À Bâle, Julien Épaillard met le monde sous sa Coupe et Kevin Staut renoue avec les sommets
Julien Épaillard a remporté la finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles cet après-midi à Bâle, en Suisse. Associé à son généreux Donatello d’Auge, le Normand, deuxième de cette compétition l’an passé, a gagné là son premier titre majeur, devançant un Ben Maher résigné mais très bon deuxième sur Point Break, et un Kevin Staut ravi et fier d’avoir su hisser sa vaillante Visconti du Telman sur le podium d’une telle compétition.
À Bâle, la France a gagné, et pas qu’un peu. Qui aurait parié mercredi que deux Français monteraient sur le podium de la finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles? Hier soir, alors que Julien Épaillard et Kevin Staut apparaissaient en position d’y parvenir avec Donatello d’Auge et Visconti du Telman, cette perspective n’était encore qu’un souhait pour Eugénie Angot et un rêve pour Philippe Rozier. En direct ou en différé, Eugénie, Philippe, mais aussi Gilles Bertrán de Balanda, Pierre Durand, Roger-Yves Bost, Bruno Broucqsault et Patrice Delaveau, que GRANDPRIX a sondés hier, plongeant avec eux dans la grande histoire de la Coupe du monde, ont dû exulter devant leur écran en ce dimanche historique pour le jumping français. La victoire de Quentin Jabet en finale de la Coupe du monde de voltige était plus attendue, mais encore fallait-il que ce jeune athlète ambitieux et bondissant concrétise les attentes placées en lui. Et il l’a fait au petit matin, devant des tribunes hélas clairsemées à la halle Saint-Jacques. Hier soir, c’est Corentin Pottier qui a fait chavirer le public suisse, nombreux et enthousiaste, en terminant à une superbe quatrième place la finale de la Coupe du monde de dressage.
À Bâle, la Coupe du monde a gagné. Certes, toutes les sessions n’ont pas affiché complet, mais le public a globalement répondu présent, surtout ce week-end, et l’ambiance festive a été au rendez-vous. Certes, la piste est riquiqui (64 x 39m), mais l’excellent chef de piste suisse Gérard Lachat, épaulé par un délégué technique nommé Grégory Bodo, a accompli du très bon boulot du début à la fin de ce CSI-WF. On peut toujours discuter de la formule sportive de cet événement, notamment à l’aune du choix stratégique de Julien Épaillard de ne pas prendre part au barrage de l’épreuve de vendredi, afin de préserver le capital énergétique de son hongre né au haras de la Bosquetterie, paradis terrestre créé par son épouse, Susana García Cereceda. Pour autant, force est de constater qu’elle fonctionne depuis des lustres.
Annulé en 2020 et 21 en raison de la pandémie de Covid-19, ce grand événement printanier avait été relancé en 2022 à Leipzig sous contraintes sanitaires, avant de donner à voir deux éditions bien organisées mais dénuées d’engouement populaire, à Omaha, aux États-Unis, puis à Riyad en Arabie saoudite. À dire vrai, cela faisait donc six ans qu’on attendait de revivre de grandes et belles finales. Eh bien, elles le furent, et Andy Kistler, président du CHI-WF de Bâle et ancien chef de l’équipe suisse de jumping, doit en être remercié. À quelques détails près, ce fut un sans-faute, dont Ingmar de Vos, le président de la Fédération équestre internationale, s’est réjoui dans des termes plus élogieux que d’habitude lors d’un discours final très enjoué. Espérons que l’édition 2026, prévue à Fort Worth, au Texas, suive ce bel exemple, et surtout trouve son public.

Julien Épaillard et Donatello d’Auge ont encore régalé le public de deux magnifiques parcours.
© Benjamin Clark/FEI
La finesse récompensée

