« ITOT A ÉTÉ LE CHEVAL DE MA VIE », EDWINA TOPS-ALEXANDER
Après avoir sillonné la planète et remporté de nombreuses épreuves avec son fils de Le Tot de Semilly, Itot du Château, le temps est venu pour Edwina Tops-Alexander d’offrir une retraite bien méritée à son protégé. La femme du célèbre marchand de chevaux, entraîneur du Qatar et directeur du Global Champions Tour, Jan Tops, doit désormais aller de l’avant avec ses autres chevaux tels qu’Ego Van Orti et Old Chap Tame, ancienne monture d’Eugénie Angot. À la veille des adieux à la compétition de son champion, la cavalière australienne a accepté, entre deux épreuves du Paris Eiffel Jumping, de revenir un moment sur sa carrière avec son petit alezan, surnommé Toti.
Grand Prix-Replay : Où avez vous rencontré Itot pour la première fois ?
Edwina Tops-Alexander : Je l’ai vu de nombreuses fois avec Michel Hécart mais je ne me rappelle pas exactement de la première fois où je l’ai rencontré. Il me plaisait déjà énormément alors je suivais la plupart de ses parcours et puis, à la fin de l’année 2007, Jan l’a finalement acheté et me l’a offert comme cadeau.
GP-R : Comment s’est déroulée la première fois où vous l’avez monté ?
E.T-A. : Je ne l’avais pas essayé avant de l’acheter. Lorsque je suis rentrée d’Australie, je suis allée le voir et j’ai été choquée parce que je n’avais vraiment pas réalisé à quel point il était petit ! Je n’arrivais pas à y croire ! Lorsque je marchais dans l’écurie je n’en revenais pas ! Mais j’étais très excitée de le monter et lorsque je me suis mise dessus et que nous avons sauté, tout a été normal, comme si je le connaissais depuis longtemps.
GP-R : Vous rappelez-vous de votre premier concours ? Comment cela s’était-il passé ?
E.T-A. : Oui parfaitement. Jan n’était pas là, j’étais à la fois excitée et anxieuse. J’ai pris le départ du Grand Prix de ce petit concours international et j’ai poussé une barre au sol. Dans une ligne, à la reconnaissance, j’avais marché sept foulées en avançant, et une fois à cheval j’ai sauté l’entrée puis j’ai demandé pour avoir mes sept foulées mais c’était impossible. Je me suis retrouvée trop loin de l’oxer et j’ai fauté. En sortant de piste j’ai appelé Jan pour lui dire que j’avais vraiment essayé mais que le cheval n’avait pas réussi à réaliser ses sept foulées. Inquiète, je suis allée regarder ma vidéo et je me suis aperçu qu’en fait je n’avais fait que six foulées ! Mais je ne me rendais pas compte à quel point il avait de l’amplitude pour un si petit cheval. J’ai alors réalisé qu’il serait capable de tout faire.
GP-R : Quelle victoire a été pour vous la plus belle ?
E.T-A. : Ma victoire à Valkenswaard, lors du Global Champions Tour en 2009, a été pour moi une des plus belles. Nous concourions contre les meilleurs chevaux de la planète tels qu’Hickstead ou Shutterfly par exemple. Tous les cavaliers allaient très vite au barrage alors remporter ce Grand Prix a été extraordinaire. Mes deux victoires successives à Cannes en 2010 et en 2011 ont été fantastiques, et puis il y a également celle de Chantilly… En fait, elles ont toutes été belles !
GP-R : À l’inverse, quelle a été votre pire défaite ?
E.T-A. : Probablement les Jeux olympiques de Londres en 2012. J’ai été pénalisé de quatre points lors de la première manche de la finale. J’avais eu un accident avec un autre cheval quelques mois auparavant et ma tête avait eu un gros choc alors j’avais une douleur qui venait puis repartait de temps et temps et, ce jour-là cette gêne était présente. J’ai fauté sur un obstacle qui était visuellement particulier. Je ne l’ai vraiment pas bien vu alors j’ai poussé Itot vers l’obstacle, ce que je n’aurais pas dû faire. J’étais vraiment déçue parce qu’il était un des grands favoris et qu’il était au mieux de sa forme. Nous n’avons terminé que vingtième alors que nous avions une réelle chance et qu’il le méritait vraiment. Ce n’était pas de sa faute, rien n’est jamais de sa faute de toute manière !
GP-R : Quelle est la conclusion que vous tirez sur toute votre carrière ensemble ?
