Édouard Mathé condamné à un an de prison ferme pour atteinte sexuelle sur mineure
Ce vendredi 9 mai, au terme de trois ans de procédure, le cavalier français Édouard Mathé a été condamné à deux ans et demi de prison, dont un ferme, pour atteinte sexuelle sur mineure. Une décision dont l’avocate des parties civiles se réjouit, mais qui fait l’objet d’un recours en appel par la défense.
Mis en examen le 14 janvier 2022 après les dépôts de plainte de quatre femmes, qui l’accusaient notamment d’atteinte sexuelle sur une mineure de plus de quinze ans par personne ayant autorité, viols, harcèlement moral et appels malveillants, Édouard Mathé a été condamné ce vendredi 9 mai par le tribunal judiciaire de Versailles. Si dix des douze infractions initialement poursuivies se sont soldées par un non-lieu, le cavalier français a été condamné pour atteinte sexuelle sur mineure de plus de quinze ans par majeur abusant de sa fonction et harcèlement moral. L’athlète a écopé de deux ans et demi de prison, dont dix-huit mois avec sursis probatoire et un an de prison ferme - aménageable avec le juge d’application des peines -, ainsi que d’une interdiction à vie d’exercer toute activité avec des mineurs, une obligation de soins psychiatriques, une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles, une interdiction d’entrer en contact avec la victime et sa famille, une inéligibilité de trois ans et une indemnisation des parties civiles à hauteur de 15,000 euros.
“Ma cliente a livré un véritable parcours de la combattante, envers et contre tous”, Me Nathalie Tomasini
“Cette condamnation est un signal fort envoyé par l’institution judiciaire aux auteurs de violences sexistes et sexuelles, notamment dans le domaine du sport”, a réagi Me Nathalie Tomasini, avocate qui s’est consacrée à la défense des femmes et des enfants victimes de violences. “Je suis satisfaite de cette condamnation, dont les douze mois de prison ferme, qui vont bien au-delà des réquisitions du parquet et c’est une bonne chose. En revanche, je regrette que les dommages et intérêts ne soient pas à la hauteur du préjudice subi par les parties civiles, notamment par ma cliente. Nous sommes, en France, très en retard en matière d’indemnisations des victimes de violences sexistes et sexuelles, ce qui est très préjudiciable. D’un côté, en condamnant fermement les auteurs de violences, on estime qu’ils sont dangereux pour la société et les milieux dans lesquels ils sévissent. De l’autre, le message envoyé aux victimes est que ce qu’elles ont enduré n'est pas si grave puisque les indemnités qu’elles reçoivent sont très faibles. 8,000 euros pour les souffrances endurées par la victime, j’estime que c’est à la limite du ridicule… De fait, si Mr Mathé venait à faire appel de la décision, nous le ferons probablement sur les intérêts civils”, a-t-elle déclaré, avant de conclure: “Le fait que ma cliente ait été officiellement reconnue comme victime est extrêmement important pour elle parce qu’elle a livré un véritable parcours de la combattante, envers et contre tous. Et j’emploie ‘envers et contre tous’ à escient, car il règne encore une omerta très forte autour des violences sexuelles dans le monde équestre.”
Précisons que ce volet aura d’ailleurs occupé une large place dans la plaidoirie de Me Nathalie Tomasini, qui aura notamment prononcé: “L’histoire de ma cliente est celle, malheureusement, de trop nombreuses jeunes sportives, qui tombent sous le joug d’entraineurs avides […], sur lesquelles ils détiennent le pouvoir d’en faire ou non des championnes. Et, j’ose le dire, si elle aujourd’hui est la seule qui apparaît sur le banc des parties civiles, elle porte la voix des trois autres plaignantes dont l’ombre plane dans cette salle. […] La peur, la fuite pour certaines, des infractions non caractérisées pour d’autres, ne veut pas dire qu’elles ont inventé ce qui leur ait arrivé. C’est si dur de parler et de dénoncer, quand on est une victime, et dans cette affaire particulièrement, car ma cliente a dû se battre contre une double omerta, un double verrou qui empêche la libération de la parole. Le premier est celui de l’omerta de la société dans son ensemble, où sévit la culture du viol, et le deuxième est celui de l’omerta du milieu très fermé du sport équestre.”
“Ce jugement est nul et non avenu puisque nous avons fait appel”, Me Carole Guillemin
“Tout d’abord, ce jugement est nul et non avenu puisque nous avons fait appel, donc mon client bénéficie de la présomption d’innocence tant qu’il n’est pas condamné définitivement”, a déclaré de son côté Me Carole Guillemin, avocate d’Édouard Mathé, aux côtés de sa consœur, Me Charlotte Plantin. “Le procureur de la République, avait parfaitement pris la mesure du dossier et avait estimé que l’infraction présumée méritait huit mois de prison avec sursis. C’est au Procureur de la République de poursuivre l’action publique et de protéger les intérêts de la société. La décision rendue est non seulement totalement hors de proportion avec les réquisitions du parquet, mais également sans rapport avec ce que la partie civile comme notre client ont relaté de leur histoire d’amour très forte (rappelons que l’avocate de la victime a notamment plaidé le phénomène d’emprise, ndlr), et rien que pour cela, l’appel se justifie. En outre, je tiens à rappeler que notre client n’a été ni jugé ni condamné pour agression sexuelle, mais pour atteinte sexuelle, ce qui est très différent car cette qualification postule le consentement de la victime et ne repose que sur l’abus de l’autorité conférée par les fonctions de l’auteur, ce que notre client conteste, estimant avoir été, sur le plan amoureux, sur le même pied d’égalité que la plaignante. Je sais bien qu’il y avait une différence d’âge et un rapport hiérarchique, mais ce dernier était purement fonctionnel, ai-je envie de dire, et le dossier le montre entièrement.”
“La FFE mettra tout en œuvre pour s'assurer du respect de la condamnation et du bien-être de la victime”
Parmi les peines prononcées, Édouard Mathé devra également verser 2,000 euros de frais de justice à la Fédération française d’équitation (FFE), qui s’était portée partie civile aux côtés de la victime. “La FFE prend acte de la décision du tribunal, qui rejoint celles des commissions juridiques et disciplinaires de la FFE prises en 2021 et 2022”, a communiqué le service juridique de l’instance, rappelant qu’elle avait, dans le cadre d’une commission disciplinaire, “décidé de lui infliger une suspension de sa licence compétition pour une période de cinq ans dont deux avec sursis”, qui a pris fin en octobre dernier, lui permettant de concourir à nouveau. “Tout comme pour les tribunaux, il n'est pas possible pour la commission disciplinaire de la FFE de rejuger la même personne pour les mêmes faits. Cette décision de justice ne sera définitive qu’en l’absence de procédure d’appel ou à l’issue de cette dernière si elle était engagée. Néanmoins, si de nouveaux faits étaient révélés, la commission disciplinaire de la FFE pourrait de nouveau être saisie pour les étudier.” Par ailleurs, la Fédération entend veiller au respect des sanctions prononcées à l’encontre d’Édouard Mathé, notamment l’interdiction d’entrer en contact avec la victime ou sa famille – et donc éviter qu’ils ne se retrouvent sur les mêmes terrains de concours. “La situation ne s'est pas posée, néanmoins la FFE mettra tout en œuvre pour s'assurer du respect de la condamnation et du bien-être de la victime, dans le cadre de ses prérogatives pour les activités dont la FFE a directement la responsabilité.”
GRANDPRIX continue à recueillir les témoignages de victimes et entend participer à son échelle au mouvement de la libération de la parole.