“Il est normal et sain de ressentir de la pression”, Géraldine Straumann (2/2)

À seulement vingt ans, Géraldine Straumann prouve, ces dernières semaines, qu’elle a toute sa place dans la cour des grands. Sixième des étapes de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles d’Oslo et Vérone avec Long John Silver, la Suissesse, partie s’installer au Danemark voilà près d’un an, a fait ses premières armes au plus haut niveau au printemps, sur le circuit de la Global Champions League. Revenant sur sa participation à la mythique Coupe des nations de Calgary, la cavalière évoque l’importance que revêt la bonne gestion de la pression pour performer en compétition. Elle s’intéresse aussi à la manière dont la jeune génération et les cavaliers plus expérimentés peuvent travailler ensemble dans l’intérêt du sport.



La première partie de cet entretien est disponible ici

Avant de vous lancer en Coupe du monde en octobre, vous avez commencé à faire vos armes au plus haut niveau cette saison en intégrant l’équipe des Guerriers d’Istanbul au sein de la Global Champions League. Comment avez-vous vécu cette expérience?

Intégrer cette équipe a été une excellente chose pour moi. Cela m’a donné la chance de m’aligner lors de concours plus importants et de prendre part à des épreuves plus exigeantes que je ne l’aurais fait sans participer à la Global Champions League. Cette opportunité est arrivée au bon moment, alors que j’avais le cheval idéal pour la saisir. Sans Long John Silver (son meilleur partenaire, ndlr), je n’aurais pas pu le faire. Nous avons pu commencer à gagner de l’expérience en CSI 5*, et j’ai vraiment apprécié la manière dont Efe Siyahi (qui évolue lui-même au plus haut niveau, ndlr) a géré l’équipe cette année. C’était très agréable d’en faire partie à ses côtés.

En septembre, vous avez pris part pour la première fois au prestigieux CSIO 5* de Calgary et à son exigeante Coupe des nations, où vous avez signé une première manche à quatorze points et une seconde à quatre points avec Long John Silver. Cela vous a-t-il donné envie de faire de ces épreuves une priorité à l’avenir?

Participer à ma première Coupe des nations Seniors sur cette piste-là, à Spruce Meadows, m’a procuré un sentiment très particulier! J’ai essayé de tirer le maximum de cette expérience, autant en observant mes concurrents qu’en réalisant mes propres parcours. Cela restera une semaine inoubliable pour moi. Quant aux Coupes des nations d’un point de vue global, elles comptent effectivement parmi mes objectifs les plus importants pour les années à venir. J’ai disputé mes premières épreuves par équipes lorsque j’évoluais encore en Juniors, et j’adore participer à ce type de compétitions! Je trouve qu’elles portent en elles une véritable tradition. L’atmosphère qui y règne est unique, et en tout cas très différente de celle de tous les autres concours auxquels j’ai pu prendre part jusqu’à présent.



“Le saut entre les épreuves Juniors et Jeunes cavaliers est immense”

Ici aux Européens Juniors de 2021, à Vilamoura, Géraldine Straumann a gravi les échelons des épreuves Enfants aux compétitions Seniors en sept ans.

Ici aux Européens Juniors de 2021, à Vilamoura, Géraldine Straumann a gravi les échelons des épreuves Enfants aux compétitions Seniors en sept ans.

© Sportfot

Comment gérez-vous la pression inhérente à la compétition de haut niveau ? Avez-vous déjà mis en place des stratégies pour rester calme dans les moments cruciaux?

C’est un aspect sur lequel je travaille encore, car lors des épreuves les plus importantes, il m’arrive de me sentir nerveuse. Je pense qu’il est normal et sain de ressentir de la pression, a fortiori lorsque l’on concourt avec les Seniors alors que l’on n’a que vingt ans (la cavalière les a fêtés le 12 novembre, ndlr), mais il faut trouver sa propre façon de la gérer, qui est différente pour chacun et chacune. Un jour, j’ai lu ou entendu la phrase “pressure is a privilege” (littéralement “la pression est un privilège”, un adage souvent répété par Billie Jean King, l’une des plus grandes joueuses de tous les temps, qui ajoutait également que cette pression “n’est accordée qu’à ceux qui la méritent”, ndlr), et cela m’a beaucoup marqué. Si vous vous trouvez dans une situation où vous ressentez ce stress, que ce soit en représentant votre pays dans une Coupe des nations ou lors d’un autre temps fort sportif, en réalité, c’est une bonne chose. Cela signifie que vous avez mérité votre place, et c’est quelque chose dont on peut être fier.

