“Nous n’étions pas si loin de terminer cinq ou sixièmes”, Jean Morel

Jeudi, l’équipe de France composée d’Anne-Sophie Serre, Bertrand Liégard, Alexandre Ayache et Pauline Basquin a terminé dixième des championnats d’Europe de Crozet. Aucun de ces quatre cavaliers ne s’est qualifié pour le Grand Prix Spécial, support de la première compétition individuelle et ouvert aux trente meilleurs couples du Grand Prix. Jean Morel, sélectionneur de l’équipe de France, a dressé son bilan quelques minutes après le passage du dernier duo tricolore.



“C’est dommage que nous terminions ce championnat ainsi parce que nos cavaliers pouvaient réaliser quelque chose de bien, et cela ne s’est pas fait. Ce qui est arrivé à Pauline n’est pas de sa faute. Son cheval, Sertorius de Rima*IFCE, a connu des petits problèmes cette année et n’est donc pas beaucoup sorti en compétition. Nous l’avons sélectionnée à la dernière minute, alors qu’elle et Sertorius n’avaient qu’un concours dans les pattes (le couple avait évolué régulièrement en compétition jusqu’au printemps, puis a été absent des terrains de début mai à début août, où il a remporté le Grand Prix et le Spécial du CDI 3* de Mâcon Chaintré, ndlr). Nous avons très bien qu’il peut être joueur, coquin et un peu regardant. De fait, il a besoin de compétition, et nous l’avions préparé pour les Jeux olympiques en lui faisant même disputer des épreuves « à vide » pour assouvir son besoin de tout regarder. Nous sommes tous conscients qu’il doit être économisé, mais je pense qu’il peut tout à fait participer à une étape du Grand National sans même être inscrit, et sans volonté de performance, simplement parce qu’il a besoin de sortir et de changer régulièrement d’endroit. Et puis, moi aussi je vieillis tous les jours, mais je ne m'économise pas trop parce que quand je m'arrête, je ne repars pas. En plus, il est très bien suivi à l’École (nationale d’équitation, basée sur le site de l’Institut français du cheval et de l’équitation, où travaille Pauline Basquin, ndlr). 

Nous restons très contents de ce que fait Pauline, qui a encore très bien monté ici. Tout se passait bien lors de leur détente dans le manège, mais ensuite, il a commencé à manquer de stabilité sur la carrière des dix minutes, d’autant qu’il n’apprécie pas ce genre de changements d’atmosphère. Ensuite, il est entré en piste et manque de chance pour nous, ces championnats d’Europe ont été organisés sur l’un des terrains les plus regardants que nous n’ayons jamais eus. Il n’y a pas d’air autour du rectangle, si bien que les couples ne peuvent pas tourner autour des cabanes de juges, et on entend énormément les bruits venant des tribunes et des espaces d’hospitalité. En outre, les chevaux sortent directement du manège (où était organisée la détente, ndlr) pour rentrer dans la carrière des dix minutes qui est au soleil, puis rentrer en piste. En clair, il manque une carrière. Je suis très content que ces championnats soient organisés par des Français, mais il y a un minimum syndical à assurer. On ne cherche pas des excuses, mais d’autres chevaux se sont montrés mal à l’aise sur cette piste, notamment celui d’Ingrid Klimke (Vayron a eu très peur d’une marque laissée au sol par le tracteur lors de son Grand Prix, qu’il a présenté vendredi, ndlr). Concernant Sertorius, il y a eu du bruit à sa droite lorsqu’il est entré en piste, ce qui lui a fait peur. Bien sûr, nous n’avons qu’à avoir des chevaux qui ne soient pas sur l’œil, mais ils restent des chevaux de sport.



Ce qui m’agace quant à notre résultat, c’est que nous n’étions pas si loin de terminer cinq ou sixièmes si tous nos cavaliers et chevaux avaient performé comme ils le peuvent. Nous n’étions pas venus ici pour faire un score, mais pas non plus pour réaliser une mauvaise performance. Je pense que nous les avons un peu trop lâchés cette année, mais il faut aussi dire que nous disposons de plus de moyens financiers lorsqu’il y a de grands objectifs en ligne de mire. Cela nous permet de les faire venir plus souvent en stage, d’assurer un suivi plus régulier, et ils en ont vraiment besoin. Pas du point de vue équestre, bien sûr, car ce sont des très bons cavaliers, mais ils ont besoin d’un encadrement. Ce sont des gens qui ont travaillé seuls pendant très longtemps, donc il faut y aller progressivement. Il n’est pas simple de leur demander de participer à des stages sans être indemnisés, ou de partir en concours sans y être aidés financièrement. Nous sommes dans une année de transition, et comme nous l’avons dit avec Sophie Dubourg (la directrice technique nationale de la Fédération française d’équitation, ndlr), nous allons désormais prendre le taureau par les cornes, comme nous l’avions fait avant les Jeux de Paris.

Nous avons été cinquièmes (aux JO de Paris, ndlr), sixièmes (aux championnats d’Europe de Riesenbeck 2023, ndlr), et nous le serons à nouveau. Cela dit, lorsque l’on analyse tout ce qu’il s’est passé, il y a aussi de très bonnes choses. Alex (Alexandre Ayache, ndlr) a enfin compris certaines choses. Sa manière de monter a évolué, mais il n’écoute pas encore tout ce qu’on lui dit. Désormais, ce n’est pas sa jument (Ruling Olivia, qui prenait part à sa première échéance, ndlr) qui doit céder, mais lui. Globalement, je le dis depuis des années, mais ce n’est pas normal que nous commettions autant de fautes. Carl Hester, par exemple, a vu son cheval en faire plein au paddock, mais en piste, tout était au cordeau. On m’a toujours dit qu’il fallait copier les bons avant de vouloir faire mieux qu’eux. Nous n’allons donc pas aller plus vite que la musique. Nous aurions aimé rester sur la vague des deux dernières saisons, mais finalement, nous avons connu un petit Tsunami. Nous avons de bons chevaux d’avenir que nous avions cachés jusqu’ici, il n’y a pas de souci à se faire. Cela va vite se régler, et nous allons nous mettre au travail beaucoup plus tôt en vue des prochaines échéances. Cela va mettre tout le monde sous pression, et ce sera très bien. Nous, Français, avons tendance à croire trop vite que nous sommes arrivés là où nous voulions être. Or, ce n’est pas la performance qui est difficile à réaliser, mais son renouvellement.”



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