“L’entraide et l’esprit d’équipe se sont révélés fondamentaux”, Jean-Luc Force

À Blenheim, la semaine dernière, Jean-Luc Force a vécu son premier grand championnat en tant que sélectionneur national des Bleus. Il revient sur ces Européens où la France a décroché le bronze par équipes et vu deux de ses cavaliers intégrer le Top dix en individuel, et parle notamment du travail engagé pour améliorer les performances des Tricolores dans la phase de saut d’obstacles. Il dresse un premier bilan de sa première saison à son poste, et évoque les objectifs des complétistes français pour la fin de saison.



Quel bilan tirez-vous de ces championnats d’Europe, conclus avec une médaille de bronze collective 

Nous devons ce résultat à l’écoute des cavaliers, leur motivation et leur esprit d'équipe, ainsi qu’à l’expertise des intervenants qui m’entourent en effectuant du super boulot, entre autres. Il fallait aussi que les cavaliers croient en nos chances, en celles de leur super chevaux, et travaillent. Je pense qu’ils ont bien pris conscience de l’importance des détails et ont répété leur partition de manière idéale. Ils ont vraiment fait confiance à Pascal Henry (intervenant fédéral en saut d’obstacles, ndlr) et Cédric Lyard (qui occupe la même fonction pour le cross, ndlr), qui ont formé un super duo au paddock. Ce sont des experts qui ont su trouver les ingrédients miracles capables de tout faire changer. Ce samedi, nous avons un peu joué de “malchance” (il fait ici référence aux pénalités attribuées à Sébastien Cavaillon pour franchissement incorrect d’un obstacle ainsi qu’à Astier Nicolas pour avoir déclenché le système de sécurité rendant frangible une barre inférieure de barres de Spa directionnelles, ndlr). Après cela, ils avaient les dents qui rayaient le plancher et n’avaient qu’une chose en tête: rattraper le coup ce dimanche. Les notions d’entraide et d’esprit d’équipe se sont révélées fondamentales, et j’aimerais que tous les cavaliers aient bien conscience que lorsqu’ils intègrent un collectif, c’est ensemble qu’ils sont les plus forts. Souvent, ils sont habitués à évoluer dans leur système personnel, et lorsqu’ils rejoignent notre dispositif, avec un encadrement qui les entoure, les observe, les écoute et essaie de les aider à performer, cela doit leur permettre de se transcender.

Qui plus est, cette troisième place a été décrochée dans l’un des temples du complet…

Oui, c’est vraiment super! Lorsque l’on a su que ces championnats auraient lieu à Blenheim, nous pensions que les Anglais ne nous laisseraient aucune chance et savions que le cross serait difficile. D’ailleurs, j’ai peut-être été un peu monomaniaque dans la préparation de cet événement. Je voulais absolument que les chevaux soient préparés à un cross avec du relief, qu’ils aient fait du dressage et du saut d’obstacles sur herbe, tout en ayant bien en tête que la météo pourrait rendre les terrains très gras. Pendant notre stage de préparation à Saumur, il a fallu que je motive un peu les cavaliers pour les emmener sauter sur la carrière en herbe de l’hippodrome de Verrie, plutôt que sur celle en sable que l’on peut utiliser sur le site de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Il fallait remonter les chevaux dans les camions, il pleuviotait…mais à la fin, cela a peut-être fait la différence.

Au-delà de notre médaille de bronze, les performances individuelles ont également été au rendez-vous, Alexis Goury s’étant classé sixième sur Je’Vall, et Benjamin Massié, neuvième avec Figaro Fonroy. Il m’a fallu beaucoup de temps avant de prendre la décision de ne pas l’intégrer à l’équipe. Je n’ai pas passé de très bonnes nuits, parce que j’ai brassé toutes les informations disponibles, comme Thierry le faisait toujours. J’ai beaucoup pensé aux Mondiaux de l’année prochaine, pour lesquels nous devons former des couples. Quant à Gireg (Le Coz, le second Français engagé uniquement en individuel à Blenheim, ndlr), il a réalisé de super performances lors des trois tests avec Caramel d’Orchis alors qu’il a été intégré au dispositif de préparation très tardivement. On voit donc qu’il y a du potentiel; il faut désormais aider ces couples à se préparer efficacement en vue de l’année prochaine.



Après avoir perdu des médailles au saut d’obstacles à plusieurs reprises, les Français ont signé six sans-faute sur les barres lors de ce dernier test à Blenheim. Qu’avez-vous mis en place depuis que vous êtes devenu sélectionneur national afin de les faire progresser pour ce test?

La première chose a été de demander à Pascal Henry de venir nous aider. Ensuite, j’ai aussi sollicité le soutien de Henk Nooren (ancien entraîneur et sélectionneur national de l’équipe de France de jumping, ndlr). Et puis, j’ai insisté sur l’importance du travail à l’obstacle auprès des cavaliers, car ces dernières saisons, j’avais bien vu que nous perdions de trop de places dans cette dernière phase. On nous dit toujours que nous devons nous améliorer en dressage, et nous allons continuer à travailler en ce sens, mais il ne faut surtout pas lâcher le jumping. Cela me paraît fondamental. Les six sans-faute sur les barres produits à Blenheim montrent que nous avançons dans la bonne direction.

Quel regard portez-vous sur votre première saison passée au poste de sélectionneur national?

Je me suis infligé beaucoup de pression parce que je voulais réussir, pas uniquement pour moi, mais pour tout le monde, y compris Thierry (Touzaint, qui a occupé cette fonction de 1993 à 2009, puis de 2013 à 2024, ndlr). J’avais envie de montrer que son engagement avait laissé des traces et qu’il avait su former des personnes pour prendre la suite. Ce tournant n’était pas forcément simple à négocier, mais la France peut se montrer puissante. Nous disposons d’un véritable savoir-faire, d’excellents pilotes, d’un élevage de qualité et de propriétaires prêts à nous soutenir, ainsi que d’experts techniques. Mon objectif était de tous les réunir, en restant très attentif à tout le monde et en s’assurant que l’ensemble des acteurs adhèrent à mon projet, ce qui n’est pas évident lorsque l’on n’a pas encore prouvé sa valeur. Surtout, je ne voulais pas que le doute s’installe après le départ de Thierry, qui m’a d’ailleurs appelé pour me souhaiter bonne chance juste avant l’entame du cross à Blenheim. Je me positionne dans la suite logique de ce qu’il a fait, sans toutefois avoir le même instinct. J’ai beaucoup appris auprès de lui, en l’observant, en écoutant et en échangeant.



Quels seront vos objectifs pour la fin de la saison?

En premier lieu, il s’agira de faire disputer des CCI 4*-L ou 5*-L à des chevaux afin qu’ils obtiennent leur minima d’éligibilité requis en vue d’une éventuelle participation aux championnats du monde l’an prochain. Dans une optique de formation, le CCIO 4*-L de Boekelo me semble très important, mais nous n’y enverrons pas énormément de chevaux étant donné que d’autres seront au CCI 4*-L de Pratoni del Vivaro. Ces deux concours nous permettront de mettre des couples sur la voie des grands événements à venir. Aussi, je veux que nous continuions à former des cavaliers au niveau 5* en les envoyant à Pau, y compris s’ils ne disposent pas des meilleurs chevaux. En outre, nous sommes déjà en train de réfléchir au calendrier de compétition de nos meilleurs duos avec Martin (Denisot, le Conseiller technique national en charge du complet, ndlr).



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