'PÉGASE EST LE CHEVAL DE MA VIE', SÉBASTIEN DUPLANT



Pour beaucoup, Sébastien Duplant a été la surprise, voire la révélation du Master Pro de saut d’obstacles de Fontainebleau, qui s’est achevé dimanche à Fontainebleau. Pourtant, sa médaille d’argent en Pro Élite, la catégorie reine, ne doit rien au hasard. Elle vient plutôt couronner une saison particulièrement consistante avec le bien nommé Pégase du Mûrier. Avant de briller sur le Grand Parquet, ce Lyonnais de vingt-cinq ans établi à Aix-en-Provence a en effet remporté la bagatelle de huit épreuves comptant pour le classement mondial des cavaliers, dont les Grands Prix CSI 2* de Cagnes-sur-Mer, Grenoble, Chazey-sur-Ain et Meyreuil, ainsi que le Grand Prix CSI 3* de Vichy. On a vraiment hâte de le voir débuter au plus haut niveau. Espérons que son beau week-end bellifontain lui ouvrira quelques portes.

 

 

GrandPrix-replay.com : Que ressentez-vous avec cette médaille d’argent autour du cou ?


Sébastien Duplant : C'était mes premiers championnats en Pro Élite, je suis donc très heureux avec cette médaille. Mais j'ai quand même un petit regret sur la faute en première manche qui aurait pu être évitée, et qui m'a fait manquer le titre.

 

GPR. : Qu’étiez-vous venu conquérir ici : un titre pour obtenir votre passeport pour les CSI 5*?


S.D. : C’est un peu un rêve, oui ! J’aimerais beaucoup pouvoir accéder à des CSI 5*. Vu le talent du cheval, j’aimerais pouvoir en disputer quelques-uns, même si nous ne gagnons pas. Ça ne dépend pas de moi, alors j’attends mon tour. Philippe Guerdat et Thierry Pomel sont des professionnels qui savent ce qu’ils font. Quand ils envoient quelqu’un, c’est qu’il a sa place ; sinon, c’est que ce n’est pas le moment. Il faut leur faire confiance. Seulement ce serait dommage qu’ils se rendent compte trop tard de ses qualités, une fois la carrière du cheval sur la fin. Philippe Guerdat était là. Je pense qu’il nous a vus, j’espère que ça lui a plu! (rires) Pégase est un cheval démonstratif et atypique, et il est beau. Après, comme tous les chevaux il a ses jours avec et ses jours sans. On ne peut pas gagner ou être sans faute tous les week-ends, surtout à ce niveau-là.

 

GPR. : Vous êtes relativement anonyme au nord de la Loire. Quel a été votre parcours jusqu’ici?


S.D. : J’ai vécu à Lyon jusqu’à quinze ans. J’ai appris à monter à Roanne, puis je suis parti chez Guy Martin (à Saint-Martin-du-Mont près de Bourg-en-Bresse, ndlr) pendant cinq ans. J’ai passé un bac pro et j’ai travaillé directement après.

 

GPR. : Comment avez-vous rencontré les Raynal Gras, joaillers en Provence et propriétaires de tous les chevaux que vous montez?


S.D. : J’étais chez Guy Martin depuis déjà cinq ans et cherchais un poste pour évoluer à cheval vers du plus haut niveau. Jean-François Gourdin (chef de piste rhônalpin, ndlr) m’a proposé ce poste. Les propriétaires avaient de bons chevaux et pas de cavalier pour les monter – ils avaient vécu quelques mauvaises expériences avant. J’ai donc fait un essai qui s’est bien passé et ils m’ont fait confiance. C’est ainsi que cela a commencé, il y a trois ans. Je suis le seul cavalier des écuries, donc je m’occupe des jeunes comme des vieux chevaux. Ces derniers temps, je me suis plus concentré sur les vieux, car j’ai couru beaucoup de CSI avec eux, mais je m’occupe aussi des autres. Les propriétaires possèdent une écurie privée à Aix-en-Provence et élèvent des chevaux hors sol (chez les Levallois au haras de Couvains dans la Manche, ndlr) et les récupèrent à quatre ans.

 

GPR. : La Provence est plutôt excentrée dans la France du cheval. Comment gérez-vous votre programme de concours en fonction de cela?


S.D. : Je me sens très bien à Aix. C’est vrai qu’il y a peu de concours dans le Sud, donc il faut faire de la route. Il y a quand même beaucoup de concours en Rhône-Alpes, à trois à quatre heures de route, c’est encore acceptable. Sinon, je ne monte au-dessus de la Loire que pour les grandes échéances, comme ce Master Pro. L’an passé, j’y avais d’ailleurs participé en Pro 1 avec Pégase (quarante-quatrième, ndlr). Nous étions deuxièmes à l’issue de la première épreuve, puis Pégase s’était arrêté sur la rivière de la deuxième épreuve… Il l’avait pourtant très bien passée quand nous étions venus pour un CSI 2*, fin juin, mais à l’époque, il n’était pas encore très fixe dans sa tête ; aujourd’hui, il a franchi beaucoup de rivières et c’est réglé.

