Les clubs des cavaliers proposent un nouveau format olympique

Fin novembre à Tokyo, l’assemblée générale de la Fédération équestre internationale (FEI) devrait entériner la réforme des formats des compétitions olympiques dans les trois disciplines concernées. Pour rappel, les équipes seraient réduites de quatre à trois cavaliers et les trois scores compteraient pour établir le total de chaque nation. En saut d’obstacles, on passerait de quinze équipes de quatre à vingt équipes de trois afin de permettre à davantage de nations émergentes de pouvoir participer à ce grand événement. Depuis la présentation de ce projet, la plupart des cavaliers et entraîneurs ont fait part de leur désapprobation, de leur incompréhension, voire de leur franche colère. À quelques jours de cette fameuse assemblée générale, le Club international des cavaliers de saut d’obstacles (IJRC) et le Groupement des cavaliers de saut nord-américains (NARG) ont tenu à rappeler leur position tout en émettant de nouvelles propositions permettant de parvenir au même objectif de voir plus de drapeaux flotter autour des carrières olympiques.



"En principe, nous soutenons l’objectif de la FEI d’accroître le nombre de nations aux Jeux olympiques, mais croyons qu’il existe de meilleurs moyens d’y parvenir. Il est à noter que sur les cent trente-quatre fédérations, soixante n’organisent aucun évènement équestre, dix-sept n’ont pas de cavalier et vingt-six n’ont pas de cheval. Moins de quarante-quatre nations ont des cavaliers qui disputent des compétitions internationales de saut d’obstacles. Mathématiquement, on peut dès lors affirmer que seules environ quarante nations ont des cavaliers disputant des compétitions internationales de saut d’obstacles avec des chances réalistes d’être représentées aux JO.
Les athlètes recommandent avec force que douze (ou treize ou quatorze) équipes de quatre cavaliers soient autorisées à participer aux JO. Une plus grande place pourrait ainsi être attribuée aux cavaliers du concours individuel, soit un total de vingt-sept (ou vingt-trois ou dix-neuf) cavaliers, ce qui permettrait à un plus grand nombre de nations de concourir."


Au travers de quatre points clé, l’IJRC et le NARG exposent les insuffisances redoutées du format proposé par la FEI, et argumentent autour d’une proposition alternative.


1) Le bien-être du cheval
"Avec des équipes de trois cavaliers seulement et aucun score à effacer, si, dans une équipe, un cheval est jugé inapte à concourir à 100 % de ses capacités, il sera malgré tout fait fortement pression sur le cavalier pour qu’il concoure, afin d’éviter l’élimination de l’équipe, ce qui va à l’encontre de notre principe fondamental, qui place le bien-être du cheval avant tout.
De surcroît, si un cavalier doit se retirer au nom du bien-être de son cheval, les autres n’auront que le choix de se retirer, affectant ainsi sérieusement à la fois les valeurs de la compétition et l’attrait de l’événement.
Le remplacement, ou repêchage, d’un cheval et de son cavalier pour la deuxième manche placerait le cavalier, mais aussi et par-dessus tout les chevaux, sous haute tension. Le cheval ne ferait pas son entrée dans la compétition avec une progression, une croissance graduelle des difficultés. Il devrait affronter immédiatement un parcours sensiblement plus difficile, qui pourrait s’avérer dangereux (des chefs de piste expérimentés en conviennent et peuvent le confirmer). Ceci constitue un grand désavantage pour le cheval qui doit entrer dans l’arène alors qu’il n’a pas pu tester le sol, ne connaît pas le matériel des obstacles, la rivière, ni les lignes."


2) L’importance de conserver un score à effacer
"Sans score à effacer, la compétition serait moins passionnante à suivre et nous ne voulons pas que les dés puissent être jetés dès la fin de la première manche. Ce système n’est pas difficile à comprendre par le public et rend la compétition plus passionnante jusqu’au bout, sinon tout peut être décidé trop vite. Rio a démontré que le format avec quatre cavaliers et un résultat biffé fonctionne bien. Ce fut dramatique et plein de suspense jusqu’aux ultimes parcours.
Dans le sport équestre, on a deux êtres vivants, dont un animal. Dès lors, les chances d’élimination par accident ou malchance sont plus que doublées. C’est la raison pour laquelle le score effacé est primordial. Les Jeux de Rio en ont donné une preuve évidente: l’équipe hôte du Brésil aurait été éliminée irrémédiablement, un de ses cavaliers ayant été disqualifié après son parcours. Cela aurait provoqué l’élimination de l’équipe toute entière, ce qui aurait été vécu comme terrible par les spectateurs."


3) Le risque de retrait ou d’élimination de l’équipe
"Avec une équipe de trois cavaliers, le scénario suivant pourrait avoir lieu :
- Si le premier cavalier obtient un mauvais résultat (élimination, douze ou seize points de pénalité), il ne reste plus qu’une lueur d’espoir pour les deux autres coéquipiers toujours en lice. À quoi bon continuer, tout particulièrement si l’épreuve a lieu après l’attribution des médailles individuelles.
Voulons-nous que notre sport fasse un pas en-arrière en répétant l’expérience des JO de 1968 à Mexico, où le format du saut d’obstacles avait été changé (réduction des équipes de quatre à trois) et où les Canadiens avaient gagné à trois avec plus de cent points de pénalité ? Ou voulons-nous éliminer des équipes avec seize points de pénalité ?"


4) Participation des petites nations aux épreuves olympiques
"Il est illusoire de présumer qu’en réduisant le nombre de compétiteurs par équipe, davantage de petites nations pourraient concourir et glaner des médailles.
À Rio 2016 : avec un score effacé, quinze équipes de quatre cavaliers plus quinze individuels (soit un total de soixante-quinze), on a compté vingt-huit nations, donc seize exclues parmi les quarante-quatre potentielles.
- Proposition de la FEI : sans score effacé, avec vingt équipes de trois cavaliers plus quinze individuels (soit un total de soixante-quinze), il y aurait trente-trois nations, donc onze nations exclues sur les quarante-quatre potentielles. Cette proposition placerait les petites nations qui n’ont pas de quatrième cavalier en difficulté, dans le cas d’une substitution nécessaire avant ou pendant la compétition. Il n’y a dès lors qu’un petit espoir d’augmenter le nombre d’équipes olympiques ne serait-ce que de cinq nations supplémentaires.
-  Propositions des athlètes : avec un score effacé (important de le conserver), quatorze (ou treize ou douze) équipes de quatre cavaliers plus dix-neuf (ou vingt-trois ou vingt-sept) individuels, il y aurait au moins trente-trois nations (voire bien plus), proposition identique à celle de la FEI, soit tout au plus onze nations exclues sur les quarante-quatre potentielles."


"Dans la proposition des athlètes, il y aurait un plus grand nombre de drapeaux (trente-trois voire davantage), et avec dix-neuf ou même vingt-sept cavaliers individuels (au minimum quatre de plus qu’actuellement), davantage de petites nations auraient leur chance d’envoyer (au moins) un cavalier aux JO. On peut raisonnablement penser que toutes les nations qui pratiquent l’équitation à ce niveau auraient l’occasion d’y envoyer un représentant. Cette solution signifie que le sacrifice d’une à trois équipes en-dehors des petites nations créerait une politique d’ouverture. À ce stade de l’élargissement international de la compétition, il est beaucoup plus probable d’avoir des cavaliers individuels compétitifs issus de nations du niveau suivant, plutôt que des équipes compétitives."