“Tout seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin”, Alexia Pittier

Le 7 septembre dernier, à Ermelo, aux Pays-Bas, Alexia Pittier a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du para-dressage français en étant sacrée championne d’Europe de la Reprise Libre en Musique de Grade IV avec Sultan. La cavalière installée dans les Yvelines revient sur ce titre, qu’elle a bien logiquement savouré, et raconte sa préparation pour l’échéance continentale. Elle se confie aussi sur l’histoire que raconte son programme libre, ainsi que sur ses objectifs à venir. Très attachée à la notion d’équipe, elle espère pouvoir aider la France à décrocher sa qualification paralympique dès l’été prochain, et aimerait pouvoir se concentrer pleinement sur la préparation des Jeux paralympiques de Los Angeles.  



Vous êtes devenue championne d’Europe en individuel en Grade IV il y a un mois, à Ermelo, avec Sultan. Quel sentiment ce sacre vous a-t-il procuré? 

Lorsque nous avons terminé notre Reprise Libre en Musique avec Sultan, il ne restait plus qu’un dernier couple derrière nous, donc je savais la médaille d’argent assurée. Quand on a réalisé que nous avions gagné, toute l’équipe a été gagnée par des émotions très fortes. Nous étions tous ensemble avec mon groom, Jordan (Brenier, ndlr), qui est aussi mon compagnon et me suis au quotidien ainsi qu’en compétitions internationales depuis presque trois ans, mon entraîneur, Pedro Mendes, qui me fait travailler depuis quatre ans, sans oublier ma mère et mon frère, qui sont co-propriétaires de Sultan avec moi. L’équipe d’encadrement fédéral était également à mes côtés et a effectué un travail incroyable. De ce titre, je retiens surtout que ce fut une joie partagée et le résultats d’efforts collectifs, mais aussi qu’il a donné de la visibilité au para-dressage. Pour ma part, j’ai savouré ce moment et pas encore tout à fait quitté mon petit nuage, mais il me faut vite me remettre au travail pour la suite.

Comment aviez-vous abordé ces championnats continentaux?

En amont de la compétition, mon but était avant tout de continuer à travailler dans la même dynamique que celle qui nous avait guidés toute l’année. Je reste toujours dans une logique de construction, c’est-à-dire que j’avance étape par étape et échéance après échéance. Bien sûr, nous nous étions préparés pour ces championnats dans l’espoir d’y réaliser de belles performances, mais l’objectif était d’abord de donner le meilleur de nous-mêmes.



Pouvez-vous nous parler plus en détails de votre programme libre?

Créer une reprise libre est quelque chose de très personnel, et j’adore la mienne. Les musiques que nous avons choisies évoquent l’amour et l’amitié, avec des extraits du Formidable de Charles Aznavour notamment. En somme, elles racontent l’histoire de la relation unique que nous avons construite avec Sultan. En piste à Ermelo, j’ai vraiment eu la sensation d’interpréter cet accompagnement musical avec lui. Il m’a donné des sensations dingues. En voyant la note, je me suis dit que nous avions réalisé quelque chose de grand. Nous avions fait le job avec ce programme préparé à la base pour les Jeux paralympiques de Paris 2024.

Justement, quel souvenir gardez-vous de ces Jeux à domicile?

Je les ai vécus pleinement, cela n’a été que du bonheur. Nous étions encore un jeune couple avec Sultan, qui n’avait que neuf ans et m’accompagnait pour ma première échéance majeure. Cela a été très enrichissant et nous a fait grandir. Ces Jeux paralympiques ont permis un véritable partage avec les bénévoles et les spectateurs. J’ai reçu plein de messages de personnes ayant ma maladie (maladie de Charcot-Marie-Tooth, maladie génétique évolutive caractérisée par une dégénérescence des muscles des jambes et des bras, ndlr). C’est ce qui m’a donné encore plus envie de vivre de tels moments et de continuer à travailler.

Quelle est votre histoire avec Sultan?

Il m’a rejointe lorsqu’il avait six ans, et j’ai une confiance en lui que je ne peux pas expliquer. Il ne fait que m’épater. Après les championnats d’Europe, j’ai dit que c’était le meilleur cheval du monde et je le pense vraiment, même si je ne suis évidemment pas objective. Sincèrement, je n’ai jamais rencontré un partenaire comme lui. Il répond toujours présent, se montre content de faire ce qu’il fait, que ce soit au quotidien ou en concours. Il est bluffant et en plus, il est d’une incroyable gentillesse. Il est fabuleux. Ses points forts sont son énergie et sa sensibilité. Même si celle-ci a pu constituer une difficulté, au fur et à mesure qu’il gagne en expérience en compétition, il se montre plus à l’aise et plus serein. En outre, il a un physique incroyable et une locomotion spectaculaire. Son trot et son galop sont fabuleux. Son pas peut aussi être très bon lorsqu’il n’est pas trop chaud.



Dans quel système vous inscrivez-vous aujourd’hui?

Avant les Jeux 2024, j’étais partie au haras de Champcueil, la structure de Marina Caplain Saint-André. Depuis le 1er janvier, je loue une partie de la structure du haras de Bréval, dans les Yvelines (où se trouve également la cavalière de Grand Prix Léna Thouvenin, ndlr). Titulaire d’un DEJEPS, mon objectif est désormais de me professionnaliser au maximum et de me concentrer à 100% sur le sport de haut niveau. J’ai quelques chevaux de commerce et j’entraine des cavaliers, principalement lors de stages. Cela me permet de me dégager du temps pour la préparation physique et mentale, ou encore pour le travail avec mes jeunes chevaux. Nous cherchons également des partenaires afin de construire un projet pleinement centré sur les Jeux de Los Angeles 2028, comme nous l’avions fait pour Paris, mais cette fois en commençant plus tôt. Il ne reste plus que trois ans jusqu’à ces prochains Jeux, et ils vont passer très vite. 

Au sein de l’équipe de France, il y a et il y aura une grosse concurrence en Grade IV…

Cette concurrence est essentielle pour tout dynamiser, mais en réalité nous formons une équipe! Dans ma catégorie, il y a Vladimir (Vinchon, qui a pris part aux cinq dernières échéances majeures dans sa discipline avec Pégase*Mayenne, ex- Fidertanz for Rosi, ndlr), bien sûr, mais aussi Hortense (Josserand, qui a effectué ses débuts en CPEDI 3* en 2025, ndlr), qui est également installée à Bréval. C’est une chance pour nous d’être ensemble, cela nous donne de la force. Nous essayons de trouver des partenaires à plusieurs, et plus on est, plus nous donnons de la visibilité à notre discipline, ce qui est important pour que les gens soient de plus en plus nombreux à venir découvrir le para-dressage.

Quels sont vos prochains objectifs?

Après les championnats de France à Saint-Lô (prévus début novembre, ndlr), nous allons définir la stratégie de la prochaine saison sportive et un programme de compétitions internationales. En 2026, il y aura des championnats du monde à Aix-la-Chapelle, pour lesquels il faudra d’abord être sélectionnés. Si c’est mon cas, l’objectif sera d’aller chercher la qualification par équipes pour les Jeux paralympiques de Los Angeles. Cela permettrait d’être tranquille pour préparer la suite, mais pour ce faire, il faudra que nous soyons collectivement très forts. Tout seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin. Chacun a quelque chose à apporter.



Retrouvez ALEXIA PITTIER en vidéos sur