Gwendolen Fer : “C’était un travail d’équipe, un accomplissement collectif”

Gwendolen Fer est une femme heureuse. De retour de Strzegom en Pologne, où ses équipes de France Juniors et Jeunes Cavaliers de concours complet ont remporté deux médailles d’or aux championnats d’Europe, la Toulousaine peut légitimement se réjouir du travail accompli au terme de sa première saison en tant que sélectionneuse nationale adjointe. Ravie de cet “accomplissement collectif”, elle évoque également les médailles individuelles de Valentin Quittet Eslan et Matis Cogniet. 



Au-delà des deux médailles d’or remportées par vos équipes de France Juniors et Jeunes Cavaliers de concours complet, comment se sont déroulés les championnats d’Europe de Strzegom, la semaine dernière en Pologne? 

Tout s’est plutôt bien passé. Nous avons eu une météo clémente; il a même fait un peu froid à certains moments. Les conditions étaient donc agréables pour les chevaux. Dans l’ensemble, l’ambiance était belle parce que nous avions une équipe de France très soudée. Le collectif apporte énormément, et il nous a permis d’obtenir ces médailles. 

Vous attendiez-vous à de tels résultats? 

Non, tout de même pas, d’autant plus que c’était ma première année en tant que sélectionneuse. J’ai dû faire des choix, qui n’ont pas été compris de tous. J’ai agi selon mes ressentis, et il se trouve que cela m’a souri. Je sais très bien que ce ne sera pas toujours le cas, mais je profite de ces bons moments. Nous sommes venus avec un objectif de médailles, alors les deux équipes championnes d’Europe, c’est l’apothéose! 

Sur quels aspects avez-vous travaillé pendant le stage de préparation?  

Peu de choses techniques, parce que les couples étaient globalement prêts. Nous avons plutôt mis l’accent sur le collectif en travaillant avec Maxime Châtaigner (le conjoint de Gwendolen, qui œuvre au service de la FFE depuis 2018, ndlr), préparateur mental. Nous avons aussi organisé des activités visant à souder l’équipe, renforcer le collectif. Nous avons évidemment mis en place des séances habituelles de dressage, de saut d’obstacles et de galop avec Clémence Catala (adjointe au dressage depuis 2023, ndlr) et Pascal Henry (intervenant technique pour le jumping depuis cette année, ndlr). Ce qui a vraiment changé, et porté ses fruits, c’est la mise en place d’un coach de CSO, discipline qui restait l’une des lacunes majeures de nos cavaliers. Pascal Henry a changé la donne, et son travail est le principal point positif qui ait émané de ces championnats. Tous les couples ont enchaîné de super parcours. Ils ont tous montré une belle équitation. Le résultat est là, mais la manière aussi, ce qui me rend très fière d’eux. 



“Le cross de Vérane, avec toute la pression qu’il y avait, c’est comme si je l’avais couru avec elle”

Valentin Quittet Eslan et Casanova d'Ems sont champions d'Europe Jeunes Cavaliers par équipes, et vice-champions d'Europe en individuel.

Valentin Quittet Eslan et Casanova d'Ems sont champions d'Europe Jeunes Cavaliers par équipes, et vice-champions d'Europe en individuel.

© FEI

Quelles étaient vos consignes avant le cross de samedi?  

Je n’ai pas spécifiquement donné de directives. Chez les Juniors, j’ai envoyé Matis Cogniet en ouvreur parce que je connaissais bien son sang-froid. J’avais confiance en lui pour montrer la voie à ses coéquipiers, et il a rempli son rôle à merveille. Les Juniors ont bien déroulé leurs parcours; il n’y a pas eu de consignes quant aux options à prendre et ils ont tous suivi les voies directes.  

Chez les Jeunes Cavaliers, c’était différent, parce que le cross était compliqué. Valentin Quittet était notre ouvreur parce qu’il forme avec Casanova un couple d’expérience, et nous en avions besoin. Malheureusement, juste après lui, Paul Barret a chuté sur l’avant-dernier obstacle du parcours, ce qui a mis de la pression sur le reste de l’équipe qui n’avait plus de joker. Après cela, je me suis questionnée pour savoir si je faisais prendre des options aux deux dernières équipières pour assurer le coup. Finalement, j’ai décidé de faire entièrement confiance aux filles, et j’ai eu raison. Le cheval d’Alizée Bourguet (César des Hauts Crêts, ndlr) est très bon au cross, ils se connaissent par cœur. Ils ont signé un parcours fantastique. Quant à Vérane Nicaud, elle avait la possibilité de prendre une option qui pouvait lui coûter trois ou quatre secondes, ce qu’elle a fait en rentrant quand-même “maxi”. Ce fut aussi un cross fantastique de son côté. Malgré la pression qui reposait sur elles, elles ont tenu le choc. 

