Sans espoir de médaille individuelle, les Bleus jettent l’éponge

Après une nuit de réflexion, les trois cavaliers concernés ou potentiellement concernés par la finale individuelle des championnats d’Europe Longines de saut d’obstacles ont finalement décidé de ne pas repartir demain après-midi. Déçus de leur septième place par équipes, et n’ayant plus d’espoir de se hisser sur le podium, ils préfèrent économiser leurs chevaux.



À moins d’un exploit en attelage – le marathon a lieu en ce moment –, la délégation française repartira bredouille des Jeux européens Longines de Göteborg, qui s’achèvent demain, tout comme des championnats d’Europe de concours complet disputés la semaine passée à Strzegom en Pologne… Un an après le triomphe historique aux Jeux olympiques de Rio, l’eau a coulé sous les ponts, et les équipes de France sont en reconstruction en vue des Jeux équestres mondiaux de Tryon et déjà des Jeux olympiques de Tokyo. Sans oublier, pour les cavaliers de jumping, les nombreuses sollicitations liées aux circuits privés, mais aussi la belle et lucrative finale mondiale de la Coupe des nations, programmée fin septembre à Barcelone, puis la Coupe du monde cet automne avec la perspective d’une superbe finale à Paris. Bref, tout cela, plus le besoin de digérer une décevante septième place par équipes, et l’absence de chances de monter demain sur le podium individuel, explique pourquoi aucun des trois cavaliers qualifiés ou repêchables pour la finale, à savoir Roger-Yves Bost, Kevin Staut et Mathieu Billot, ne s’élancera demain. Triste mais finalement assez logique…

Vingt et unième avec 11,39 points, Roger-Yves Bost préfère ainsi rester sur son magnifique sans-faute d’hier soir et ne pas demander davantage d’efforts à la puissante et courageuse Sangria du Coty, qui disputait là son premier championnat. "N’ayant plus aucune chance de médaille, je ne me vois pas repartir demain et imposer deux gros parcours à ma jument, qui est d’abord venue ici pour l’équipe de France. Dans les championnats, l’individuel, ce n’est que du bonus. Hier, ça me tentait bien, mais bon, sans autre enjeu que remonter à la huitième ou à la dixième place… Il ne faut pas brûler les chevaux pour rien. Sangria a déjà fait beaucoup d’efforts. C’était sa première Chasse, puis sa première épreuve en nocturne. Je préfère la protéger et laisser sur son superbe parcours d’hier soir."
 


«Rêveur n’a plus besoin de prendre de l’expérience», Kevin Staut


Vingt-troisième avec 12,91 points, après ses trois fautes d’hier, Kevin Staut n’a plus aucune chance de médaille non plus. Rêveur de Hurtebise*HDC ayant seize ans, le Normand préfère donc en rester là. "La priorité ici, c’était l’équipe. Au mieux, je ne pourrais terminer qu’autour de la huitième place. À son âge, il ne serait pas raisonnable d’imposer deux manches difficiles à Rêveur, d’autant que les chefs de piste construisent de long parcours (deux fois dix-sept efforts hier et avant-hier!, ndlr). Il n’a plus besoin de prendre de l’expérience. Hier, j’avais décidé de prendre un bon rythme, parce que Rêveur saute mieux dans ces conditions. Pour autant, j’ai tout de même construit ma première ligne. Je ne m’explique pas notre grosse faute sur le vertical 3, qui ne ressemble vraiment pas à Rêveur… Par la suite, j’ai redonné du galop parce qu’il était plus craintif après cette faute. Je suis très déçu évidemment…" 

Pas qualifié, mais sûrement repêchable, Mathieu Billot ne repartira pas non plus avec Shiva d’Amaury, auteur d’un tour à deux points plein de promesses hier soir. "Mon cheval est en pleine forme, mais je suis à treize points du podium, il ne faut pas rêver de médaille… Même avec un double sans-faute sur deux très gros parcours, je ne pourrai pas remonter parmi les tout meilleurs. Shiva a bien sauté, il a réussi un bon championnat, même si je persiste à penser que j’aurais dû ne lâcher que quatre points avant-hier… Après en avoir discuté avec mes propriétaires (Serge Batailler, ndlr) et Philippe Guerdat, nous avons pris cette décision. Nous sommes tous très déçus par notre septième place. Nous espérions décrocher une médaille… mais n’avons juste pas été assez bons", souffle le Normand.
 


«Nous devons nous remettre en question», Kevin Staut

Philippe Guerdat, sélectionneur national, ne blâme pas ses cavaliers, dont il comprend les choix. "C’est assez compliqué. Il n’y a rien à gagner pour eux demain. Seuls les douze premiers du classement général, qui devront repartir en seconde manche, seront primés (ils se partageront 420 000 euros, ndlr). Pour Rêveur, à son âge, cela ne vaut vraiment pas la peine. Bosty a dit oui hier, puis il a réfléchi. Et les cavaliers ont aussi des propriétaires, avec lesquels ils doivent discuter, ce qui est normal. J’aurais préféré avoir des cavaliers dans cette finale, mais je comprends leurs choix. Quelque part, une fois l’épreuve par équipes terminée, je n’ai pas de jugement à porter là-dessus. Je ne peux pas les obliger à partir non plus, surtout dans ces conditions. Et puis, nous devons aussi préparer la finale de Barcelone dans un mois, alors courir ici pour la gloire… »

Quoi qu’il en soit, les Bleus vont devoir se remettre vite au travail dans l’optique des prochaines grandes échéances. "C’est frustrant de finir ces championnats comme ça, et de terminer septième par équipes. Malheureusement, cela reflète aussi le niveau actuel de la France. Nous manquons de chevaux en super forme et avons dû faire face aux désistements des uns et des autres… Si cette septième place ne suscite pas de réaction, c’est triste… Rio c’était fabuleux, mais il faut passer à autre chose et avancer. On l’a bien vu hier soir, d’autres nations nous montrent la voie avec de jeunes cavaliers qui en veulent et de très bons chevaux. Oui, nous allons devoir nous remettre vite en question", lance Kevin Staut, leader indiscutable de cette équipe. Espérons que son appel sera entendu…