'J?AI UNE CHANCE INCROYABLE DE POUVOIR GARDER MARLOU ET RUBY', ALEXIS BORRIN
Le week-end passé, Alexis Borrin a participé au deuxième CSI 5* de sa carrière, à Doha. Après une première apparition à ce niveau non loin de chez lui, cet été à Chantilly, le Nordiste, établi à Villeneuve-d’Ascq, n’a pas hésité à faire ce long voyage, accompagné de Marlou des Étisses (Quidam de Revel x Persan II) et Ruby de la Fosse (Cabdula du Tillard x Bocage de Longane), ses deux meilleurs chevaux. S’il a abandonné dans le difficile Grand Prix concluant le Global Champions Tour, Alexis, également vu dans trois CSIO 3*, et notamment dans la Coupe des nations de Bratislava, en 2013, s’est satisfait de son week-end au Qatar, mettant en avant la dixième place de Ruby dans l’épreuve à barrage du vendredi. En 2015, le cavalier de vingt-six ans entend bien gravir quelques marches de plus sur la route du haut niveau. Entretien.
GrandPrix-Replay.com : Comment avez-vous vécu ce deuxième CSI 5*?
Alexis Borrin : Je suis vraiment très content. Cela n’a pas été le meilleur concours de ma vie en termes de résultat, mais les parcours étaient très gros et la concurrence rude, avec les meilleurs cavaliers du monde. Je suis satisfait des parcours de mes deux chevaux. J’étais plutôt bien parti dans le Grand Prix, puisque j’étais seulement à deux fautes avant le douzième obstacle (la moitié des concurrents ont conclu ce Grand Prix avec plus de huit points, ndlr). J’ai commis une erreur en remettant une foulée dans la ligne du onze au douze, ce qui m’a faussé ma dernière ligne à quatre foulées que je n’ai donc pas assez anticipée, ce qui m’a poussé à freiner. Mes quatre foulées se sont retrouvées longues, et je n’avais plus de place pour trouver une distance correcte et bien aborder l’oxer. Il me semblait assez difficile de revenir sur cet oxer très haut et large. J’ai donc préféré en rester là. Forcément, on souhaite toujours de meilleurs résultats, mais il faut continuer à participer à ce genre de concours pour se mettre au point.
GPR. : Dans quel cadre et avec quels objectifs vous êtes-vous rendu au Qatar?
A.B. : C’était vraiment un concours de circonstance. C’est arrivé un peu par hasard, je n’avais pas prévu d’y aller. Nous avons la possibilité d’obtenir des invitations pour participer aux concours de ce circuit (moyennant contribution financière, ndlr). J’ai eu la possibilité d’y aller. Tout s’est décidé très vite en à peine un mois. Mes chevaux n’étant pas très adaptés à l’indoor, c’était l’occasion de participer à un dernier concours dehors, sur une très grande piste leur convenant bien. Bien sûr, pour moi, c’était également une opportunité d’aller sauter sur ce circuit incroyable, à l’autre bout du monde. En partant, je savais que je n’étais pas au niveau des cavaliers présents à Doha. Le but était donc de ne pas être trop ridicule en montant du mieux possible et que mes chevaux sautent au mieux également, afin de prendre de l’expérience pour me rapprocher petit à petit de ce niveau. À terme, le but est d’être performant dans ces épreuves-là. Mon objectif de l’année était d’abord de bien figurer à Chantilly, puis aux championnats de France, à Fontainebleau.
GPR. : Effectivement, vous aviez participé à votre premier CSI 5* à Chantilly, que vous aviez conclu par un bon tour à quatre points dans le Grand Prix dominical avec Ruby après avoir concédé seize points dans le Grand Prix GCT avec Marlou. Comment aviez-vous vécu cette première expérience?
A.B. : Oui, c’était un bon concours. Ruby s’est classé deux fois sur trois, avec un très bon quatre points le dimanche. Pour ses débuts à ce niveau, Marlou a encaissé quelques fautes, mais c’était aussi un bilan assez positif dans l’ensemble. C’était une expérience vraiment très stressante: je me suis mis beaucoup de pression tout seul alors que je n’en ai aucune de la part de mes propriétaires, ou de qui que ce soit. Sauter sur cette piste mythique, parmi les meilleurs cavaliers du monde, c’était assez impressionnant, d’autant plus pour un cavalier du Nord comme moi. Vu la proximité, beaucoup de gens de ma région étaient là. Le monde, le public, la télévision, tout cet ensemble a vraiment rendu la chose très impressionnante!
GPR. : Ensuite, vous avez terminé deuxième du championnat de France Pro 1 avec Ruby. Pourquoi ne pas avoir tenté le Pro Élite avec Marlou ?
