“Burghley n'était pas un plan B mais plutôt un plan A bis”, Camille Lejeune

Dimanche, Camille Lejeune a conclu son tout premier CCI 4* de Burghley à la seizième place. Une sacrée performance sur ce concours unanimement reconnu comme le plus difficile au monde. Cette réussite, il la doit à sa fidèle Tahina des Isles, une attachante alezane de onze ans seulement qui a cette année montré une sacrée classe puisqu’en juin, elle emmenait déjà le cavalier de Rouvres à la quatorzième place du CCI 4* de Luhmühlen. Pour GRANDPRIX-Replay.com, Camille Lejeune est revenu sur son concours britannique, a évoqué sa Tahina et le reste de son piquet de chevaux, ainsi que les Jeux équestres mondiaux de Tryon.  



Un peu déçu par le premier des trois tests, Camille Lejeune a toutefois gardé le cap à Burghley.

Un peu déçu par le premier des trois tests, Camille Lejeune a toutefois gardé le cap à Burghley.

© Nixon/Burghley Horse Trials

GRANDPRIX-Replay.com : On dit que Burghley est le concours le plus dur au monde, maintenant que vous en êtes venu à bout, confirmez-vous ? 
Camille Lejeune : Burghley, c’est gros, même très gros ! Le cross est très technique et demande d’être dans un galop soutenu tout le temps. Les contrats de foulées sont tous faits pour aller en avant. Le parcours nécessitait des chevaux très francs car il mêlait beaucoup de technique, des courbes, des directionnels en tournant, de très gros obstacles. Sur un tel tracé, on est toujours sur le fil et tous les paramètres doivent entrer en ligne de compte. De tous les parcours que j’ai pu monter, c’est celui qui était le plus intense, et à tous les points de vue ; physiquement pour les chevaux et en ce qui concerne les cotes. La conception était un peu spéciale car toutes les difficultés techniques étaient concentrées au début, du n°4 au n°16, ce qui a permis de faire le tri. À la fin, les obstacles étaient massifs et il fallait avoir des chevaux assez frais pour terminer. 
 
GPR. : Vous avez dit être quelque peu déçu de votre dressage, pourquoi ? 
C.L. :  D’habitude, Tahina fait toujours un très bon travail au trot et a tendance à faire descendre la moyenne au galop. Paradoxalement à Burghley, c’est l’inverse qui s’est produit. Nous avons fait une faute de rythme au premier trot allongé, je me suis fait avoir par l’énergie de la jument ce qui a un peu déréglé le travail au trot. Elle s’est par la suite décontractée donc nous avons pu faire grimper les notes au galop. Malgré la petite déception, au bout du compte, même si nous avions eu une moyenne un peu meilleure cela n’aurait pas vraiment changé l’issue. Ma jument est arrivée au concours très affutée, et le rectangle de dressage est assez anxiogène car les tribunes sont très proches. Globalement cela stresse beaucoup de chevaux, et cela s’est vu car les moyennes n’étaient pas exceptionnelles et les reprises plutôt normales. 
 
GPR. : Quelles ont été vos sensations sur le cross et l’hippique ? 
C.L. : Au début du cross, Tahina était un peu timide. Quand on arrive sur les premiers obstacles, ce n’est pas une métaphore de dire que l’on plonge dans la foule (rires) ! Cela l’a un peu surprise, et elle a eu du mal à être en phase avec l’environnement. Finalement, une fois le n°10 franchi elle s’est concentrée uniquement sur les obstacles et a été extraordinaire. 
L’hippique s’est parfaitement déroulé, j’ai eu de la chance que ma femme et Catherine Kitten-Leroy (la vétérinaire de l’équipe de France de concours complet, ndlr) soient là pour s’occuper de ma jument. Elles ont réalisé un super travail avant l’hippique. Tahina est rentrée du cross en forme et elle était dans un état de fraicheur rare ! Le matin, nous avons fait un petit streching, et en dix minutes, je savais qu’elle allait très bien et que je n’aurais donc pas le paramètre fatigue à gérer . À la détente, elle s’articulait bien sur chaque saut, il ne me restait donc qu’à être bien concentré pendant le parcours.


“C’est une chance d’avoir un cheval comme Tahina”

Sur le jumping, Tahina a été exemplaire du début à la fin à Burghley.

Sur le jumping, Tahina a été exemplaire du début à la fin à Burghley.

© Nixon/Burghley Horse Trials

GPR. : Vous étiez déjà quatorzième et meilleur français au CCI 4* de Luhmühlen, quelle saison ! 
C.L. : Effectivement, et Tahina démarre seulement sur ces épreuves ! À Luhmühlen, elle a couru son premier CCI 4* et nous n’avons pas été loin de la vérité. À Burghley, où j’allais moi aussi pour la première fois, nous avons été classés. La jument progresse vraiment bien, je suis très satisfait de sa saison, d’autant plus qu’elle était pour la première fois elle était ma jument de tête, R’du Temps Blinière avec qui j’ai déjà couru Pau et Badminton s’étant blessée. Tahina a repris le flambeau et d’une très bonne manière, et j’espère que cela ne créera pas trop de jalousies avec mon autre jument (rires). C’est une chance pour moi d’avoir un cheval comme Tahina, comme pour mes propriétaires, et d’autant plus pour l’élevage Chiché-Hubert, qui sont les naisseurs et co-propriétaires de la jument. On est arrivé à ce qu’il y a de plus gros comme compétition, c’est donc super de pouvoir vivre cela ensemble.  
 
