''Chacun doit rester à son niveau et à sa place'', Grégory Wathelet

Depuis quelques semaines et à l’aube de l’assemblée générale de la Fédération équestre internationale (FEI), de nombreux pilotes membres du Club international des cavaliers (IJRC) ont pris la parole pour s’élever contre les passe-droits accordés par le Longines Global Champions Tour aux cavaliers payant pour prendre part aux CSI 5*. Interrogé à ce sujet par GRANDPRIX-REPLAY, Grégory Wathelet a donné son opinion, en toute honnêteté et avec lucidité.



Actuel numéro dix du classement mondial, Grégory Wathelet tient à ce que la méritocratie soit respectée grâce à un système d’invitations équitable pour tous. Lucide quant au développement qu’a permis le Longines Global Champions Tour, le Belge est en faveur d’un équilibre entre sport et commerce, sans que l’un des deux aspects ne prenne le pas sur l’autre. “Mon opinion est la même depuis le début, je viens de ce que l’on pourrait appeler le “vrai sport”. Je fais partie des personnes qui sont arrivées à haut niveau sans énormes financements et sans bénéficier de pay-cards. Le système d’invitations est un sujet sur lequel il faut garder un œil, afin de ne pas le laisser dériver. Je reste toutefois plutôt modéré car on parle de l’évolution du sport qui devient en quelque sorte un “sport business”, malheureusement ou heureusement. Il y a des avantages et des inconvénients à cela. Je crois qu’il ne faut pas y rester fermement opposé et garder en tête que tout cela a tiré des choses vers le haut. Le commerce de chevaux et les concours se sont beaucoup développés grâce à cela, il y a donc du positif là-dedans. Mais à la fois, je rejoins complètement les cavaliers qui soutiennent que les points pour le classement mondial doivent être distribués dans des concours ouverts à tout le monde selon le même règlement. Au final, il y a deux options : soit on accepte le système laissant la part belle aux pay-cards dans toutes les compétitions, soit on applique le système proposé par l’IJRC de partout (le Club international des cavaliers propose que le système d’invitations soit régulé pour toutes les compétitions hors Coupe du monde et Coupe des nations selon des proportions précises, comme expliqué ici, ndlr).


“Trouver un équilibre”

Même si je fais partie d’une équipe de la Global Champions League, si je n’étais pas parmi les trente meilleurs cavaliers du classement mondial ou que j’étais en début de carrière et que je n’avais pas les facilités d’entrées que j’ai aujourd’hui, je me serai posé la question de comment accéder à ces compétitions de haut niveau. On le sait tous, aujourd’hui il est possible de prendre part à ces beaux concours en étant intégré à une équipe de la Global Champions League. Cela ne veut pas dire que les droits d’entrée sont payés par le cavalier (le droit d’entrée de deux millions par saison est déboursé par un sponsor, ndlr). Je pense qu’il y a un équilibre à trouver, et je parle surtout par rapport aux organisateurs. Pourquoi est-ce que les organisateurs de magnifiques concours comme Genève ou bien Dinard sont punis en étant soumis à une limite très stricte d’entrées payantes tandis que le Longines Global Champions Tour ne l’est pas ? C’est à la FEI de prendre parti. 
 
Je suis cent-pour-cent d’accord avec ceux qui soutiennent qu’on ne peut pas comparer des circuits comme la Coupe du monde et la Coupe des nations au Longines Global Champions Tour. Steve (Guerdat, ndlr) l’explique très bien, ce ne sont pas des séries avec des pay-cards mais avec des sélections sportives. Il est nécessaire de trouver un équilibre, que ce soit pour les organisateurs ou pour les cavaliers. Il ne faut par ailleurs pas tomber dans un extrême en voulant à tout prix bloquer le Global qui a permis d’apporter de belles choses à notre sport. “Il faut trouver un compromis. C’est le travail des responsables de la FEI. Cependant, nous doutons fort qu’ils le fassent bien.


“Une vraie réflexion à mener”

Je ne pense pas que les pay-cards pourront tuer le sport. Les meilleurs resteront toujours devant. Il y a quinze ou vingt ans, il était possible de faire partie du très haut niveau avec un bon cheval. Aujourd’hui, il faut plus que ça ! Il faut un vrai système, car le sport se professionnalise de plus en plus et ne laisse pas de place à l’à peu près. Au niveau de la logistique et des investissements, avoir une place dans les concours de niveau 5* est aujourd’hui totalement différent d’il y a quinze ou vingt ans. Pour quelqu’un de mal entouré et qui ne bénéficie pas d’un système solide, il est dorénavant impossible de rester à flot. 
Nous nous dirigeons vers un sport-business, mais il faut garder en tête que cela amène de l’argent à notre sport. C’est peut-être ce qui fait que des cavaliers comme moi parviennent à s’en sortir en vendant des chevaux, parce qu’il y a davantage de commerce. Ce système a attiré beaucoup de gens très riches. Par contre, je suis d’accord pour dire que chacun doit rester à son niveau et à sa place. Il y a parfois quelques-uns des meilleurs cavaliers au monde qui doivent rester chez eux alors que certaines personnes qui payent leur entrée n’ont pas leur place sur un CSI 5*. Là ça n’est pas normal et ça devient injuste. Il y aura toujours un peu d’injustice liée à l’argent dans ce sport, on ne peut pas complètement la supprimer. Mais il ne faut pas que cela dépasse certaines limites
Par ailleurs, si la FEI donne des avantages aux circuits, cela va encourager tous les organisateurs à lancer des séries, ce qui donnerait lieu à des batailles juridiques néfastes pour le sport. On ne peut pas interdire les concours qui veulent se soustraire à la règle. Dans la proposition faite, les cavaliers qui souhaitent y participer seraient autorisés à le faire et pourraient empocher les dotations, avec un calcul de points pour le classement mondial différent. Je ne sais pas s’il faut être aussi catégorique, je pense qu’il faut trouver un juste milieu ! Il y a une vraie réflexion à mener.”