Point Break a permis à Ben Maher, triste d'être passé si près d’une première victoire en finale de la Coupe du monde, de monter sur un énième podium de championnat.
© Liz Gregg/FEI
Et à Bâle, le sport a gagné. Observée et scrutée avec une insistance grandissante par les activistes de la cause animale, l’équitation sportive, en pleine remise en question existentielle, est encore loin de présenter une version irréprochable d’elle-même aux yeux de la société dans laquelle elle s’inscrit. Cependant, ses acteurs continuent globalement à progresser sur la voie d’une pratique plus respectueuse du bien-être équin. À cet égard, on ne peut que saluer la finesse de l’équitation pratiquée par Julien Épaillard et Kevin Staut, qui étaient loin de disposer des chevaux les plus puissants au monde, mais aussi du Britannique Ben Maher, deuxième avec le fabuleux Point Break qu’il a pourtant monté avec un pied cassé, ou encore de Corentin Pottier et Bianca Nowag-Aulenbrock, quatrième et sixième de la finale de dressage, parmi d’autres. C’était beau à voir, à vivre et à raconter aussi.
Comme toujours, l’ultime épreuve en deux manches de jumping a tenu ses promesses. Katherine Dinan, entraînée de longue date par le Suisse Beat Mändli, y a signé le seul double sans-faute dans le temps sur un Out of the Blue particulièrement en verve, hissant l’Américaine, moins en réussite vendredi soir, à la huitième place finale. Quant au Néerlandais Willem Greve et à l’Irlandais Daniel Coyle, ils n’ont déploré qu’un et deux points de temps, concédés au seconde acte sur le prodigieux Grandorado TN et le puissant Incredible, finissant sept et douzième de cette finale.
Hier, Julien Épaillard prédisait qu’il faudrait produire un double sans-faute pour gagner et ne pas lâcher plus de quatre points pour grimper sur le podium. Il n’était pas loin du compte, mais cette épreuve dominicale, dénuée de tout piège pour les chevaux, s’est avérée plus sélective encore: surtout techniquement en première manche, puis techniquement et physiquement au second acte, la fatigue aidant. Après avoir réussi de brillants sans-faute, Kevin Staut, Ben Maher et Julien Épaillard, reparti le dernier avec un matelas de six points, ont péché respectivement sur l’oxer 9, l’oxer 8a, placé à l’entrée d’un triple oxer-vertical-vertical et le vertical 11a ouvrant un double vertical-oxer.
Après avoir concédé quatre et cinq points en première manche sur l’inégalable United Touch S et le cuirassé Iron Dames My Prins van Dorperheide, les Allemands Richard Vogel et Sophie Hinners, collègues d’écurie, ont survolé le dernier parcours, se classant six et cinquième. Henrik von Eckermann, double tenant du titre avec son bondissant King Edward Ress, n’a pas réussi son pari avec Iliana, fautant sur l’oxer 7 de la première manche, puis l’oxer 9 de la seconde. Le numéro un mondial, qui pourrait bien ne plus l’être le mois prochain, a fini au pied du podium. Quant au chouchou du public, le Suisse Martin Fuchs, vainqueur en 2022, il a terriblement manqué de chance au premier acte, son puissant Leone Jei frottant d’un poil trop près l’oxer final. Au second acte, le couple a tout perdu en mettant à terre la palanque du vertical 7 et le vertical 8b. Le Zurichois a dû se contenter de la neuvième place, devant l’Autrichien Max Kühner, qui a encore échoué dans sa quête d’un premier grand titre.

La troisième place de Kevin Staut et Visconti du Telman a valeur de consécration pour le cavalier, la jument ainsi que son éleveuse et propriétaire, Françoise Sanguinetti.
© Liz Gregg/FEI
“Je ne pourrais vivre un truc aussi fort chaque week-end”, Julien Épaillard

À quarante-sept ans, Julien Épaillard tient son premier grand titre individuel.
© Mélina Massias/StufForLife.com
Un premier grand titre, c’est précisément ce que Julien Épaillard était venu chercher à Bâle. Médaillé de bronze aux championnats d’Europe de Milan, deuxième de la finale de 2024, puis quatrième des Jeux olympiques de Paris 2024 avec la lionne Dubaï du Cèdre, le Normand y est finalement parvenu avec le plus sage Donatello d’Auge, qu’il a su préparer, monter et surtout gérer de main de maître de bout en bout de la compétition. Quant à lui, ce pilote de quarante-sept ans au talent brut et à la vista quasiment irrésistible, il a su résister à la pesanteur de l’enjeu. “C’est une pression énorme, il ne faut pas se mentir. Je ne pourrais vivre un truc aussi fort chaque week-end, parce que mon cœur n’y resisterait pas, mais je dois avouer que j’y prends goût. Je dirais même que c’est une pression positive.” Vingt et un ans après Bruno Broucqsault, vainqueur en 2004 à Milan avec Dilème de Cèphe, un Français a remis le monde sous sa Coupe, et cela mérite un grand coup de chapeau. Merci Julien et merci Donatello!
Les résultats
Le parcours de la première manche
Le parcours de la seconde manche
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La réaction de Ben Maher
La réaction de Julien Épaillard
La réaction de Kevin Staut
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