Quand vous ne concourez pas ou ne vous entraînez pas, arrivez-vous à trouver du temps pour vous détendre? 

En ce moment, pas beaucoup, car je prépare les examens finaux des IAL, (pour International Advanced Levels, une sorte de baccalauréat international ouvrant les portes des meilleures universités au monde, ndlr) que je passerai cet été. En-dehors de cela, j’aime passer du temps avec mes amis, jouer au padel de temps en temps, ou aller courir. Quand je le peux, je varie les plaisirs!

En sept ans, vous avez évolué des Européens Enfants au plus haut niveau des compétitions Seniors, disputant également deux championnats d’Europe chez les Juniors et deux chez les Jeunes cavaliers au passage. Pour vous, quels sont les principaux défis qui entourent les transitions entre ces diverses catégories d’âge?

Tout d’abord, je trouve que tout va très vite! Par exemple, le saut entre les épreuves Juniors et les Jeunes Cavaliers est déjà immense. Je pense que l’un des éléments essentiels pour réussir les transitions entre les différentes catégories est d’avoir les chevaux adaptés, car sans cela, c’est tout simplement impossible. Ensuite, l’aspect mental et la gestion de la pression jouent un grand rôle. Enfin, la technique est évidemment très importante.



“Il est essentiel de combiner expérience et modernité”

Vous êtes l’une des plus jeunes cavalières à concourir au plus haut niveau international, mais quelques autres athlètes de moins de vingt-cinq ans brillent également en CSI 5*. Quels avantages voyez-vous au fait d’appartenir à cette nouvelle génération? Pensez-vous que les jeunes cavaliers peuvent transformer le sport?

C’est une question intéressante! Je crois qu’en tant que jeunes cavaliers, nous avons énormément à apprendre des plus expérimentés. En même temps, il est intéressant de voir quelles idées ou réflexions peuvent émerger des athlètes de la nouvelle génération, surtout lorsque cela conduit à des échanges constructifs avec les aînés. Cela peut permettre de développer une approche équilibrée, une sorte de mélange de deux visions. Dans le sport, globalement, et en équitation en particulier, je pense que la meilleure approche consiste justement à tenter de trouver un tel équilibre et à travailler de manière intergénérationnelle. Il est essentiel de combiner expérience et modernité. Je ne crois pas qu’il faille se concentrer uniquement sur de nouvelles méthodes ou idées, car, au final, on en revient toujours à une philosophie générale et ancienne visant à considérer les chevaux comme les animaux qu’ils sont. Par ailleurs, pour des questions techniques ou lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes à l’échelle de la Fédération équestre internationale (FEI) par exemple, il faut souvent une grande expérience et une compréhension approfondie dont nous, les jeunes, ne disposons pas toujours. En revanche, il peut être utile d’entendre nos perspectives sur les sujets qui nous concernent directement, comme le circuit et les grandes échéances Jeunes, par exemple.

Comme beaucoup de cavaliers de votre âge, vous avez choisi de partir vous former à l’étranger, dans les écuries danoises d’Andreas et Christian Schou. Quelles ont été vos motivations pour franchir ce pas?

J’ai décidé de rejoindre leurs écuries parce que je pense qu’il est important de découvrir divers systèmes, et d’apprendre de différentes personnes. Auparavant, j’étais installée en Allemagne, mais à trente minutes de Bâle. Je me sens vraiment très heureuse chez les Schou. Leur philosophie d’entraînement est très intéressante. Ici, j’ai la chance de toujours avoir une personne pour m’épauler lorsque je monte à cheval, mais aussi pour m’aider dans la planification de mes compétitions, l’organisation de mon équipe. Depuis que je suis arrivée, en janvier, je réalise vraiment l’importance de la gestion et du management des chevaux, mais aussi des écuries et de sa propre carrière d’athlète. J’ai encore beaucoup à apprendre dans ces domaines, mais cela m’intéresse beaucoup!

Quels cavaliers vous inspirent le plus? 

Il y en a tellement! Je pense d’abord à Steve Guerdat, bien sûr, mais aussi à Martin Fuchs et de nombreux autres cavaliers suisses. Le style de Marcus Ehning est également une grande inspiration, et je suis très intéressée par la philosophie de Peder Fredricson (découvrez le grand entretien accordé à GRANDPRIX par le Suédois ici). À chaque fois que je me trouve en concours avec ces cavaliers-là, j’essaie de les observer pendant leurs détentes, ou même aux écuries, pour tenter d’apprendre des choses.



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