L’impératrice Isabell Werth a bien failli être déchue!
Pour la troisième fois de la semaine, l’hymne allemand a retenti aux championnats d’Europe Longines de dressage. Déjà seule au monde par équipes, la Mannschaft a vu ses deux meilleurs couples se livrer une guerre sans merci dans le Spécial hier, puis à nouveau cet après-midi lors de la Reprise Libre en Musique. Si Isabelle Werth s’est encore une fois imposée avec la géniale Weihegold, Sönke Rothenberger est passé à un cheveu de la détrôner avec le stratosphérique Cosmo. Le choix de la musique aurait pu – ou dû – faire la différence en sa faveur…
La dernière heure a livré au public, enfin un peu plus nombreux dans les tribunes du colossal stade Ullevi, ce qu’il était venu voir : du sport et de l’art équestre. Therese Nilshagen et Dante Weltino, le couple annoncé comme l’un des plus grands espoirs du dressage mondial, a délivré une très belle reprise, mais pas parfaite, et sur une musique manquant franchement de cohérence. Ce faisant, et même notée au-dessus de 80% (80.411%), la paire suédoise a dû se contenter de la cinquième place, après avoir terminé quatrième hier. Dur pour ses fans, très nombreux dans les tribunes.
Il faut dire qu’elle n’a été devancée que de très peu par le Britannique Carl Hester et Nip Tuck (80.614 %). Même si le hongre est apparu sensiblement plus à son aise aujourd’hui, sur un thème musical élégant aux accents funk et rock, dans les allées du stade, de nombreux observateurs n’ont pas compris le choix du jury, certains estimant même que les irrégularités visibles au niveau de ses postérieurs auraient dû entraîner son élimination lors du Grand Prix, voire du Spécial. Interrogée à ce sujet, la juge suédoise Annette Fransen Iacobaeus ne s’est guère montrée loquace, estimant que le couple avait montré de très beaux mouvements, et que le jury était partagé quant à son classement final… Léger tout de même.
Déjà brillante hier, Cathrine Dufour n’a pas volé sa seconde médaille de bronze individuelle, elle qui avait permis au Danemark de décrocher l’argent par équipes. Juchée sur un Atterupgaards Cassidy dansant sur un thème typique du film d’aventure, elle a montré une belle équitation et pris tous les risques pour faire monter les notes, tentant la désormais fameuse pirouette au piaffer. Résultat : 84.561%. Mais le meilleur restait encore à venir…
Un jugement artistique très opaque
Bien décidé à faire tomber de son piédestal la grande Isabell Werth, légende vivante du dressage, le jeune Sönke Rothenberger, vingt-deux ans et deuxième du Spécial, a abordé ce dernier test de la plus belle des manières, montrant le meilleur de lui-même en piste avec le génialissime Cosmo, que bien des observateurs considèrent désormais comme le meilleur cheval du monde. Tantôt épique, tantôt romantique, tantôt inquiétante, sa composition musicale, inspirée du film “Live Die Repeat” ou “Edge of Tomorrow”, est l’une des plus réussies et saisissantes que l’on ait entendues avec la dernière de Charlotte Dujardin et Valegro. Cela fait du bien dans un exercice où la modernité a encore bien du mal à s’imposer. Techniquement, le hongre bai s’est avéré époustouflant, puissant et aérien, notamment au trot et dans les airs relevés. On a bien vu une ou deux imperfections, notamment une faute aux changements de pied au temps, mais quelle reprise! Le jury l’a sacrément appréciée, lui offrant la note stratosphérique de 90.614%.Poussée dans ses derniers retranchements, Isabell Werth n’avait d’autre choix que de présenter une reprise techniquement parfaite, ce qu’elle a fait, de prendre tous les risques, ce qu’elle a brillamment réussi aussi. Étincelante et métronomique, Weihegold est apparue plus facile encore que Cosmo. Dès lors, il était donc logique que la note du couple atteigne des sommets. Le jury lui a offert un 90.982%, et donc la victoire finale. Techniquement, c’est sûrement justifié, mais la Libre est aussi une épreuve artistique, et peut-être plus encore dans des championnats où la Fédération équestre internationale délivre deux jeux de médailles… À ce titre, il vaut la peine de se pencher sur la dernière ligne du protocole de jugement, intitulé «Musique and interprétation de la musique» et notée au coefficient 4, soit deux fois plus que le passage, le piaffer et les pirouettes.
Si Sönke Rothenberger a obtenu la note maximale de 10 de la part de tous les juges, Isabell Werth, elle, a vu son choix musical et son interprétation recevoir cinq 10 et deux 9,5… Même si ces notes restent très subjectives et floues, Annette Fransen Iacobaeus s’étant montrée incapable d’en expliquer les tenants et aboutissants en plus de trois mots, il est tout de même curieux de constater que les sept juges aient à ce point plébiscité une composition aussi fade et ennuyeuse qu’une telenovela ou un mauvais film de série B. Encore une fois, le jugement humain a montré ses limites. Quand les écarts sont si faibles, la moindre note compte. Si un cavalier moins capé qu’Isabell Werth avait fait entendre une telle musique, aurait-il obtenu des 10?...
Les résultats de la Reprise Libre en Musique