A.B. : J’ai hésité entre les deux. Avec Marlou, j’aurais certainement engagé le Pro Élite, mais comme il était allé aux championnats du monde Jeunes Chevaux de Lanaken (trente-quatrième avec douze points du Grand Prix des étalons, ndlr) la semaine d’avant, j’ai préféré miser sur Ruby, que je trouvais encore un peu trop vert pour s’attaquer au niveau supérieure, notamment à une finale qui est toujours très difficile. À mon avis, il lui manquait encore trois à quatre bons Grands Prix. J’ai donc préféré ne pas aller trop vite et lui donner un peu d’expérience. Il s’est montré très régulier et a très bien sauté. Ce sont mes quatre points en première manche de la finale qui nous ont coûté la médaille d’or, donc je n’ai rien à lui reprocher. Il a vraiment été formidable. J’avais déjà tenté le Pro Élite l’an dernier. En 2015, j’essaierai à nouveau, avec Marlou ou Ruby. Même s’il ne prend que quinze ans l’an prochain, Marlou vieillit un peu, donc l’idée sera sûrement d’y aller avec Ruby. En tout cas, c’est ce que j’espère. Il saute si bien en ce moment, qu’il devrait normalement être prêt d’ici là.
GPR. : Qui sont les propriétaires de vos chevaux ?
A.B. : Marlou appartient à Caroline Willot, qui m’a également confié quatre autres chevaux. Ruby, lui, appartient à mon père (Pascal Borrin, ndlr). Il l’a acheté à trois ans aux ventes NASH. Il a toujours bien sauté. Il a gagné le Critérium à six ans, puis il a commencé les épreuves à 1,45m et 1,50m à huit ans. Cette année, il s’est classé assez régulièrement (outre le Master Pro, le couple a terminé deuxième de trois Grands Prix CSI 2* à 1,45m, à Strazeele, Neufchâtel-Hardelot et Sancourt, ndlr), et il reste donc sur un excellent double sans-faute à Doha, dans une épreuve à 1,55m. Ce n’était pas le Grand Prix du samedi, mais c’était déjà un excellent niveau. Je suis très content de son évolution. J’espère qu’il passera un nouveau cap à dix ans, pour atteindre le plus haut niveau.
GPR. : Vos chevaux sont-ils à vendre, ou vous sont-ils uniquement confiés pour le sport?
A.B. : Ça dépend. J’ai toujours une vingtaine de chevaux aux écuries, dont seule une partie est à vendre. D’ailleurs, Marlou et Ruby ne sont pas du tout à vendre. Aujourd’hui, mon objectif étant d’aller vers le haut niveau, nous essayons de tout mettre en œuvre pour y arriver. J’ai une chance incroyable de pouvoir garder ces chevaux-là. J’essaie donc d’en profiter et de construire des chevaux pour l’avenir.
GPR. : Quel bilan tirez-vous de cette saison qui s’achève?
A.B. : Dans l’ensemble, je suis très satisfait. Une médaille aux championnats de France, même en Pro 1, ce n’est pas négligeable. J’ai sauté deux CSI 5* sans être ridicule, avec un classement à chaque fois. Cela me donne l’espoir d’avoir ma place un jour ou l’autre dans ces concours-là. Je ne concours en CSI 3* que depuis deux ans, donc je n’ai vraiment pas à me plaindre.
GPR. : Quels sont vos objectifs pour 2015?
A.B. : J’espère obtenir de meilleurs résultats, au moins en CSI 3* et 4*, et pourquoi pas en 5*. Je pense avoir des chevaux pour sauter de gros concours. À court terme, je n’ai pas grand-chose de prévu. Nous allons faire une pause de deux mois, vu que mes chevaux ne sont pas très à l’aise en indoor. Je reprendrai en février, je passerai sûrement quelques semaines au Portugal pour remettre tout au point avant de revenir assez rapidement dans de bons concours et essayer de faire progresser mes chevaux. J’espère aller le plus haut possible et sauter le plus de concours de bon niveau. Je n’ai pas établi de programme précis, mais j’espère sauter au moins une ou deux étapes du Global et essayer d’obtenir d’autres sélections. Si je monte bien et que mes chevaux sautent toujours aussi bien, ça viendra. Philippe Guerdat (le sélectionneur national tricolore, ndlr) est très ouvert et il a envie de lancer des gens, donc si on est bon, normalement on est sélectionné.
À long terme, j’essaie de construire une relève, mais c’est très difficile. Nous cherchons des investisseurs prêts à nous aider à construire des chevaux ou à en acheter. J’ai un très bon fils de Marlou âgé de six ans (Uccello de Will, ndlr), qui saute vraiment très bien et en qui je fonde beaucoup d’espoirs. J’ai aussi deux quatre ans qui me semblent très bien, ainsi qu’un sept ans qui vient d’arriver, mais il est très difficile de pouvoir garder les chevaux pour se construire une vraie bonne écurie.
Propos recueillis par Alicia de Bastos