“Corentin Pottier et Pauline Basquin ont acquis une bonne réputation”, Odile van Doorn
Les sports équestres français ont connu des finales de Coupe du monde hors du commun, le week-end passé, à Bâle. Julien Épaillard et Quentin Jabet se sont imposés en saut d’obstacles et en voltige, et les dresseurs hexagonaux n’ont pas non plus été en reste. Avec Gotilas du Feuillard, Corentin Pottier s’est offert une superbe quatrième place, et Pauline Basquin a terminé neuvième en compagnie de Sertorius de Rima*IFCE malgré des performances un peu en-deçà des standards du couple. Ancienne cavalière de l’équipe de France, Odile van Doorn livre son regard sur les performances des Tricolores, mais aussi sur celles des cavalières de tête de la compétition.
Les couples français ont la cote!
“Voir deux cavaliers français se qualifier pour cette finale était déjà exceptionnel. Corentin (Pottier, ndlr) et Pauline (Basquin, ndlr) ont délivré deux reprises très honorables chacun, et le premier s’est, en plus, offert deux superbes quatrièmes places. C’est vraiment super, et cela faisait très longtemps qu’un Français n’avait pas obtenu un tel classement en championnat! Gotilas (la monture de Corentin, ndlr) était sans doute très légèrement moins brillant dans la Libre que dans le Grand Prix, et le fait de s’élancer en dernier n’a pas forcément joué en sa faveur. C’est un petit cheval, qui n’a pas le fonctionnement surdimensionné dont peut faire preuve un Glamourdale (vainqueur sous la selle de Charlotte Fry, ndlr), par exemple. Je le trouve d’autant plus méritant d’avoir atteint une telle moyenne (80,415%, ndlr)), qui prouve que son travail était juste techniquement. Malgré une légère méforme, Sertorius (de Rima*IFCE, le cheval de Pauline, ndlr) s’est tout de même classé neuvième. Ces deux couples tricolores avaient donc toute leur place dans cette finale, et leurs scores montrent qu’ils ont acquis une belle réputation auprès du public comme des juges, puisque l’on voit que Pauline, malgré des fautes, ne descend pas en dessous de 77%. En dressage, évidemment, les juges évaluent les reprises à l’instant T et sanctionnent les fautes, mais les couples doivent aussi avoir une certaine cote Argus pour que les points montent vraiment. C’est très long à mettre en place, et je trouve que ces deux Français y sont enfin parvenus.”
Une musique pas des plus adaptées?
“Pour en revenir à la finale de Bâle, peut-être Corentin a-t-il très légèrement surjoué les choses le deuxième jour, ce que l’on pourrait attribuer à un tout petit manque d’expérience, mais il faut bien dire qu’en passant en dernier et au vu des moyennes attribuées avant son entrée, la pression devait être forte! Et puis, il a très bien géré le petit incident survenu juste avant sa prestation, lorsque la mauvaise bande-son a été lancée. D’autres se seraient agacés, voire mis en colère, mais pas lui. Il a continué à trotter en haussant simplement les épaules et en souriant, et a fait preuve d’une grande présence d’esprit, comme tout au long de ses deux présentations. Il faut lui dire un grand bravo pour cela!
Pour moi, le seul petit point négatif concerne peut-être sa musique (issue de jeux vidéos et dessins animés, comme le dresseur l’a expliqué à GRANDPRIX, ndlr). Elle va bien à son cheval, auquel elle est très adaptée, mais je ne me suis pas sentie portée par cet accompagnement, et je n’ai pas trouvé qu’il le transcendait. Elle manque un peu de relief et ne correspond pas forcément au côté spectaculaire et grandiose d’une finale de Coupe du monde, et elle ne donne pas vraiment l’occasion au public d’applaudir en cadence sur la dernière ligne, par exemple. Je trouve plus entraînante une musique comme celle de Patrik Kittel (qui avait misé sur une toute nouvelle bande-son empreinte de titres d’Alphaville, Bad Ninja et David Guetta, notamment, ndlr), ou bien celle de Charlotte Fry, dont le thème est clair (il s’agit d’un medley de standards de pop anglaise, ndlr). Bien sûr, l’accompagnement de Corentin a aussi un thème, mais je ne suis pas certaine que les juges disposent des références nécessaires pour le saisir. Or, c’est aussi important. En outre, à mon sens, les musiques de jeux vidéos sont conçues afin de plonger une personne dans un univers, mais celle-ci les écoute avec un casque, ou dans une pièce, souvent en étant seul. Cela n’est pas forcément facile de les faire retentir dans une grande halle ou, a fortiori, un stade équestre extérieur.”
Un écart trop important entre les Isabel(l)s
“À l’inverse, celle d’Isabell Werth était très entraînante et porteuse, tout comme sa chorégraphie, ce qui peut aussi aider à gagner un demi-point par-ci, par-là. Avec elle, il arrive parfois que l’on ait l’impression que son score est un peu élevé, alors que lorsque l’on reprend le protocole détaillé, on a un peu de mal à voir où elle aurait dû avoir moins. En l’occurrence, j’avais remarqué dans le Grand Prix qu’elle effectuait de nombreuses parades, donc même si sa Libre était meilleure, sa note moyenne de 8,92 pour l’harmonie entre elle et Quantaz est peut-être un peu haute. Au total, elle a obtenu 84,365%. Peut-être les méritait-elle, mais alors, la cavalière norvégienne (Isabel Freese, troisième sur Total Hope avec 81,85%, ndlr) aurait sans doute dû obtenir un ou deux points de plus, car l’écart entre elles ne se justifiait pas vraiment, à mon avis.
Quant à Glamourdale, il était vraiment plus en phase avec Charlotte et plus relâché dans la Libre que dans le Grand Prix. En interview, après sa prestation, elle a mentionné le fait qu’il connaissait sa musique, et j’ai trouvé cela très parlant. Lorsque les chevaux ont l’habitude de dérouler une Libre, l’accompagnement qui y est associé les aide à se lancer dans les exercices avec le bon tempo, à proposer la bonne transition au moment idéal, ainsi qu’à adopter une cadence et un rythme idéaux. Glamourdale a montré de vrais progrès au piaffer, qui est beaucoup plus diagonalisé qu’auparavant et où il engage plus ses postérieurs. Je pense que Charlotte et lui sont capables de faire encore mieux que ce qu’ils ont montré à Bâle. D’ailleurs, je pense que beaucoup de couples qui étaient au départ ont une belle marge de progression et se trouvent sur une pente ascendante.”
Un signal clair de la présidente du jury
“Les prestations d’Adrienne Lyle et Helix ont constitué l’un des seuls bémols de cette finale (le hongre a été présenté dans une attitude très fermée et s’est défendu à plusieurs reprises dans la Libre, ndlr). On avait l’impression que le cheval supportait mal de réaliser ces performances, et qu’elle le contraignait. Cela donne une mauvaise image de l’équitation de dressage. La cavalière a expliqué qu’Helix s’était trouvé mal à l’aise en raison de l’atmosphère, et il est vrai que les Américains concourent peu souvent en indoor, mais je ne comprends pas que l’on prenne part à une finale de Coupe du monde aussi loin de chez soi lorsque l’on sait son cheval peu adepte de ce genre d’ambiances. Il y a mille autres endroits pour lui donner de l’expérience. La présidente du jury (Ulrike Nivelle, ndlr) a envoyé un signal clair en lui attribuant moins de 70% dans la Libre, et je trouve cela très bien qu’elle ait osé le faire, car on ne veut plus voir cela.”
Les résultats
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La réaction de Corentin Pottier après sa Libre