’’Aller aux championnats d’Europe, c’était l’objectif de l’année’’, Karim Laghouag

Champion olympique avec l’équipe de France l’été dernier, membre de l’équipe sur toutes les grosses échéances depuis plus de dix ans, Karim Laghouag a pourtant déjà dû renoncer aux championnats d’Europe de Strzegom, qui auront lieu cet été, après avoir échoué à qualifier Entebbe de Hus. Pourtant, le quadragénaire n’a pas perdu sa motivation et compte bien faire face à ce coup dur par de nouveaux coups d’éclats. Dans ses écuries de Nogent-le-Rotrou, il s’est confié à GrandPrix-Replay sur son piquet, ses ambitions, et son avenir.



GrandPrix-Replay : Quel bilan tirez-vous de cette première moitié de saison ?
Karim Laghouag : Il y a eu une grande joie et de grandes déceptions. D’abord des joies dans le Grand National, où, avec Entebbe de Hus, nous remportons les étapes de Pompadour et du Pin et où nous terminons deuxièmes à Saumur. Après, une grande déception dans le CCI 3* de Saumur. J’avais décidé d’y aller pour requalifier Entebbe sur un format long (la Fédération équestre internationale oblige les chevaux à se qualifier sur un format long l’année de l’échéance, en plus des conditions propres à chaque fédération nationale, ndlr) mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. J’y suis peut-être allé un peu confiant et nous avons finalement fait un mauvais cross (Karim a préféré abandonner, ndlr). Ce que j’ignorais, c’est que c’était notre unique chance de nous qualifier. Je me disais que je pourrais toujours retenter au Pin ou à Blenheim. C’est pour cela qu’Entebbe de ne fait pas partie du Groupe JO/JEM cette saison, il ne peut plus se qualifier pour les championnats d’Europe.
 
GPR. : Pour vous qui avez été pratiquement de toutes les échéances avec l’équipe de France depuis 2006, comment vivez-vous cet échec ?
K. L. : Je trouve cela un peu dur de devoir aller rechercher une qualification quand on est champion olympique en titre. Entebbe et moi nous sommes arrêtés sur le cross à Rio, mais cela a permis à l’équipe de changer de stratégie pour finalement en trouver une qui s’est révélée payante. Maintenant je sais que je n’ai plus le droit à l’erreur.
 
GPR. : Quel va être votre objectif pour la saison maintenant ?
K. L. : Ne pas aller aux championnats d’Europe, c’est vraiment une déception, d’autant plus que j’avais des chances de rentrer avec des médailles. À Pompadour comme au Pin, j’ai gagné avec une plus d’une barre d’avance, preuve que nous avons le niveau. Strzegom, c’était mon seul objectif, je voulais vraiment tout donner pour l’équipe.
Maintenant, je vais me concentrer sur le Grand National, qui va être ma priorité. Je ne l’ai jamais gagné mais cela me ferait plaisir de m’imposer aux côtés de Gwendolen (Fer, avec laquelle il fait équipe pour l’Écurie Antarès-Horsealot.com). Et puis il y a aussi l’Event Rider Masters de Marnes-la-Coquette, mi-juillet. J’ai appris que les tout meilleurs, comme Michael Jung ou Andrew Nicholson seront là et je crois que bien se classer dans un concours comme celui-là peut, en plus de l’aspect sportif, ouvrir des perspectives, notamment à l’étranger, d’où de potentiels propriétaires et partenaires nous regardent.


’’Je sais que je peux toujours compter sur Punch’’

Valériane du Saillan fait partie des recrues prometteuses de Karim Laghouag.

Valériane du Saillan fait partie des recrues prometteuses de Karim Laghouag.

© Scoopdyga

GPR. : Comment va Punch de l’Esques, qui a également très bien couru au Grand National du Pin (il prend la quatrième place, ndlr) ?
K. L. : Punch est très forme. Après, il prend un peu d’âge (il a désormais quatorze ans, ndlr) et je préfère l’épargner et ne pas lui faire courir des épreuves inutilement. Par exemple, à Pompadour, après un mauvais dressage et un mauvais début de cross, j’ai préféré laissé tomber. Après, Punch est d’une incroyable régularité. S’il fait souvent un dressage un peu moyen, il signe toujours un cross et un hippique très bons, où il tire son épingle du jeu. Quand je pars en concours avec lui, je sais qu’il me remboursera toujours l’engagement, le gasoil et le boxe ! C’est un cheval que j’adore et, physiquement, il tient très bien, il n’a jamais eu de blessure alors qu’il a couru toute sa vie. Je sais que je peux toujours compter sur lui, et le staff fédéral aussi si jamais il y avait besoin.
 
