“Nous aimerions être davantage consultés sur les sujets qui nous concernent”, Sébastien Cavaillon
Ayant achevé prématurément sa saison en raison d’une fracture du nez liée à une chute le week-end passé à Kronenberg, Sébastien Cavaillon revient sur ce concours qui lui a malgré tout réussi puisqu’il s’est classé du CCI 3*-S avec son fidèle Paris Boston. Le réserviste des Jeux olympiques de Paris 2024, qui a servi l’équipe de France jusqu’au stage terminal de préparation, évoque son piquet de chevaux, la saison hivernale qui débute, mais aussi la succession de Thierry Touzaint, sélectionneur des Bleus, au sujet de laquelle il souhaiterait que les cavaliers concernés aient davantage voix au chapitre.
Comment allez-vous après votre chute survenue à la détente de l’hippique au CCI 2*-L de Kronenberg?
J’ai connu une petite mésaventure avec un jeune cheval (Iskis Dervenn, un étalon de six ans, ndlr) qui concourait pour la première fois en international. Il avait réalisé un début de concours tout à fait satisfaisant, déroulant un cross idéal, et nous avons eu un problème d’équilibre à la réception d’un saut sur un petit oxer au paddock. Pour moi, cela s’est soldé par une fracture du nez, heureusement sans déplacement. Quant à mon cheval, il va très bien. Je suis un peu contrarié de terminer ma saison de cette façon, mais, je suis tout de même rentré avec un podium dans le CCI 3*-S, ce qui m’a fait bien plaisir.
Comment envisagez-vous la période hivernale qui s’amorce?
Tout d’abord, je vais accompagner mes élèves en concours et préparer les cross indoor de Rouen et Genève avec Black Pearl. Suivra une petite période de repos, durant laquelle je vais programmer quelques jours de congés. Ensuite, nous envisagerons la remise en route de tout le monde pour être en forme en 2025. Après leur dernier concours, mes chevaux bénéficient donc de trois semaines de vacances, pendant lesquelles ils vont au paddock la journée et rentrent la nuit. Ensuite, je les remets en route pour qu’ils ne perdent pas leur musculature. Nous les faisons alors travailler un peu de longe, en trotting et en stretching, puis ils auront une nouvelle petite pause, avant de reprendre le travail hivernal plus approfondi, courant décembre.
Votre piquet va-t-il évoluer?
Non, rien ne change en vue de l’an prochain. J’aurai les mêmes chevaux que cette année. Elipso de la Vigne (réserviste pour les Jeux olympiques de Paris 2024, ndlr), Black Pearl, Paris Boston et Quatchina Blue seront mes quatre valeurs sûres. J’ai aussi deux chevaux de sept ans, Hashtag de la Vigne et Skywalker, et un de six ans, et je me suis mis en quête de deux nouveaux chevaux de six ans grâce à un nouveau propriétaire qui ambitionne de me confier de nouvelles montures en vue de Los Angeles. Ce n’est pas facile à trouver, car, pour un tel objectif en ligne de mire, il me faut des jeunes à gros potentiel…
“Les cavaliers souffrent aujourd’hui d’une absence de vision à moyen terme”
Comment sélectionnez-vous les chevaux sur lesquels vous misez pour le très haut niveau?
Je m’oriente plutôt vers des jeunes de six ou sept ans qui me semblent présenter un grand potentiel, même s’ils n’ont pas une grande expérience. J’aime les accompagner dans leur travail et les façonner, et je ne cherche surtout pas un cheval déjà prêt. L’un de mes premiers critères est le physique: il me faut un beau cheval avec un vrai look. Bien entendu, il doit présenter trois bonnes allures et surtout un beau galop. Je privilégie les partenaires avec une tête bien faite. Pour cela, je dois sentir très vite si nous allons nous correspondre lorsque je les monte. Le courage et la volonté sont indispensables pour atteindre les sommets. Je cherche un déclic , même s’il faut évidemment du temps pour former un couple. Avant d’acheter Elipso, qui avait alors cinq ans, j’ai su dès le premier essai qu’il serait très bon.
Sélectionneur de l’équipe de France de concours complet depuis 2013, après un premier long bail qui s’était achevé fin 2010, Thierry Touzaint devrait passer la main, et un nouvel encadrement technique devrait être nommé début 2025 après les élection fédérales. Comment abordez-vous cette transition?
Cette question est en suspens dans l’attente des élections. On ne sait pas encore quelle politique sportive résultera de ces élections. Pour l’heure, nous travaillons à la maison avec nos entraîneurs privés. Après cette phase, nous nous rapprocherons des dirigeants pour déterminer les objectifs de chaque cheval. Vis-à-vis de la préparation de nos chevaux, ce retard est assez dérangeant. À mon sens, il aurait été plus profitable d’anticiper cette transition avant les Jeux de Paris pour ne pas perdre de temps. Nous avons déjà un retard du fait de l’absence de vision à plus long terme, mais nous irions déjà de l’avant si nous avions un encadrement transitoire. Nous, cavaliers, souffrons aujourd’hui d’une absence de vision à moyen terme. D’ailleurs, cela se traduit dans les annonces des sélections: la France est souvent la dernière à en faire part! Les autres nations présentent vite un groupe élite, au sein duquel des couples sont parfois intégrés en cours de saison, et les cavaliers savent beaucoup plus vite où ils en sont vis-à-vis de l’échéance majeure de l’année. J’ai le sentiment que la politique prend trop le pas sur le sport, ce qui est dommage pour les athlètes que nous sommes. Par ailleurs, nous, cavaliers de haut niveau, aimerions être davantage consultés sur les sujets qui nous concernent. Et, à titre personnel, je pense que nous devrions mettre en place un système similaire à celui qu’a adopté l’Allemagne, avec un coordinateur gérant les différents intervenants (dont le Français Rodolphe Scherer pour le cross, ndlr), qui s’adaptent à chaque cavalier et cheval.