Quid du saut d’obstacles? La pression n’était pas la même pour les Juniors, qui pointaient en tête, que pour les Jeunes Cavaliers, qui étaient deuxièmes au provisoire derrière l’Irlande… 

Contrairement au cross, on ne peut pas vraiment mettre en place de stratégie pour l’hippique. Là, on connaît les scores et le nombre de barres des adversaires. Nous nous tenions au courant au fur et à mesure de l’évolution de la marge, qui influe forcément sur la pression. En Juniors, nous avions sept points d’avance sur les Italiens, qui étaient deuxièmes, et deux ou trois barres d’avance sur les Espagnols, troisièmes, ce qui est très serré parce que les barres peuvent vite arriver. Ce qui est important, c’est de réussir des détentes sereines et que les couples soient en confiance à l’entrée de piste. Tous ont vraiment bien sauté. En Juniors, Aline Teillard a commis une faute, mais elle courait en individuel. Ensuite, à partir de Rachel, nous avons enchaîné les sans-faute. Ils ont été formidables, et nous avons finalement gagné avec beaucoup d’avance (vingt-trois points chez les Junior, ndlr). 

Concernant les médailles individuelles, en attendiez-vous plus? 

Chez les Juniors, nous avions en tête deux médailles individuelles. Nous en espérions bien sûr une pour Matis Cognet et Vivendi, mais aussi pour Rachel Weiler et Riviero, qui ont quelque peu perdu cette chance en lâchant 7,2 points de temps dépassé au cross. Elle a senti son cheval sur l’œil pendant le parcours, et elle a préféré assurer le sans-faute. Rachel a réagi très intelligemment. Mieux valait qu’elle déroule ainsi plutôt que d’encaisser un refus. Elle était néanmoins déçue en voyant ses chances de podium s’envoler, d’autant que c’était sa dernière année en Juniors… Je ne doute pas qu’elle saura se rattraper en Jeunes Cavaliers. Matis a réussi une superbe saison. Je suis ravie de sa médaille de bronze, d’autant qu’il est en réalité deuxième ex æquo (avec l’Allemande Pia Sophie Schreiber en 29,4 points, ndlr). C’est leur chrono à l’hippique qui les a départagés, et l’Allemande a été plus rapide (de quatre secondes, ndlr). Nous n’en avons pas parlé à Matis avant qu’il entre en piste, de peur qu’il concède une faute, qui lui aurait alors coûté la médaille. Je suis heureuse pour lui parce que c’est une belle entrée en matière chez les Juniors. 

Comment avez-vous vécu personnellement ces championnats? Vous avez l’habitude de ces aventures collectives en tant que cavalière, mais qu’avez-vous ressenti de l’autre côté de la barrière? 

J’avais déjà emmené des élèves aux championnats d’Europe Jeunes, j’ai toujours beaucoup coaché. La pression d’être à pied, à côté, je la connais; vibrer pour eux, je connais aussi. Ce ne sont pas des choses que j’ai découvertes à Strzegom. Néanmoins, cette fois, j’ai vécu l’événement avec l’entièreté du groupe, et il m’appartenait de nourrir la cohésion d’équipe.  

Le cross de Vérane, avec toute la pression qu’il y avait, c’est comme si je l’avais couru avec elle. J’étais à fond sur mon vélo, à côté tout du long. C’est un collectif qui se met en place. Nous avons vécu un certain temps ensemble, ce qui crée des affinités, et j’ai finalement vécu ces championnats avec eux de manière très intense. Certes, nous attendions les médailles par équipes, mais de là à rentrer avec deux titres de champions d’Europe… Nous nous serions satisfaits de l’argent pour les Jeunes Cavaliers, mais lorsqu’on est venu nous dire que nous étions champions d’Europe, c’était fantastique. J’ai explosé en plein vol! 

Avez-vous la sensation, dans ce genre d’événement, avec d’intenses préparatifs, de former de futurs professionnels? Certains ont-ils cette ambition?  

Effectivement, plusieurs d’entre eux se tournent vers la voie professionnelle. C’est le cas de Matis, par exemple. D’autres intègrent le Pôle France Jeunes FFE de Saumur, comme Clément Tonon. De toute façon, même s’ils ne s’orientent pas dans ce sens, nous tentons de leur inculquer des valeurs professionnelles, de sportifs de haut niveau. Cela leur servira dans le sport comme dans la gestion de l’animal, du mental et de la compétition en elle-même. Tout cela est un travail d’équipe, un accomplissement collectif. Dans ce collectif, j’intègre les parents, l’entourage, les coaches privés, qui sont au travail toute la saison, mais aussi tout l’encadrement de la FFE. Nous sommes tous très heureux et allons continuer sur cette lancée, en structurant le travail mis en place. J’ai déjà hâte de m’y remettre cet hiver. 



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