“Le bouton magique ‘former une équipe’ n’existe pas”, Maxime Chataignier
Le 24 août, la jeune génération du concours complet tricolore a brillé sur la scène européenne. Les Juniors et Jeunes cavaliers ont décroché l’or par équipe aux championnats d’Europe organisés à Strzegom, en Pologne. Pour atteindre ces résultats, l’accompagnement en préparation mentale mis en place au long court et renforcé lors du stage final de préparation aux championnats s’est montré décisif. Maxime Chataignier, expert en préparation mentale depuis 2017, évoque cet ingrédient essentiel à l’accomplissement de performances sportives.
En équitation, on le sait, les épreuves par équipes sont rares au cours de la saison qui se dispute majoritairement en individuel. Mais lors des grands championnats, les nations s’affrontent par équipes. Représenter son pays, fédérer des individualités autour d’un objectif commun et trouver sa place dans ce collectif sont autant de défis à relever en amont de la compétition. Dans les coulisses de la préparation de l’équipe de France, plusieurs intervenants spécialistes œuvrent dans l’ombre et notamment les préparateurs mentaux. Qui sont-ils? Quel est leur rôle? Comment opèrent-ils, en particulier avec de jeunes athlètes? Entretien avec Maxime Chataignier, expert en préparation mentale depuis 2017, qui intervient régulièrement auprès des équipes de France, à la demande de la Fédération française d’équitation, mais aussi à titre individuel pour certains cavaliers.
Quel est votre parcours?
J’ai pratiqué le patinage de vitesse dit short track à haut niveau. J’ai décroché ma première sélection olympique en 2006 à seize ans. J’étais alors le plus jeune athlète de la délégation tricolore. J’ai participé à de nombreuses compétitions internationales, j’ai remporté des titres de champions du monde en Juniors, été numéro un mondial et champion d’Europe. En 2015, j’ai mis un terme à ma carrière sportive et intégré la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Fin 2015, après les attentats de Paris, j’ai eu un déclic. En discutant avec des psychologues de la BSPP, j’ai compris que mon parcours d’athlète de haut niveau pouvait apporter des réponses aux besoins opérationnels. J’ai alors entrepris une formation universitaire spécifique en coaching et performance mentale. En 2017, j’ai rencontré la directrice technique nationale de la FFE (Sophie Dubourg, ndlr), et j’ai débuté des missions d’accompagnement des équipes de France Jeunes dans plusieurs disciplines. J’interviens aussi auprès d’athlètes pratiquant le tennis, la danse classique ou les sports mécaniques par exemple, ainsi qu’auprès de dirigeants, de chefs d’entreprise, entre autres.
Quel est votre rôle auprès des équipes de France d’équitation?
La préparation mentale joue un rôle essentiel dans l’entraînement des athlètes, au même titre que la préparation physique. Mon objectif est que les athlètes soient à 100% de leurs capacités le jour J et avant cela d’optimiser leur préparation et leur fonctionnement à l’entraînement. Pendant l’hiver, j’interviens sur le sujet de la préparation mentale avec des séances individuelles ou du travail en groupe avec des thématiques comme la gestion du stress et la gestion de la pression lors d’une sélection dans un grand événement. Nous accomplissons aussi un travail plus poussé et technique sur la qualité de la respiration ou encore sur l’imagerie mentale pour aborder les échéances. Cette technique est particulièrement adaptée pour l’équitation, qui est un sport à concurrence indirecte. À l’approche d’un grand championnat, le travail devient plus spécifique et dédié à l’objectif sportif.
“Il faut garder à l’esprit que tous les jeunes athlètes de haut niveau ne deviendront peut-être pas professionnels à la fin”
Qu’avez-vous mis en place lors du stage final de préparation des équipes de France Jeunes de concours complet?
Quand des athlètes concourent les uns contre les autres toute l’année, il n’y a pas de bouton magique “former une équipe”. Il faut travailler sur le collectif. Nous définissons ensemble l’identité du collectif pour permettre à un groupe d’individus tous différents de partager les mêmes valeurs et le même objectif. Le but est de créer de la cohésion: entre les cavaliers bien sûr, mais aussi avec l’ensemble des personnes qui composent la délégation. Nous ne partons pas en vacances ensemble, nous partons à la guerre ensemble! Pour cela, nous avons mis en place plusieurs activités en groupes. Par exemple, nous avons créé les blasons des équipes, nous sommes mesurés à un parcours d’obstacles de type ninja Warrior, un parcours du combattant où les cavaliers devaient porter un faux blessé, des quizz, des sports collectifs. Nous avons aussi fait de la course à pied pour maintenir leur condition physique. Certains cavaliers montent habituellement plusieurs chevaux par jour. Durant le stage, ils n’ont qu’un cheval, alors il faut maintenir leur niveau d’activité habituel tant pour la condition physique que pour le mental.
Quelle sont les spécificités du travail mental avec de jeunes athlètes?
Avec les jeunes, il faut réussir à parfaitement intégrer les parents qui sont omniprésents et constituent aussi une précieuse ressource dans une aventure comme ces grands championnats. Les coaches privés de chaque cavalier jouent aussi un rôle très important et doivent trouver leur place dans le collectif. L’idée n’est surtout pas de bousculer les habitudes de chacun, mais de trouver une synergie pour évoluer tous ensemble vers un objectif commun. Il y a aussi toute une part d’éducation et de partage d’expérience quand on travaille avec des jeunes. On leur montre le chemin, on leur donne le bon cap, tout en les laissant être leur propre locomotive. Il faut aussi garder à l’esprit que tous ne deviendront peut-être pas professionnels à la fin. Nous souhaitons avant tout utiliser ce projet sportif comme tremplin pour qu’ils puissent embrasser leur vie d’adulte un peu mieux armés. C’est pourquoi nous travaillons sur l’estime de soi, le dépassement de soi, la planification, la stratégie d’objectif et toutes les compétences que le sport de haut niveau peut apporter et que les athlètes pourront mettre à profit durant leurs études ou leur vie professionnelle.