GPR. : Tahina des Isles vous a mené vers les sommets de votre discipline, quand et comment s’est déroulée votre rencontre ? 
C.L. : Tahina est arrivée dans mes écuries en milieu d’année de six ans. Elle avait fait ses débuts en concours hippique avec le fils des éleveurs, Charles Hubert-Chiché, qui a d’ailleurs remporté la finale du Cycle Classique 4 ans il y a quelques jours. Elle était plutôt délicate et avait beaucoup d’énergie sur les terrains de jumping, donc ils ont décidé de me l’amener pour l’essayer au complet. En quatre concours, elle s’est qualifiée pour la finale de Pompadour, après quoi Virginie Jorissen en a acheté vingt-cinq pourcent. À sept ans, elle a réalisé une saison plutôt bonne, et était première réserviste pour le Mondial du Lion. La saison suivante, elle a eu quelques bons résultats en CCI 2* et en Pro 1. Petit à petit, on en est arrivés là ! 
 
GPR. : Le retour à la compétition de R’du Temps Blinière est-il prévu ? 
C.L. : Absolument ! Elle aurait pu reprendre la compétition cette année, mais mon effectif était relativement fourni donc je n’aurais pas eu suffisamment de temps pour la remettre en route correctement. En tout cas, son retour est prévu pour l’année prochaine ! 


“En France, c’est quand on est au dos du mur qu’on est les meilleurs !”

R'Du Temps Blinière devrait faire son retour à la compétition l'an prochain.

R'Du Temps Blinière devrait faire son retour à la compétition l'an prochain.

© Scoopdyga

GPR. : Les Jeux équestres mondiaux de Tryon ont-ils été un objectif pour vous cette année ?
C.L. :  On en était pas si loin ! J’y avais déjà pensé en fin d’année dernière, je voyais où j’en étais et comment se composait l’équipe de France. J’avais gardé ça dans un coin de ma tête, et quoi qu’il arrive j’avais prévu qu’en 2018, le point culminant de la montée en puissance soit en septembre, que ce soit pour les Jeux équestres mondiaux ou pour Burghley. Au final, ce CCI 4* n’était pas un plan B, mais plutôt un plan A bis (rires) ! 
 
GPR. : Allez-vous suivre les Mondiaux ? Que pensez-vous des chances de médailles de l’équipe de France ? 
C.L. : Je vais bien sûr les suivre, déjà parce que je suis français mais aussi parce que je fais partie de cette équipe nationale. Je suis très solidaire de mes camarades, et je trouve le groupe très fort. Astier (Nicolas ndlr), Thibault (Valette, ndlr), Maxime (Livio, ndlr) et Donatien (Schauly, ndlr) ont de l’expérience. Je pense que ce sera l’équipe, et Sidney (Dufresne, ndlr) qui courra certainement en individuel a un bon cheval (Trésor Mail, ndlr), à l’aise en dressage et en jumping et chevronné sur de beaux terrains de cross. Cela reste un championnat du monde, et on ne sait pas trop ce qu’ils vont trouver sur place. Ils peuvent aussi bien trouver un cross de niveau CCI 4* que de CIC 3*... Sur le papier, nous ne partons pas favoris, mais en France c’est quand on est au dos du mur qu’on est les meilleurs (rires) !
 
GPR. : Pensiez-vous au départ qu’elle vous mènerait si haut ? 
C.L. : Je ne lui ai jamais mis trop de pression, j’ai essayé d’aller à son rythme. Mais dès le départ, je savais qu’elle avait des moyens considérables et une bonne locomotion, notamment son trot de travail qui est très élégant. Son galop était en revanche très difficile à gérer sur le dressage, il m’a fallu du temps pour arriver à la rassembler. Elle avait en tout cas la condition, le sang et les moyens donc la matière première était là, mon job a donc été de tout mettre à bout pour l’emmener au maximum de ses capacités.  
 
GPR. : Quelle sera la suite pour vous cette saison ? 
C.L. : J’emmène un petit wagon de chevaux à Pompadour pour les finales des Jeunes Chevaux puisque j’en ai neuf (rires) ! J’ai notamment une très belle génération de chevaux de six ans, que j’aime beaucoup et que je monde depuis deux ans déjà. J’ai hâte de les présenter à Pompadour ! Je vais également aller aux championnats de France à Lamotte-Beuvron, et si j’ai la chance d’avoir un six ans qui se classe dans les trois premiers des finales, j’irai au Mondial du Lion. Je vais peut-être aller à Rome et Montelibretti, et pourquoi pas conclure ma saison au Pouget. La fin de saison s’annonce donc plutôt belle !