux images qu’ils voient à la télévision. Le dressage et le saut d’obstacles, pour quelqu’un qui ne connaît rien à l’équitation, peuvent paraître assez abstraits. Je doute que cela fasse autant rêver les enfants que les baptêmes de poney sur des shetlands, les démonstrations de voltige ou encore les spectacles. Ce sont les Journées portes ouvertes, où l'on met les enfants en contact direct avec les chevaux, qui attirent vraiment les foules dans les centres équestres.

L’avenir de l’équitation dans le programme olympique a probablement été préservé, ce qui est quand même positif pour notre filière. La question du bien-être animal est de plus en plus abordée dans le sport de haut-niveau, et c’est quelque chose qui doit absolument suivre au niveau des centres-équestres. Il est nécessaire de former les moniteurs et les encadrants à ces approches. Cela nécessite une éducation continue, et je suis convaincue que l’exemple donné par les cavaliers de haut niveau peut jouer un rôle clé dans cette démarche.”