Charlotte Dujardin écope d’un an de suspension et sort de son silence

Après plus de quatre mois d’une enquête lancée à la suite de la transmission à la FEI d’une vidéo montrant Charlotte Dujardin asséner de nombreux coups de chambrière au cheval d’une élève, l’instance dirigeante des sports équestres a annoncé, ce jeudi, que son Tribunal avait décidé d’infliger une suspension d’un an à la cavalière, qui a accepté la sanction. Celle-ci est définitive, et non sujette à appel. Par ailleurs, la Britannique est sortie du silence dans lequel elle était entrée depuis le début de la procédure, pour reconnaître ses torts, mais aussi annoncer un heureux événement.



Le 23 juillet, un véritable coup de tonnerre avait retenti dans le monde du dressage, et même dans celui des sports équestres tout court, lorsque Charlotte Dujardin avait annoncé se retirer de toute compétition, y compris des JO de Paris pour lesquels elle comptait parmi les favorites, à quelques jours de leur lancement. La triple championne olympique avait alors expliqué qu’une vidéo “datant de quatre ans” circulait, la montrant en train de commettre “une erreur de jugement lors d’une leçon”. “De manière compréhensible, la Fédération équestre internationale (FEI) a lancé des investigations et j’ai décidé de me retirer de toutes les compétitions – y compris les Jeux olympiques de Paris – durant ce processus. Ce qui s’est passé n’est pas du tout dans mes habitudes et ne reflète pas la manière dont j’entraîne mes chevaux ni mes élèves, mais je ne me cherche aucune excuse”, avait-elle ajouté. “J’ai profondément honte, et aurais dû donner un meilleur exemple à ce moment précis.” Quelques jours plus tard, la vidéo en question, où l’on voit la Britannique asséner de nombreux coups de chambrières à un cheval monté par une autre cavalière, était diffusée par de nombreux médias anglo-saxons majeurs, provoquant en quelque sorte une réplique dans le séisme ébranlant l’image de la cavalière.



Si cette affaire a eu un tel retentissement, c’est sans doute d’abord parce qu’après son double sacre aux Jeux olympiques de Londres, Charlotte Dujardin, jeune cavalière parvenue au plus haut niveau à force de détermination et de travail, avait ému et impressionné la Grande-Bretagne, qui l’avait surnommée “la fille sur le cheval qui danse”, titre de son autobiographie. Quant aux amateurs de dressage, beaucoup avaient vu en elle l’espoir d’un renouveau après des années marquées par les polémiques entourant Anky van Grunsven, la précédente championne olympique, ou encore Edward Gal, sacré champion du monde deux ans auparavant sur Totilas, et leurs méthodes d’entraînement. Comme l’avait brillamment décrit notre confrère de St. Georg, Jan Tönjes, dans un éditorial du 25 juillet dernier, la publication de cette vidéo a aussi marqué le retour de la défiance, qui “limite la joie d’observer toutes les prestations, aussi belles soient-elles”. En effet, “elle pose une question: si une championne olympique, donnant un cours dans une structure extérieure à la sienne, où elle est observée par des gens [...] qui la filment, s’empare d’une chambrière et l’utilise sur un cheval comme si elle effectuait un revers à deux mains au tennis, que fait elle chez elle, lorsqu’elle ne se sent pas observée? Et puis, on doit aussi se demander s’il s’agit là d’un cas isolé? Espérons-le, a-t-on envie de dire, sachant que l’espoir meurt toujours en dernier.”



