'SILVANA EST PEUT-ÊTRE UN PEU FATIGUÉE', ÉRIC NAVET



Installé aux États-Unis depuis plusieurs années, Éric Navet est ce weekend au Thomas & Mack Center pour encadrer Karl Cook, son élève. Le jeune Américain, qui participe à sa deuxième finale de la Coupe du monde, à domicile, s'est honorablement tiré des parcours avec Jonkheer Z. Pour GrandPrix-Replay, Éric Navet accepté de livrer son analyse sur ces deux premiers jours de finale.


GPR : Qu’avez-vous pensé des résultats des Français ?

E. N. : J’ai trouvé les parcours de Pénélope admirables. Le cheval a très bien sauté et comme à son habitude la cavalière a formidablement bien monté. Je me régale en regardant ses parcours. Pour Silvana, je pense qu’elle est peut-être un peu fatiguée. J’ai trouvé qu’elle manquait un peu de désir et d’envie. Quand elle est arrivée sur ce vertical numéro deux,  j’ai eu l’impression qu’elle n’avait pas l’œil dessus. Quand un accident comme celui là arrive en début de parcours c’est dur de se remettre dedans après. Cependant la jument a très bien fini son parcours.

Quant à Orient Express, c’est difficile à dire. Je pense qu’il n’a pas du tout aimé le terrain. Tous les Grand Prix Coupe du monde se court sur les sols parfaits en Europe. Ici, nous sommes loin d’avoir un sol parfait. Certains chevaux s’adaptent vite à une surface différente mais ça ne semble pas être le cas d’Orient.


GrandPrix-Replay : Qu’avez-vous pensez des deux premiers parcours de Karl Cook, votre élève ?

Éric Navet : Je suis assez satisfait des parcours de Karl. Nous avons beaucoup travaillé sur son mental et il a montré beaucoup de sang froid et d’assurance. Vous savez, il est en finale de la Coupe du monde à domicile et pour lui, ce n’est pas très facile à gérer. Tout le monde l’attend un peu au virage. Lors de sa première finale Coupe du monde, à Göteborg, il y a deux ans, il avait très bien monté. Il était loin de chez lui et donc je pense que la gestion de la pression n’était pas la même qu’ici. Mais, pour le moment, il a bien assuré. Il a monté selon mes directives. « He sticked to the plan » comme on dit en anglais. Je suis vraiment très content. Ensemble, nous travaillons en nous disant que la façon dont il gère ses parcours est plus importante que le résultat. Je veux avant tout qu’il monte avec beaucoup d’assurance, qu’il se fasse confiance et qu’il croit en son cheval. Je préfèré qu’il fasse un parcours à quatre ou huit points très bien monté et très propre qu’un sans-faute désespéré. Lors de mes plus grands championnats je montais avec cet état esprit. Je pense que cela m’a plutôt bien réussi (sourire). J’essaye de lui transmettre mon expérience. Pour le moment je suis très satisfait de ce qu’il a fait. Je suis aussi très content de Jonkheer Z. Il est très courageux et plein de moyens. Il peut faire une faute de temps en temps mais au moins il donne confiance à son cavalier. Pour un jeune cavalier, il est le meilleur cheval que je connaisse pour prendre du métier à ce niveau de la compétition.

 

GPR : Quelles sont vos directives pour dimanche ?

E. N. : Mes directives vont être les mêmes. J’aimerais que Karl monte avec la même assurance que les deux premiers jours. Ce n’est pas parce que c’est la finale qu’il faut monter différemment. Nous n’avons aucune pression. Nous sommes là pour travailler et pour prendre de l’expérience. Nous savons que nous n’allons pas gagner, nous le savions avant de commencer. Il ne faut pas rêver. Karl est donc là pour prendre du bon métier. Il ne faut pas qu’il monte désespérément pour le sans-faute. Je veux qu’il fasse un boulot propre pour que nous puissions nous dire qu’il pourrait gagner en montant de la même manière avec un crack.

