Le sublime Tornesch s’est éteint à vingt-quatre ans

Tornesch 1042 est mort hier soir à l’âge de vingt-quatre ans des suites de coliques. L’étalon vivait une retraite sportive paisible tout en s’adonnant à la reproduction au haras du Val d’Arnon, dans le Cher. Ancien crack de la Suédoise Malin Baryard-Johnsson, il avait marqué le saut d’obstacles international en atteignant le très haut niveau dès ses débuts. Ce superbe bai, qui avait pour particularité physique d’être borgne, laisse derrière lui de nombreux produits ayant hérité de son modèle très apprécié.



Géré par le haras de Semilly depuis la fin de sa carrière sportive, Tornesch 1042 était stationné depuis deux ans au haras du Val d’Arnon, sur le site de l’hippodrome de Lignières-en-Berry, dans le Cher. Le Dr Emmanuel Lagarde, vétérinaire et chef de centre, revient sur les circonstances de la mort de l’étalon de vingt-quatre ans, survenu hier soir. “Depuis un mois, il souffrait de coliques dès qu’il mangeait. Nous avons tout tenté en accord avec la propriétaire qui ne voulait pas l’opérer, puisqu’il avait déjà subi une première intervention et qu’il était assez âgé. Nous l’avons accompagné au mieux, en clinique et à la maison. Hier soir, nous avons dû l’euthanasier après une torsion puis une rupture de son tube digestif. Malgré ces épisodes de coliques, qui n’avaient jamais été aussi graves, il avait une vie confortable”, assure Emmanuel Lagarde, qui l’avait récupéré il y a deux ans en provenance du haras de la Bouloye. “Nous l’avons gardé en très bon état. Il était toujours fertile et a très bien travaillé. Cette année, nous avons encore envoyé des doses de semence de Tornesch à l’étranger, notamment en Italie, et il n’y a eu aucun problème lors des inséminations. Il avait sa routine d’étalon et il était un véritable maître d’école pour enseigner à nos jeunes collaborateurs comment récolter la semence. Il était toujours curieux, avec le nez pointé dehors pour voir ce qui se passait autour de lui. Il était gentil comme tout, très attachant et intelligent.”

Né en 2000 sous le nom de Tornesch 1042 (KWPN, Lux x Libero H), le bai avait débuté sa carrière internationale avec Malin Baryard-Johnsson, participant à des CSI 5* dès 2008. Parmi leurs performances marquantes, citons des victoires dans les coupes des nations de Barcelone, en 2011, Falsterbo, en 2010 et 12, et dans le Grand Prix CSI 3* de Stockholm, en 2012, mais aussi des deuxièmes places dans les Grands Prix CSIO 5* de Falsterbo en 2010 et CSI 5*-W de Londres en 2012, ou encore des troisièmes places dans le Grand Prix CSI 5* du Saut Hermès au Grand Palais en 2011 et de Treffen en 2014 et en Coupe du monde à Vigo en 2011, Vérone en 2012 et Londres en 2014. Le couple avait pris part à trois finales de la Coupe du monde, avec une onzième place à la clé en 2011 à Leipzig, mais aussi aux championnats d’Europe Rolex de 2011 à Madrid et 2015 à Aix-la-Chapelle, sans y gagner de médaille – la Suède n’était pas la nation dominante qu’elle est redevenue de 2017 à 2023.



“Une époque de notre vie s’est éteinte”, Malin Baryard-Johnsson

L’ablation de l’un de ses deux yeux, en milieu de carrière, ne l’avait pas empêché de performer, même s’il était naturellement handicapé dans certains virages, notamment lors des barrages. Sa cavalière gérait toujours cet élément à la perfection. “Une époque de notre vie s’est éteinte avec la disparition de Tornesch, notre roi. Ce cheval incroyablement amical a toujours essayé de performer, d’être en forme, parfois plus que ce qu’il avait vraiment imaginé. Quel souvenir, quel cheval! Je serai à jamais reconnaissante envers toi”, a déclaré Malin sur les réseaux sociaux. Tornesch avait achevé sa carrière en 2017 sous la selle d’une jeune Suédoise, Emelie Hugoson-Feldt, qui l’avait monté en CSIO Juniors.

