“Cela ne m’aurait pas dérangé d’être battu par Steve Guerdat”, Bryan Balsiger
Non contente de compter dans ses rangs les deux meilleurs cavaliers du monde actuels, Steve Guerdat et Martin Fuchs, la Suisse peut se satisfaire de son important vivier de jeunes talents. À seulement vingt-deux ans, mais faisant montre de la classe des plus grands, Bryan Balsiger a remporté dimanche son premier Grand Prix CSI 5* en s’emparant de la Coupe du monde Longines d’Oslo avec Clouzot de Lassus. Champion d’Europe Jeunes Cavaliers en 2017, le jeune homme au visage poupin compte bien rejoindre ses idoles Steve et Martin au sommet. Talentueux, ambitieux, humble et reconnaissant envers tous ceux qui lui ont tendu la main, Bryan Balsiger a répondu aux questions de GRANDPRIX, deux jours après avoir signé sa plus belle victoire.
Je me sens très bien ! Je dois dire que j’ai encore du mal à réaliser, car il s’agissait certes d’un objectif, mais aussi d’un rêve. Gagner là-bas était vraiment magique et extraordinaire.
Je suis très content du résultat, mais aussi de la manière dont mon cheval a sauté.
En partant en troisième position du barrage, quelle a été votre tactique ?
Nous étions douze au barrage et les meilleurs cavaliers étaient là. J’ai fait mon plan, et j’ai particulièrement étudié le contrat de foulées qui précédait la combinaison. Tout s’est déroulé comme je le souhaitais et nous avons poussés les autres à la faute. Je n’ai pas pris tous les risques et nous n’avons pas été les plus rapides, mais à la fin cela a payé et le plan a vraisemblablement été le bon.
Comment avez-vous vécu l’attente jusqu’au moment où vous avez été assuré de la victoire ?
J’ai regardé la suite du barrage, et je dois dire que l’attente a été longue ! En sortant de piste, j’espérais un top cinq, puis lorsque je me suis rendu compte que j’étais assuré d’être sur le podium je me suis dit que c’était déjà génial. Steve (Guerdat, ndlr) était finalement le dernier à pouvoir me doubler, et s’il m’avait battu cela ne m’aurait pas dérangé car c’est une idole et un exemple pour moi. Remporter une Coupe du monde est spécial, surtout devant les meilleurs cavaliers au monde !
Steve Guerdat était en effet le dernier à pouvoir vous battre, mais a finalement commis une faute avec Alamo, vainqueur de la finale du circuit en avril. Quel sentiment cela procure-t-il de venir à bout du numéro un mondial ?
Je ne mets pas forcément cela en perspective par rapport à Steve. Il est bien sûr un modèle, et a tant fait pour notre sport. Chaque cavalier l’admire, et il est indéniablement le meilleur même s’il a fait une faute dimanche. Je suis juste content de ma performance et de mes deux parcours, et j’espère continuer sur cette lancée !
Allez-vous vous rendre à Helsinki ce week-end pour tenter le doublé ? Le circuit de la Coupe du monde et la finale de Las Vegas sont-ils un objectif pour vous ?
Je ne vais pas à Helsinki, mais comme nous l’avions initialement prévu je serai à Lyon début novembre. Je verrai ensuite si je peux participer à d’autres étapes du circuit. J’aimerais en faire une ou deux supplémentaires dans un premier temps. Nous sommes bien partis, donc après Lyon, nous verrons si nous continuons sur cette voie. Si nous sommes prêts, j’essaierai de me qualifier pour la finale de Las Vegas. Dans mon esprit, c’est un objectif.
“Grâce à Clouzot, ma carrière a pris un nouveau tournant”
Depuis votre titre de champion d’Europe Jeunes Cavaliers sur Clouzot de Lassus en 2017, tout s’est accéléré. Cette médaille a-t-elle été le point de départ d’une nouvelle vie ?Depuis que je suis jeune, j’ai suivi le circuit en passant par les épreuves Enfants, Juniors et Jeunes Cavaliers. J’ai toujours obtenu de bons résultats aux championnats d’Europe, auxquels j’ai terminé trois fois septième (dans les catégories Enfants et Juniors en 2011 et 2015, ainsi qu’en Jeunes Cavaliers 2016 avec Steffi Kaf et Nohjy, ndlr). Après cela, Clouzot m’a donné un véritable élan. Depuis que je l’ai, nous enchainons les bonnes performances. Nous progressons un peu plus chaque année et formons une super équipe. En 2017, nous avons en effet décroché la médaille d’or aux championnats d’Europe Jeunes Cavaliers, avant d’être champions Élite de Suisse (l’équivalent du titre de champion de France Pro Élite, ndlr)et de participer à la finale des Coupes des nations de Barcelone. Cette année, j’ai eu la chance de monter plusieurs fois en Coupes des nations, puis finalement de remporter ma première Coupe du monde dimanche. Clouzot est un cheval spécial pour moi, et grâce à lui, ma carrière a pris un nouveau tournant. Il est génial, et je remercie son propriétaire Olivier de Coulon de me l’avoir confié.
Pouvez-vous justement nous parler de Clouzot de Lassus, qui semble être un vrai petit soldat plein de volonté ?
À la maison, il fait son job mais il n’est pas le plus grand travailleur et fait parfois le clown. Ce que j’aime chez lui, c’est qu’en revanche, dès qu’il entre en piste il est extrêmement concentré, imperturbable et impliqué dans son travail. Il est super, et toujours très volontaire. Il se donne à deux cent pour cent en piste et c’est ce qu’il y a de plus beau avec lui.