Si les interrogations demeurent, dans son communiqué envoyé ce 5 décembre, la FEI indique en tout cas qu’elle “n’a pas reçu de plainte supplémentaire, ni de témoignage d’autre violation du règlement par Charlotte Dujardin” depuis le début de ses investigations. Par ailleurs, la décision du Tribunal de l’instance reprend point par point les étapes de la procédure qui a eu cours depuis un peu plus de quatre mois. Après avoir reçu la vidéo incriminée le 22 juillet, la FEI a envoyé une “Note d’ouverture d’une investigation” à la cavalière, qui y a répondu le lendemain en indiquant qu’elle “acceptait une suspension provisoire”. Le rapport du tribunal offre également une description de la vidéo. Selon les mots de l’instance, celle-ci montre “une session d’entraînement où Mme Dujardin, en tant qu’entraîneure, donne une leçon à une cavalière montée sur un cheval. Madame Dujardin fouette le cheval avec une chambrière depuis le sol. Elle commence en tenant la chambrière dans une main, puis la prend à deux mains et utilise plus de force. Elle fouette le cheval la plupart du temps depuis l’arrière, en ciblant ses postérieurs, mais parfois aussi par l’avant, sur ses antérieurs et ses épaules. Au total, Madame Dujardin assène plus de vingt coups de chambrière.” “Un tel usage correspond clairement à une utilisation excessive qui a causé, ou était susceptible de causer un inconfort et, possiblement, de la douleur au cheval”, peut-on encore lire. Le 10 septembre, la FEI a envoyé à l’athlète une lettre de notification lui indiquant qu’elle retenait contre elle trois manquements au règlement général de l’instance: pour avoir abusé d’un cheval, pour avoir contrevenu au Code de conduite sur le bien-être des chevaux, et pour avoir adopté une conduite jetant le discrédit sur la FEI et les sports équestres. Charlotte Dujardin a aussi été informée qu’elle pouvait reconnaître ces infractions et accepter une peine d’un an de suspension - qui court donc jusqu’au 23 juillet 2025 - et 10.000 francs suisses, soit 10.700 euros environ, d’amende. Le 23 octobre, la FEI a pu informer son tribunal de l’acceptation officielle de la sanction par la Britannique, mais il a encore fallu en passer par la constitution et la tenue d’un collège disciplinaire pour aboutir à la décision finale publiée aujourd’hui, où il est rappelé que le renoncement volontaire de Charlotte Dujardin à sa participation aux Jeux olympiques de Paris a été particulièrement pris en compte pour l’établissement de la peine. 



“Il est regrettable que cette affaire ait mis en lumière notre pour les plus mauvaises raisons possibles, en particulier pendant la période critique qui précède les Jeux olympiques”, a déclaré Sabrina Ibáñez, la secrétaire générale de la FEI. “Pourtant, malgré les difficultés, la FEI a agi de manière décisive en ouvrant immédiatement une enquête et en imposant une suspension provisoire. Les sanctions significatives [imposées à Charlotte Dujardin] envoient un message clair: toute personne qui adopte un comportement compromettant le bien-être des chevaux devra faire face à de graves conséquences, quel que soit son profil. Nous pensons que ce résultat réaffirme l'engagement de la FEI en faveur du bien-être des équidés, et son rôle de gardienne de nos partenaires équins.” Pour la première fois depuis le 23 juillet dernier, Charlotte Dujardin a également pris la parole sur les réseaux sociaux. “Je respecte entièrement le verdict de la FEI”, a-t-elle écrit. “Comme elle l’a reconnu, mes actions dans la vidéo ne reflètent pas qui je suis, et je ne peux que m’excuser encore d’avoir agi ainsi. Je comprends parfaitement la responsabilité qui m’incombe au vu de ma place dans le sport, et je m’efforcerai toujours de m’améliorer. Cette période a, sans aucun doute, été l’une des plus sombres et des plus difficiles de ma vie, et je voudrais saisir cette opportunité pour remercier tous ceux qui m’ont soutenue. [...] Chaque mot sympathique a eu son importance, plus que vous ne le penserez jamais. Aussi, au vu de la situation, j’ai été dans l’impossibilité de partager le fait que je suis actuellement enceinte, mon bébé étant attendu en février. Cela était prévu bien avant les JO, et avec mon compagnon, Dean, nous sommes très excités à l’idée d’accueillir notre deuxième enfant. Pour l’heure, je concentre l’énergie que j’ai sur Dean et notre fille, Isabella. Nous attendons tous l’arrivée du nouveau membre de la famille avec impatience.”



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