“Face au surmenage sportif, footballeurs et chevaux logés à la même enseigne?”, Éric Louradour

On en demande toujours plus aux footballeurs professionnels, avec des saisons à rallonges et un nombre croissant de matches et de compétitions à disputer. À bien y regarder, les chevaux de saut d’obstacles concourant à haut niveau peuvent eux aussi être sujets au surmenage. Même s’ils disputent plutôt moins d’épreuves par concours qu’il y a quinze ans, le calendrier international s’est grandement enrichi en épreuves à 1,55m et 1,60m généreusement dotées et programmées sans interruption de janvier à décembre dans le monde entier, avec à la clé de plus longs et fréquents voyages. Dans une nouvelle chronique aussi engagée qu’intéressante, Éric Louradour établit un parallèle entre ces deux réalités sportives et appelle les écuries à la mesure, dans le cadre d’une équitation plus éthique et respectueuse.



Le football moderne est à la croisée des chemins, confronté à une densification sans précédent de son calendrier. Comparé à il y a dix ou vingt ans, les joueurs professionnels disputent bien plus de matches. Alors qu’un footballeur de haut niveau jouait environ quarante à cinquante matches par saison en 2000, aujourd’hui, certains affichent désormais un rythme annuel supérieur à soixante matchs. Des stars comme Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo ont déjà joué plus de huit cents matches au cours de leur carrière, ce qui était impensable autrefois. Cette cadence effrénée entraîne de la fatigue, des blessures, et parfois des baisses de niveau de performance. Ce problème est jugé si sérieux que des syndicats en appellent à des régulations pour protéger les joueurs.

Ce phénomène ne se limite pas au football. Dans le monde des concours hippiques, plus particulièrement en saut d’obstacles, le surmenage des chevaux devient une problématique alarmante. Ces athlètes sont de plus en plus sollicités, enchaînant les concours tout au long de l’année, sans périodes de repos suffisamment longues. À l’instar des joueurs de football, ils subissent une pression constante pour performer, mais contrairement aux footballeurs, ils n’ont pas de voix pour exprimer leurs doléances.



Une réalité sous-estimée

Concernant les compétitions équestres, le premier aspect à considérer est le manque de pauses et de récupération. Souvent transportés de concours en concours sur de longues distances, les chevaux sont soumis à des niveaux élevés de stress. Combiné à la fatigue physique, celui-ci accroît le risque de blessures et d’épuisement, affectant la longévité de leur carrière sportive. Pourtant, les fédérations et les cavaliers se montrent encore trop peu vigilants quant à la gestion de ces périodes de récupération, indispensables pour garantir leur bien-être.

Un autre problème réside dans la manière dont certains jeunes chevaux sont précipités dans la compétition. Il n’est pas rare de voir des chevaux engagés en concours alors qu’ils sont encore en plein développement physique, ce qui peut avoir des conséquences durables sur leur santé. Dans leur quête de résultats à court terme, certains cavaliers brûlent des étapes cruciales dans l’éducation et la préparation des jeunes chevaux, au détriment de leur bien-être à long terme.



L’aspect psychologique du bien-être animal

Le bien-être mental des chevaux est aussi un facteur souvent négligé. Comme tout athlète, un cheval a besoin d’équilibre. Des compétitions qui s’enchaînent, associées à un environnement qui ne respecte pas ses besoins naturels, comme le contact social avec d’autres chevaux ou des moments de liberté, peuvent entraîner des troubles du comportement. Des signes de nervosité, d’anxiété ou d’agressivité apparaissent parfois chez des chevaux qui sont surmenés, révélant un mal-être profond qui passe souvent inaperçu dans un milieu trop centré sur les performances.



L’argent, un piège pour les chevaux comme pour les footballeurs

L’aspect financier ne peut être ignoré. Les footballeurs, malgré leurs salaires faramineux, ne sont pas des machines. Le fait qu’ils soient payés des millions ne justifie pas qu’on les exploite au-delà de leurs capacités physiques et mentales. De la même manière, certains chevaux de saut d’obstacles coûtent des sommes considérables à leurs propriétaires, créant une pression supplémentaire pour “rentabiliser” au mieux cet investissement. Pour autant, un cheval qui a coûté cher ne doit pas être exploité jusqu’à l’épuisement. La logique de rentabilité ne peut primer sur le respect du bien-être animal.



Vers un sport plus éthique

Le parallèle entre le football et l’équitation est frappant, et dans les deux cas, la recherche de performance continue à outrance pose des problèmes éthiques. Les footballeurs sont aujourd’hui capables de faire entendre leur voix, exigeant des périodes de repos et une gestion plus humaine de leur emploi du temps. Pour les chevaux, cette prise de conscience doit venir des cavaliers, des propriétaires et des fédérations. Il est essentiel de mettre en place des régulations qui limitent le nombre de compétitions par an, garantissent des périodes de récupération suffisantes, et prennent en compte les besoins psychologiques des chevaux.

Il faut également repenser la formation des jeunes chevaux, en évitant de les pousser trop vite vers des épreuves trop exigeantes pour leurs capacités physiques. Une attention particulière devrait être portée sur les conditions de transport, de logement, et sur la gestion globale de leur bien-être mental. Des pratiques plus éthiques sont nécessaires pour protéger ces athlètes silencieux, et la responsabilité incombe aux cavaliers de s’interroger sur la meilleure façon de préserver la santé de leurs montures.

En fin de compte, il est temps que le sport, quel qu’il soit, évolue vers une pratique plus respectueuse. Le bien-être des joueurs, comme celui des chevaux, doit être au centre des préoccupations, et non sacrifié sur l’autel de la performance à tout prix. Pour garantir la durabilité de ces sports, il est indispensable de trouver un équilibre entre la recherche de résultats et la protection de la santé des athlètes, humains comme animaux.

Sportivement vôtre.