À vingt-cinq ans, votre compatriote Martin Fuchs a été sacré champion d’Europe cet été à Rotterdam, tandis qu’à vingt-deux ans vous brillez déjà au plus haut niveau. Comment expliquez-vous que la jeunesse suisse brille autant sur la scène internationale ?
Je pense tout d’abord que Steve et Martin sont de véritables modèles pour toute la jeunesse suisse. Nous pouvons également compter sur de grands noms de l’équitation comme Thomas Fuchs qui entraine l’équipe Suisse, Markus Fuchs qui est toujours là, ou encore Beat Mändli qui monte encore en compétition. Pour moi, ce sont des exemples dans leur manière de monter, ou dans la gestion des chevaux. Je pense que cela nous pousse à nous dépasser et à vouloir décrocher des médailles comme eux. Le fait que Steve et Martin soient numéros un et deux mondiaux donne des ailes. En tout cas, cela me motive vraiment à atteindre le plus haut niveau et faire équipe avec eux.
Du côté de la fédération, je peux beaucoup compter sur Andy Kistler (le sélectionneur de l’équipe helvétique, ndlr) qui m’a permis de prendre part à de très beaux concours rapidement. Cela a été une très bonne chose, car j’ai pu prendre énormément d’expérience, et je le remercie de sa confiance. Le résultat de ce week-end est le fruit d’un travail de nombreuses années. Enfin une victoire au plus haut niveau, et la plus belle !
“Je veux prendre mon temps avec Twentytwo”
Où êtes-vous installé et qui vous entoure au quotidien ?Je suis situé à Neuchâtel, à trente minutes de Lausanne, dans les écuries familiales qui comptent soixante chevaux. Nous avons une école d’équitation, une partie écurie de propriétaires ainsi que des jeunes chevaux au travail. Olivier de Coulon, qui me confie entre huit et dix chevaux de compétition, possède une écurie à vingt minutes de chez moi. Je m’y rends tous les matins pour monter Clouzot, Courage, ou encore Dubaï. L’après-midi, je travaille dans les écuries familiales aux côtés de mon père et de mon frère. J’y monte par exemple Twentytwo des Biches, qui est chez nous, ainsi que des jeunes chevaux. Depuis mes débuts, mon père Thomas a toujours été mon entraineur, et il continue de l’être aujourd’hui. Il m’a suivi dans toutes les étapes de ma carrière et cela compte énormément pour moi. Il s’agit d’un soutien important car il me suit à chaque concours et me conseille toujours. Je peux aussi compter sur mon frère Ken, qui s’occupe des écuries lorsque je suis en concours. Il était par ailleurs huitième du championnat du monde des Jeunes Chevaux de Lanaken l’an dernier (avec Heros du Roumaillard, ndlr). Tout mon entourage est impliqué, ma mère Patricia est également toujours à mes côtés. Je tiens d’ailleurs à remercier toute mon équipe qui œuvre dans l’ombre, ma groom Mélusine et tous les autres. Ils ont réalisé un travail formidable cette année avec mes chevaux. Cette victoire est pour toute l’équipe.
Outre Clouzot de Lassus, vous pouvez compter sur un piquet de chevaux riche avec notamment Ak’s Courage, Dubaï du Bois Pinchet, Jenkins Ter Doorn, ou encore Twentytwo des Biches, deuxième de la finale de Coupe du monde Longines d’Omaha avec Romain Duguet…
Tout à fait, Clouzot est sous les projecteurs mais je peux aussi m’appuyer sur d’autres chevaux pour l’épauler. Courage et Dubaï ont obtenu de très bons résultats jusqu’à 1,60m cette saison. Jenkins est très prometteur, je l’aime beaucoup et il réussit également de belles performances. J’espère qu’il va continuer à progresser en ce sens. Grâce à eux, j’espère figurer parmi les meilleurs mondiaux dès l’année prochaine. Twentytwo va faire une compétition en Suisse la semaine prochaine avant de concourir de nouveau à l’étranger au niveau CSI 3* et 4*. Je ne voulais pas me presser avec elle étant donné qu’elle a eu une longue pause. Je suis très content de la façon dont elle se développe mais je veux prendre mon temps car c’est une excellente jument. Je veux aller à son rythme.
Cette saison, vous avez couru votre premier Aix-la-Chapelle, votre première Coupe du monde en janvier à Bâle, et avez donc remporté votre premier Grand Prix CSI 5*-W. Jusqu’où espérez-vous aller ?
Il est vrai que tout s’est enchainé très vite ! Pouvoir monter au mythique concours de La Baule en début d’année m’a énormément enrichi. Nous y avons remporté la Coupe des nations, et même si je n’ai pas été le meilleur Suisse, c’est quelque chose de monter une telle épreuve par équipes et de défendre son drapeau à ce niveau. J’ai ensuite eu l’occasion de me rendre aux CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle et Dublin, qui sont deux concours de légende. Monter dans le stade de la Soers était un rêve, et cela m’a permis de progresser face aux meilleurs cavaliers du monde. J’ai pu apprendre d’eux. Pour beaucoup, ma victoire de ce week-end était une surprise, mais pour moi il s’agit de l’accomplissement du travail de toute une saison, et même de plusieurs années. C’est super que cela se concrétise pendant la Coupe du monde ! Au-delà de cela, mon rêve est de monter un jour aux Jeux olympiques et d’y défendre les couleurs de la Suisse.