“Un cheval doit avoir une vie sociale avec des congénères et garder le moral”, Benjamin Massié

L’an dernier, Benjamin Massié avait signé un exploit au Jumping international de Bordeaux, en battant Michael Jung, désormais triple champion olympique individuel de concours complet, dans le Devoucoux Indoor Derby. Non issu du sérail, le Girondin n’était pas prédestiné à devenir cavalier professionnel. Fils d’un ingénieur et d’une directrice d’hôpital, il a découvert l’équitation dans un club hippique et n’a très vite eu qu’une seule obsession en tête: atteindre le haut niveau. Son rêve est devenu réalité. Aujourd’hui, il est installé à Marsas, au beau milieu des vignes, à trente-cinq kilomètres au nord-est de Bordeaux. Vendredi prochain, le champion de France Pro Élite entend bien conserver son titre dans cette belle épreuve plébiscitée par le public aquitain.



Vous avez conclu votre saison par un titre de champion de France Pro Élite de concours complet, et vous l’aviez entamée par un petit exploit: battre Michael Jung, devenu depuis le seul triple champion olympique individuel de la discipline, dans le Devoucoux Indoor Derby de Bordeaux. Ce fut un grand moment pour vous, n’est-ce pas?

Ce fut un beau moment. J’ai réussi à obtenir le meilleur de Cupidon du Cardonne le Jour J. C’est cela le plus beau à mes yeux. La préparation d’une telle épreuve est particulière, parce que ce n’est pas du tout le style d’épreuve que nous courons habituellement. Oui, c’était chouette d’avoir pu battre Michael Jung, et avec la manière, car nous avons été quatre secondes plus rapides, et tout cela devant le public bordelais. Cette année, je reviens avec le même cheval, que je ne monte qu’à cette occasion – habituellement, il concourt à 1,40m en saut d’obstacles avec sa propriétaire, Margaux Crouail – pour tenter de confirmer cette performance et vérifier si ce n’était pas uniquement l’exploit d’un jour… même nous avions terminé deuxièmes de cette épreuve en 2023.

Cette épreuve indoor de Bordeaux, est-ce une bonne occasion de se replonger dans l’ambiance de la compétition en début de saison? Comment vivez-vous cette atmosphère particulière pour un cavalier de complet?

Le Devoucoux Indoor Derby de Bordeaux est le seul cross indoor auquel je participe. D’abord, parce que c’est près de chez moi, et ensuite, parce qu’il faut des chevaux particuliers. C’est un format qui me plaît, avec la chaleur du public, le côté spectaculaire, etc. On ne peut pas dire que cela nous replonge dans l’ambiance de la compétition dans le sens où l’on ne retrouve pas un tel environnement dans nos concours complets en extérieur. Il s’agit d’une épreuve spectaculaire où il n’y a pas la même pression ni les mêmes enjeux. On y prend du plaisir, surtout si l’on obtient un bon résultat comme l’an dernier.

Que vous inspire Michael Jung, médaillé d’or olympique l’an passé pour la quatrième fois, et la troisième fois en individuel?

J’ai évidemment suivi sa performance à Versailles, et ce cavalier m’inspire depuis longtemps déjà. Il a une équitation inspirante au cross comme en dressage et en saut d’obstacles. Quand je me retrouve dans un concours où il est engagé, j’essaye de ne pas manquer ses reprises de dressage. En fait, ce n’est pas tant en épreuves qu’il est intéressant à observer: je regarde beaucoup ses détentes et son savoir-faire. C’est là qu’il est le plus inspirant.



“J’ai toujours fait en sorte que mes chevaux aillent au paddock tous les jours”

Ambitionnez-vous comme lui de concourir à haut niveau en saut d’obstacles?

Ayant deux chevaux qui ont commencé à évoluer en Grands Prix à 1,50 m, j’aurais bien envie de concourir en saut d’obstacles à un très haut niveau, mais il est impossible pour moi de gérer deux disciplines au top niveau, ne serait-ce qu’en termes de logistique. Le saut d’obstacles d’élite requiert une tout autre organisation peu compatible avec l’organisation d’une écurie de complet.

En 2024, à neuf ans seulement, Figaro Fonroy a terminé meilleur cheval de complet au classement permanent de la Fédération française d’équitation. Une belle consécration liée à une vraie régularité…

Oui. Cette année, Édition Fonroy va épauler Figaro en concours. L’élevage Fonroy n’est pas mon fournisseur exclusif de chevaux, mais je travaille avec Florence et Jean-Luc van Hoenecker depuis une dizaine d’années. Nous avons établi une relation de confiance. Ils n’en font pas naître tous les ans, mais produisent des chevaux de qualité qui, par exemple, ont été qualifiés à sept ans pour le Mondial du Lion-d’Angers et même pour les championnats du monde Jeunes Chevaux de saut d’obstacles à Lanaken.

Pouvez-vous décrire la façon dont vous gérez vos chevaux et expliquer en quoi il est si important pour vous qu’ils vivent la plupart du temps dehors, dans des paddocks et en troupeau?

On entend que le bien-être animal est incompatible avec la compétition de haut niveau, ce que je trouve parfaitement ridicule. Pour ma part, j’ai toujours fait en sorte que mes chevaux aillent au paddock tous les jours, parce ce qu’il est crucial qu’ils aient des moments rien qu’à eux, qu’ils mènent une vie de cheval. C’est pourquoi je les lâche au pré deux par deux. C’est important pour les poulains, par exemple. Cela leur permet de prendre conscience de leurs corps, ce qui est important ensuite pour la pratique du cross, où ils doivent être autonomes et savoir se débrouiller avec leur corps. Ça leur permet également de garder le moral. Sans moral, il n’y a pas de physique et donc pas de cheval. Cela a toujours été une approche capitale dans ma vision du cheval de sport. Il ne faut jamais perdre de vue qu’un cheval, de sport ou non, doit rester un cheval, avoir une vie sociale avec d’autres chevaux et surtout garder le moral. Comme tout athlète de haut niveau, il peut connaître une séance d’entraînement difficile. Le fait d’aller au paddock ensuite lui permet de se détendre, de marcher la tête en bas, d’étirer le dos, donc de mieux encaisser le travail. J’ai la chance de m’être doté d’une infrastructure avec de grands paddocks me permettant d’appliquer ce système.



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