 

GPR : D’une manière générale, que pensez-vous du concours ?

E. N. : Je vais d’abord parler du positif parce que je pense que c’est toujours mieux de commencer par là. Nous sommes à Las Vegas et nous assistons à un véritable spectacle. Pour moi, le spectacle est réussi. Les tribunes sont pleines et le public participe vraiment. Je pense que c’est vraiment excellent pour notre sport.

Pour ce qui est un peu moins positif, le sol n’est pas satisfaisant et le terrain est glissant. , À ce niveau-là, nous devrions vraiment n’avoir aucun problème de terrain. Par exemple, jusque-là, Jonkheer Z n’avait jamais déferré en concours. Ici, il s’est déferré deux jours de suite. Le premier jour, devant le 5A. Il a fait tout le reste du parcours avec un fer en moins sur un terrain qui est quand même assez ferme. Et vendredi, il a déferré de nouveau mais à l’entrée du triple cette fois. Le cheval est solide parce qu’il est impeccable. Il ne présente aucun signe de boiterie et il a bien passé la visite vétérinaire hier. Mais tout cela est très révélateur de la mauvaise qualité du sol.

Et puis, j’ai cru comprendre que les européens n’ont pas vraiment été satisfaits de la qualité de l’accueil des chevaux pour la quarantaine. Ils sont arrivés et ont été mis dans des écuries toute noires, non aérées et ils avaient interdiction de sortir. Ile ne pouvaient même marcher dans l’écurie de quarantaine. Pour moi, c’est inacceptable.

 

GPR : Sportivement, qu’avez-vous pensé du concours ?

E. N. : Les combinaisons ont été très sélectives. Certains me diront que nous sommes au plus haut niveau mondial que les combinaisons doivent être acquises mais il y a beaucoup de chevaux qui ont souffert. Vendredi, pour sortir du triple, il fallait vraiment avoir une ferrari. Certains cavaliers ont parfaitement bien monté ce triple et pourtant les chevaux ont quand même fait une faute dessus. Et puis de nombreuses montures ont fait de mauvais efforts sur ce triple, à cause de l’inclinaison du vertical qui venait juste avant cette combinaison. Le vertical n’était pas perpendiculaire au triple. Il y avait vraiment cinq foulées et demie entre le vertical et le triple. Pour moi, le chef de piste a vraiment mis les chevaux à l’effort les deux premiers jours. Je pense qu’un certain nombre de cavaliers vont le payer demain.

 

 

GPR : Quels sont vos pronostics pour dimanche ?

E. N. : Cette dernière manche va être très serrée. La jument de Steve Guerdat saute magnifiquement bien et Steve est motivé, il est en forme. Il a toutes ses chances. Richard Fellers a fait des parcours irréprochables pour le moment. Nous faisons tout le temps les mêmes concours que lui en Californie et nous sommes à chaque fois en extase devant ses parcours. J’espère seulement que son cheval, qui a dix-neuf ans, va tenir le coup sur les trois jours. Bertram Allen est un génie et sa jument est sublime. Le cavalier a instinct formidable et l’insouciance de la jeunesse. Je pense vraiment qu’il pourrait s’imposer. En ce qui concerne Simon, le cheval d’Elizabeth Madden, je trouve qu’il saute mieux que l’année dernière. Il a repris de la hauteur et de l’aisance sur les barres. Dans ceux qui suivent au classement, je trouve que Jos Verlooy a fait un très bon début de finale. Ce jeune garçon a fait des progrès incroyables. Je vois encore mieux Lucy Davis remonter dans le classement. Son cheval Barron est vraiment une pointure. Pour moi il fait partie des meilleurs chevaux de l’épreuve. Je n’aime pas trop faire des pronostics mais j’aime bien faire l’analyse de chacune des personnalités des cavaliers et des chevaux. Pour cette finale, c’est le sport qui décidera. 

 

Propos receuillis à Las Vegas par Alice Corbin