Particulièrement prolifique en France en 2016 et 2017, Tornesch laisse derrière lui quatre cent trente et un produits recensés rien que par le service d’information relatif aux équidés (SIRE) de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Parmi ceux, quatre cent cinq sont nés en France et cinq affichent un ISO supérieur à 140: Texas (ISO 165, SWB, mère par Robin I), ancien partenaire de Pénélope Leprevost qui a filé en Espagne en début d’année après avoir offert à la Normande le titre de championne de France Pro Élite en 2022 et deux Grands Prix CSI 4*, gagnés à Rouen en 2023 et Vejer de la Frontera en 2024; Dispo Cécé (ISO 156, SF, mère par Quouglof Rouge), Night Girl van de Heffinck (ISO 149, BWP, mère par Armitage), Oakingham Lira (ISO 144, AES, mère par Del Piero PB) et Festival Semilly (ISO 142, SF, mère par Orame).

Tornesch est déjà présent en tant que père de mère dans le pedigree de plusieurs performeurs, dont Cicci BJN (SWB, Ci Ci Senjor Ask). La grise de treize ans, formée et montée depuis 2017 par la Suédoise Wilma Hellström, a terminé deuxième cet été du Grand Prix CSI 5* de Stockholm puis remporté la Coupe des nations du CSIO5* de Falsterbo, après avoir contribué à la médaille d’or de la Suède aux championnats d’Europe de Milan en 2023. Mentionnons encore Lolita ES (KWPN, Mosito van het Hellehof), victorieuse d’un Grand Prix CSI 2* à Drammen à huit ans avec le Norvégien Johan-Sebastian Gulliksen, qui l’a lancée à 1,55m, Daytona SE (SWB, Durrant), qui évolue à 1,50m en CSI3* avec l’Américaine Hanna Egan, et Mexico (SWD, Niveau) ayant évolué jusqu’en CSI 4*.



“Tornesch était charismatique, intelligent et ne laissait personne indifférent”, Anne-Sophie Levallois

Anne-Sophie Levallois, qui gère le haras de Semilly avec son époux Richard, était particulièrement attachée à ce brillant étalon. “Sa mort nous touche beaucoup parce que nous l’avions gardé plusieurs années chez nous et qu’il était très attachant”, confie-t-elle. “Tornesch était charismatique, intelligent et ne laissait personne indifférent. Il anticipait souvent les choses. Il était extrêmement malin, et très beau aussi! Depuis le temps que nous travaillons avec ses propriétaires (les Suédois Helena Hugoson-Feldt et Thomas Feldt, ndlr), nous sommes devenus amis. Ils sont dévastés, parce que c’était vraiment le cheval de la famille, avec lequel leur fille avait pu concourir dans sa jeunesse. Cependant, Helena, vétérinaire, connaît les chevaux, alors ils essaient de relativiser. Tornesch a marqué son temps avec Malin Baryard-Johnsson. Ils formaient un très chouette couple. Quand ils rentraient en piste, tous les regards se tournaient vers eux. Je pense que son intelligence le rendait supérieur à la moyenne. Il cherchait toujours à comprendre.”

“Ses propriétaires nous l’avaient amené il y a dix ans tout juste, alors qu’il concourait encore, pour qu’il fasse la monte en frais”, se souvient Anne-Sophie Levallois. “Ils nous avaient expliqué tout le protocole, parce que c’était un cheval très routinier dans sa façon de faire, avec ses propres codes. Tout s’était très bien passé. Il était plein de sang. Au début, nous l’avions placé dans le grand box où nous avions mis Diamant. Cependant, Tornesch, qui avait un grand instinct grégaire, ne se plaisait pas dans ce box ‘royal’ parce qu’il se sentait trop isolé. Comme il avait beaucoup de sang, il marchait tout le temps et maigrissait. Alors que nous cherchions des solutions, sa propriétaire nous avait dit de le mettre au paddock avec une jument à côté, ce à quoi nous n’aurions jamais pu penser! Et en effet, il était très content. Cela le déstressait et il n’y a jamais eu d’accident. Quand nous l’avons remis en box, c’était toujours entouré de voisines. Il était heureux ainsi. Pendant les premières années, nous le maintenions au travail pour le garder en forme physiquement et mentalement. Nous le longions ou le montions tous les jours. Il était très souple, très félin, et agréable à monter de ce fait. C’était sympa de la part de ses propriétaires de l’avoir laissé en France toutes ces années. Nous avons été chanceux de l’avoir à nos côtés”, conclut la Normande.

Revivez la quatrième place de Malin Baryard-Johnsson et H&M Tornesch dans le Grand Prix CSI 5* Longines d’Equita Lyon en 2013