« TIRER LES BONNES CONCLUSIONS », LAURENT BOUSQUET
Une huitième place pour l’équipe de France, le meilleur cavalier tricolore, Nicolas Touzaint, à la dix-septième place individuelle : Londres 2012 sonne comme un mauvais cru olympique pour les Bleus du complet. Le point avec le sélectionneur national, Laurent Bousquet.
Quel bilan tirez-vous de cette olympiade qui s’achève sur une huitième place de la France ? LAURENT BOUSQUET : Une huitième place, c’est évidemment décevant. Mais en analysant, en fonction des objectifs que nous nous étions fixés, on voit que la cinquième place était largement à notre portée, et que la blessure d’Ocarina a mis certains de nos plans à terre. Nous ne referons pas l’histoire, mais on aurait pu imaginer occuper une cinquième place par équipe et placer trois cavaliers dans la finale individuelle. Cette blessure n’est évidemment pas la seule raison de cet échec, mais par rapport à ce dont nous disposions hier soir, une blessure n’est pas anodine.
Quelles conséquences peuvent avoir ces résultats ? L.B. : Il faudra une mise à plat, une réflexion, c’est évident. On ne peut pas se dire que tout va bien : la cinquième place était certes à notre portée, mais les quatre autres équipes sont bien meilleures que nous, il faut le reconnaître.
Etiez-vous trop ambitieux en arrivant à Londres ? L.B. : Je me dois d’être ambitieux, c’est ce qui motive les troupes. Quant à savoir si j’ai été trop ambitieux : nous restions tout de même sur une médaille d’argent l’année dernière en championnat d’Europe, ce qui n’était pas rien.
Mais ce championnat d’Europe, qui était loin d’accueillir l’ensemble des meilleures équipes au monde, comme l’Australie, les Etats-Unis, la Nouvelle Zélande, ne nous a-t-il pas induit en erreur ? L.B. : Je ne pense pas. On s’aperçoit que les équipes qui sont devant aujourd’hui sont, pour les meilleures, des équipes européennes, donc des équipes contre lesquelles on a lutté l’an dernier. Néanmoins, je le répète, il y a une réflexion à mener sur l’organisation et la préparation de ces grandes échéances.
Si c’était à refaire, feriez-vous différemment ? L.B. : Concernant la sélection, quand on voit les couples que nous avons laissés en France, je n’ai pas regret, je reprendrais les mêmes. Je pense que là où je dois me remettre en question moi également, c’est en terme d’organisation et de préparation, notamment sur le plat. Sur le cross, je pense que nos chevaux sont au niveau : il y a eu des incidents, mais chez des équipes fortes également, comme l’Australie ou les Etats-Unis. Mais sur le plat, il reste du boulot. Nous avons pris un retard technique ces dernières années avec plusieurs cavaliers et chevaux, et nous courons derrière aujourd’hui. Pour prendre l’exemple d’Aurélien ou de Lionel, il n’y a plus de problèmes techniques, mais ils n’en sont pas encore à chercher les points. C’est un peu comme si dans le saut d’obstacles, ils signaient des sans-faute, mais pas dans le temps. A part Donatien et Nicolas, je pense que nous en sommes, pour le dressage, à faire des sans-faute, sans nous soucier du chronomètre. J’avais fait intervenir un cavalier et entraineur de dressage allemand, Hartwig Burfeind, qui a permis d’améliorer la technique, mais ça a duré six mois : on ne fait pas de miracles en six mois. Mais c’est certain, on ne restera pas comme ça !
Que voulez-vous dire ? L.B. : Je ne me lancerai pas dans des affirmations à chaud, nous avons tous besoin de temps pour murir ces résultats. Mais par exemple, parmi les pistes de réflexion, on peut se demander s’il est judicieux de maintenir dans le même système le très haut niveau et le niveau qui arrive ensuite. Ne faut-il pas séparer les choses ? Je n’ai pas encore de réponse, mais c’est une piste.
Des choses à faire également dans le réservoir de bonnes montures ? L.B. : Je ne pense pas que le réservoir de chevaux allemands soit bien supérieur au nôtre. Et nous avons aussi des bons chevaux en France, au-delà des cinq présents à Londres. Bien des chevaux français, placés sous la selle d’Allemands, arriveraient à des résultats olympiques. Les bons chevaux allemands arrivent plus régulièrement sous la selle de bons cavaliers allemands, ce qui n’est pas toujours le cas en France. Sur les terrains de concours français, on croise très souvent de bons chevaux, mais qui ne sont pas sous la selle des bons cavaliers et qu’on n’arrivera donc jamais à emmener jusqu’au niveau olympique. Ce n’est là encore qu’une piste.
Est-on alors à un tournant ? L.B. : Peut-être. Mais surtout, ne nous auto-flagellons pas : d’autres équipes, comme l’Australie ou les Etats-Unis, ne sont pas à la place que nous imaginions tous pour elles. Il ne s’agit pas non plus de dire « On a manqué de chance », ce qui ne ferait rien avancer, mais de rebondir. Les Allemands, il y a quelques années, ont également eu un creux, à Sydney, à Atlanta, puis sont sortis à l’étranger alors qu’ils restaient entre eux à cette période. Nos cavaliers français doivent donc continuer à sortir à l’étranger. Mais il faut du temps.
A Greenwich Park, Londres, Daniel Koroloff