GPR. : Vous avez également accueilli de nouvelles recrues, dont Valériane du Saillan, huit ans. Voyez-vous en l’un deux la relève d’Entebbe ?
K. L. : J’ai de bons jeunes chevaux, ce qui me permet d’aborder les Jeux olympiques de Tokyo bien mieux que d’habitude. En attendant Tokyo, je vais me fixer des objectifs intermédiaires, comme par exemple, les Jeux équestres mondiaux de Tryon, l’an prochain. Maintenant, il me manque peut-être un cheval de sept ou huit ans avec déjà un peu d'expérience. J'espère le trouver dans un futur proche.
 
GPR. : Cette année, vous vous êtes également lancé à l’assaut du Grand National de saut d’obstacles, où vous allez jusqu’à sauter les Grands Prix à 1,50m avec Talligor de la Tour. Comment en êtes-vous arrivé là ?
K. L. : Le Grand National de saut d’obstacles, c’est la grande nouveauté de cette année ! J’ai été très bien accueilli par les cavaliers car je ne suis pas vraiment un concurrent redoutable ! Pour le moment, je prends surtout du métier. J’ai envie de bien faire, comme à chaque fois que je fais quelque chose. J’ai d’abord couru à Tour-Pernay, où les choses se sont bien passé puisque nous avons fait quatre points. La semaine dernière, à Montfort-sur-Meu, les choses étaient beaucoup plus corsées : les barres étaient plus grosses et les distances plus courtes. Mais nous sortons à huit points, ce qui n’est pas si mal.
J’ai rencontré Talligor un peu par hasard. Une élève est venue chez moi pour y préparer son diplôme d’État et elle avait ce cheval avec lequel elle ne s’en sortait pas. Je lui en ai trouvé un pour passer son DE et j’ai finalement pris Talligor.


’’Être champion olympique, c’est être le champion de tout un peuple’’

© Scoopdyga

GPR. : Vous voyez-vous en Michel Robert dans quelques années ?
K. L. : Non, je ne crois pas. D’abord parce que Michel Robert est passé de l’autre côté plus jeune que moi. Et puis parce que je ne pense pas avoir ses aptitudes à l’obstacles ! J’aime beaucoup l’obstacles et je travaille assidument, notamment avec Gilbert Doerr. Mais, honnêtement, je ne sais pas jusqu’où Talligor pourra aller. Peut-être qu’un jour je trouverai un crack qui m’emmènera sur les grosses épreuves, alors je le garderai et je verrai ce qu’il se passera. Mais faire du saut d’obstacles m’apporte surtout beaucoup au niveau technique quand je fais du complet. D’ailleurs, j’ai aussi fait du dressage à une époque, mais ça ne plaisait pas beaucoup et je n’avais pas les chevaux pour ça. Aujourd’hui, j’ai un vrai piquet de CSO.
 
GPR. : Depuis les Jeux olympiques et la médaille d’or de l’équipe de France, vous semblez avoir une nouvelle dynamique, notamment au niveau de votre communication. Sentez-vous un nouvel intérêt en-dehors du monde équestre ?
K. L. : Depuis Rio, je me suis organisé au niveau de ma communication, que j’ai voulu élaborée. Je me suis entouré de professionnels et le sport est également devenu business sur le terrain. Cela m’a permis de trouver de nouveaux partenaires, qui m’ont par exemple aidé à m’offrir un nouveau camion. Cela peut paraître accessoire, mais c’est un confort en plus de partir en concours avec vrai beau camion, dans lequel on vit pendant la saison.
J’ai également l’impression que des médias plus généralistes, plus éloignés de notre sport en général, commencent à s’intéresser à nous. C’est comme cela que je me suis retrouvé dans une dépêche de l’Agence France Presse, par exemple ! Cette reconnaissance, c’est important pour nous, pour le sport. Après, si l’on veut la reconnaissance des médias, il faut aussi accepter de jouer le jeu avec eux, ce qui n’est pas le cas de tous les cavaliers. Parfois, je ne suis pas forcément d’humeur mais c’est le jeu, et j’espère que cela servira mon sport. Être champion olympique, ça ne touche pas que son sport, cela va bien au-delà et l’on devient alors le champion de tout un peuple.