Korntawat Samran, le plus français de tous les cavaliers thaïlandais, continue à progresser
Korntawat Samran, installé depuis 2016 chez Maxime Livio, près de Saumur, est assurément le plus capé des cavaliers thaïlandais de concours complet. Dimanche à Strzegom, en Pologne, il a gagné le deuxième CCI 4*-S de sa carrière, associé à B.Grimm Carouzo Bois Marotin, ancien complice de son mentor. Multimédaillé aux Jeux asiatiques, par équipes comme en individuel, “Nat” a aussi participé aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021 avec B.Grimm Bonero K et aux championnats du monde de Pratoni del Vivaro en 2022 sur B.Grimm Uster de Chanay. L’an passé, un accident de voiture l’avait privé d’une possible participation aux JO de Paris 2024. À vingt-sept ans, il se distingue par sa discrétion et son équitation très précise. Dans un français parfait, le jeune homme évoque ses ambitions et la vie qu’il a construite en France.
Dimanche, vous avez remporté le CCI 4*-S de Strzegom avec B.Grimm Carouzo Bois Marotin (SF, Kannan x Flipper d’Elle). Comment avez-vous vécu ce concours polonais?
Tout s’est très bien déroulé: le temps y était idéal, et il y avait un superbe terrain de cross. L’ambiance était la bonne en préparation du CCIO 4*-L de Boekelo où j’emmènerais Carouzo le mois prochain. Je suis très content de la façon dont il a répondu présent à Strzegom. Il s’est très bien comporté au dressage, qui peut être l’épreuve la plus compliquée pour lui lorsqu’il se laisse dépasser par ses émotions. Il a encore une marge de progression, ce qui est encourageant pour la suite. À l’hippique, nous avons réussi notre premier sans-faute. Il était vraiment très attentif et avait envie de bien faire. Lors du cross, Carouzo s’est montré très volontaire comme à son habitude. Après celui du CCI 4*-L de Bramham, disputé sur un parcours exigeant (le couple avait fini vingt-cinquième, ndlr), nous voulions une épreuve plus facile, qu’il puisse courir à sa main. Il a été rapide et très à l’aise sur ce parcours, donc tous les voyants semblent au vert pour Boekelo.
Plus généralement, c’est toujours très encourageant qu’un concours se solde par une victoire, mais le plus important est que mes chevaux se sentent bien dans leur corps et leur tête, et soient contents de partir en concours. C’est ce qui me réjouit le plus après cette semaine en Pologne.
Quel a été votre parcours avant d’arriver chez Maxime Livio?
J’ai débuté l’équitation à huit ans dans la banlieue de Bangkok. Mon père, militaire, était en caserne et j’ai commencé avec ma cousine, qui voulait essayer. Depuis, je n’ai jamais arrêté. J’ai exploré différentes disciplines: endurance, saut d’obstacles, puis concours complet au début des années 2010. En Thaïlande, les catégories Juniors et Jeunes cavaliers n’existaient pas en complet, contrairement au jumping, et la discipline restait confidentielle, avec principalement des épreuves de niveaux Amateur 3 et 4.
Depuis 2016, vous représentez la Thaïlande dans les CCI européens. Quel rôle joue votre fédération nationale?
Elle fait tout son possible pour que ses athlètes performent au plus haut niveau et elle me soutient pleinement. Son président, Harald Link, d’origine allemande, est un investisseur influent et passionné de sports équestres, notamment de polo. Il investit pour moi dans des chevaux, qui portent l’affixe B.Grimm du nom de son entreprise, mais aussi pour le dressage et le saut d’obstacles.
“Je compte rester encore trois ans en France pour préparer les JO de Los Angeles 2028”
Dans quel but vous êtes-vous installé à Dénezé-sous-Doué, près de Saumur?
En 2014, je suis venu me perfectionner en vue des Jeux asiatiques d’Incheon. J’ai d’abord enchaîné les allers-retours, avant de m’installer chez Maxime. J’ai découvert cette écurie grâce à la princesse de Thaïlande, qui préparait son BP JEPS à Saumur. Nous avons acheté un premier cheval chez Maxime, puis j’ai trouvé chez lui un environnement propice à la progression. Même si la vie à la campagne peut sembler isolée et diffère beaucoup de celle que j’ai connue à Bangkok, je l’apprécie sincèrement.
Envisagez-vous de vous installer durablement en France?
Je prévois plutôt de rentrer en Thaïlande pour contribuer au développement du concours complet là-bas. Pour l’instant, je compte rester encore trois ans en France pour préparer les Jeux olympiques de Los Angeles 2028 avec Carouzo, et atteindre le niveau 5*. Parallèlement, j’entends continuer à progresser en saut d’obstacles afin de représenter aussi la Thaïlande dans cette discipline. C’est pourquoi ma fédération m’a confié Dragon de Hus (SF, Con Air x Locato) en vue des Jeux asiatiques de 2026 (qui se dérouleront à Nagoya, au Japon, ndlr). Ensuite, j’aimerais restituer ce que j’ai appris et conseiller les jeunes cavaliers thaïlandais. La discipline se développe bien: actuellement, nous organisons des CCI jusqu’au niveau 3* et bénéficions des interventions de coaches comme Maxime Livio. Nous sommes vraiment très dynamiques. J’aimerais travailler avec ma fédération tout en restant au contact des chevaux, mais sans viser le haut niveau. Je pourrais aussi m’orienter vers le coaching. Je mûris encore mon projet.
Quel est le potentiel sportif de la Thaïlande aujourd’hui?
Il y a de plus en plus de cavaliers prometteurs. En Asie, nous sommes bien placés en complet, juste après le Japon (médaillé de bronze par équipes aux JO de Paris, ndrl). Actuellement, six cavaliers thaïlandais prétendent à l’équipe nationale. Comme moi, plusieurs s’entraînent en Europe, notamment chez Michael Jung. Un nouveau cavalier s’apprête d’ailleurs à rejoindre les écuries Livio, et ses chevaux sont déjà ici. Nous progressons collectivement, même si la plupart des cavaliers de haut niveau en Thaïlande exercent une activité professionnelle en parallèle.
Outre Maxime Livio, qui considérez-vous comme une référence?
Michael Jung, indiscutablement. Il cherche constamment à comprendre ses chevaux et à les gêner le moins possible. Sa technique et son approche sont très inspirantes. C’est une équitation que j’apprécie beaucoup.
Quels sont vos principaux objectifs?
Avant tout, je veux continuer à établir une relation harmonieuse avec mes chevaux et les voir s’épanouir dans le travail. À plus long terme, mon objectif est de me qualifier pour les championnats du monde de 2026 à Aix-la-Chapelle. Programmés quelques semaines plus tard, les Jeux asiatiques seront une autre échéance importante. Je suis très reconnaissant envers les propriétaires des chevaux qui me permettent de viser ces ambitieux objectifs alors je compte bien honorer leur confiance.