GPR. : C’est une très belle opportunité pour un jeune cavalier comme vous de pouvoir monter un cheval tel que Pégase du Mûrier (Adelfos x Le Tot de Semilly). Comment l’avez-vous trouvé?


S.D. : Il était déjà chez mes propriétaires. Ses cavaliers précédents (Nicolas Belin notamment, ndlr) le montaient sans vraiment parvenir à s’en sortir, car il a un caractère délicat. Il a besoin qu’on le monte toujours dans son sens en allant vers la barre. Il ne faut pas chercher à le reculer, car il se braque très vite. J’ai toujours su qu’il avait la force et le respect nécessaires pour être un vrai bon cheval. Je ne pouvais pas savoir qu’il sauterait cette hauteur, mais il avait déjà le potentiel pour sauter 1,45m à 1,50m sans problème. Je savais qu’il pourrait m’emmener au haut niveau. Pégase est très régulier et il a déjà beaucoup gagné. Je craignais un peu les indoor, notamment Equita’ Lyon, mais il a été aussi fantastique que dehors (vainqueur d’une qualificative et huitième du Grand Prix CSI 2* parallèle à la finale de la Coupe du monde, ndlr). Il a vraiment gagné en maturité, et aujourd’hui il est prêt à tout faire. C’est extraordinaire pour moi. Je pense que c’est le cheval de ma vie. En tout cas, c’est le meilleur cheval que j’ai monté de ma carrière et je crois que c’est l’un des meilleurs du circuit. Avant lui, je n’avais jamais sauté de grosses épreuves, seulement les Pro 2 à 1,35m. Tout s’est donc déclenché il y a trois ans, quand mes propriétaires m’ont fait confiance. Nous avons évolué ensemble. C’est lui qui m’a tout appris. Au début, j’avais un peu peur de commencer avec ce cheval un peu sensible. Finalement, j’ai réussi à monter les premières sans lui faire peur, il a pu s’enclencher, et nous formons un vrai couple.

 

GPR. : Comment le faites-vous travailler au quotidien?


S.D. : Je le fais très peu sauter, et si je saute, c’est uniquement sur de toutes petites barres, jamais plus d’1m. Je le fais beaucoup travailler sur le plat, avec pas mal d’extension d’encolure, le nez par terre, et je le redresse seulement sur les cinq dernières minutes de la séance pour le rasseoir un peu. Il a énormément besoin de décontraction pour se mettre en confiance.

 

GPR. : Est-il à vendre ?


S.D. : Pour l’instant non. Il l’était (l’an passé, il a été essayé par au moins un cavalier de l’équipe de France, ndlr), mais il ne l’est plus. Nous allons laisser passer la saison prochaine pour voir comment les choses se profilent. Si nous parvenons à disputer quelques CSI 5*, nous le garderons. Si nous n’arrivons pas à être sélectionnés et que nous stagnons, nous le vendrons. Le propriétaire est un homme d’affaires qui n’a pas besoin de ça pour vivre, mais comme tout homme d’affaires, il n’aime pas non plus perdre de l’argent. Soit il y a un chiffre d’affaires, soit il y a un peu de prestige. Soit Pégase sera vendu, ce qui rapportera beaucoup d’argent, soit il procurera du prestige en sautant des CSI 5*. Les deux sont possibles.

 

GPR. : Outre Pégase, dans les internationaux, vous montez également Miss d’Aix Z (Montender 2 x Dollar du Mûrier) et Tip Top d’Aix (Norman Pré Noir x Lux Z)…


S.D. : J’ai sept chevaux au travail, qui appartiennent tous à Reynald Gras, dont trois chevaux évoluant à 1,45m. Tip Top est une très bonne sept ans, qui va débuter à 1,50m l’an prochain.

 

GPR. : Avec qui vous entraînez-vous?


S.D. : Je travaille seul. Ce n’est pas forcément une bonne chose, je trouve ça bien d’être entraîné et d’avoir quelqu’un avec qui partager, mais il n’y a personne avec qui je m’entende assez bien ou dont j’aime assez les méthodes pour cela. Je pense qu’il faut travailler avec quelqu’un qui a un peu la même vision que soi pour s’améliorer, car on ne peut pas non plus changer son équitation. On peut toujours améliorer des choses, et je suis le premier à vouloir m’améliorer, mais je n’ai pas encore rencontré la bonne personne.

 

GPR. : Quel va être votre programme pour les mois à venir?


S.D. : Je vais essayer d’aller à Lyon, mais je ne ferai pas énormément de concours indoor. Il a réussi une bonne saison, donc je le laisserai tranquille et lui laisserai une vraie pause cet hiver nous ferons ensuite la tournée des beaux CSI 4*.

 

 

Propos recueillis par Johanna Zilberstein et Sébastien Roullier