E.T-A. : Toti a été le cheval de ma vie, celui que l’on ne rencontre qu’une seule fois et que tout le monde rêve d’avoir. Il est unique en son genre. C’est vraiment un cheval spécial qui a toujours tout donné. À chaque fois que nous allions en concours, et ce jusqu’à la fin, il y avait beaucoup d’attente parce qu’il a énormément gagné. Au départ, beaucoup de gens ont été étonnés que nous achetions ce cheval. Ils avaient alors toujours pensé que c’était un bon cheval mais pas de cette trempe là. Personne ne pouvait imaginer qu’il ferait tout cela. Je pense surtout que nous nous étions trouvé. Nous étions la combinaison parfaite et je crois vraiment que c’est la raison pour laquelle nous avons tant réussi tous les deux comme par exemple Hickstead a pu le faire avec Eric Lamaze ou encore Milton et John Whitaker et Jan avec Top Gun. Il y a sur la planète pleins de très bons chevaux et de très bons cavaliers mais peut être qu’ils ne se rencontreront jamais et n’auront pas l’occasion de révéler leur talent commun. J’ai eu de la chance parce que Jan est très fort quand il s’agit de trouver des chevaux adaptés à la monte d’un cavalier et cela a permis de m’entendre tout de suite très bien avec Itot. Aujourd’hui, avec les chevaux dont je dispose, je suis obligée de m’adapter à chacun d’entre eux. L’expérience que j’ai engrangée avec Itot m’a permis d’être aujourd’hui capable de monter ces chevaux, de créer l’harmonie plus rapidement.
GP-R : Qu’est ce que cela fait de monter un des favoris du public ?
E.T-A. : C’était génial parce que je pense que le public aimait profondément Itot, sa façon d’être et de faire. Il aimait aussi vraiment le public. Aux écuries il était paresseux alors qu’en entrant en piste, en entendant le bruit du public, il se mettait à faire le fier et voulait alors donner le meilleur de lui ! Il faisait souvent le beau !
GP-R : Comment vous sentez-vous aujourd’hui, à la veille des adieux à la compétition de votre champion ?
E.T-A. : Je savais depuis longtemps qu’il devrait prendre sa retraite. J’aurai peut-être dû organiser cette cérémonie d’adieux un peu plus tôt mais je voulais réellement attendre cet événement particulier (le Paris Eiffel Jumping). Je souhaitais qu’il prenne son dernier bain de foule en France, son pays natal, et que le public français puisse lui dire au revoir. En plus, Michel est également présent ce week-end. Toute chose a une fin, il faut avancer. Je m’y prépare depuis un moment déjà. Évidemment, j’aurais aimé pouvoir continuer un peu plus longtemps mais il a donné le meilleur de lui et je ne veux pas le mettre dans une situation difficile. Il n’y a pas de secret avec ce cheval, quand physiquement il est en forme alors il peut tout réaliser. Aujourd’hui, je vais bien, c’est un chapitre que je ferme et dont je ne garderais que des magnifiques souvenirs.
GP-R : Comment va se passer sa retraite ?
E.T-A. : Il restera chez moi, dans le même box, le même paddock et avec les mêmes grooms que d’habitude. Nous allons devoir nous en occuper comme d’un roi et encore plus qu’avant parce que je suis sûre que lui aussi aurait aimé continuer un peu plus. Mais je pense qu’il sait que le temps est venu pour lui de se reposer.
GP-R : Est-ce que vous pensez qu’Old Chap Tame pourra devenir un tel cheval ?
E.T-A. : Pour être honnête, Chappie (surnom que la cavalière donne à son fils de Carthago) progresse constamment. Il est actuellement dans sa meilleure forme. Nous apprenons à nous connaître d’autant plus que c’est un cheval sensible. Il faut que j’arrive à le monter avec un peu de pression tout en restant calme et posée. Il a déjà énormément progressé depuis le peu de temps que nous l’avons. Cela prend du temps, c’est complètement différent de Itot avec lequel, au bout de huit mois, nous sommes allés aux Jeux olympiques de Hong Kong et nous avons réalisé l’un des rares doubles sans-faute. Nous allons juste continuer à avancer, il reste encore beaucoup de réglages à faire. J’aimerais réussir à ce qu’il ne marque plus ce temps d’arrêt qu’il a parfois dans la frappe mais j’ai un très bon sentiment avec lui.
GP-R : Irez-vous aux Jeux équestres mondiaux FEI Alltech 2014 en Normandie avec lui ?
E.T-A. : Je ne sais pas mais pour l’instant mon plan est plutôt de m’y rendre avec Ego Van Orti qui est pour moi un véritable cheval de championnat, non pas qu’Old Chap Tame ne le soit pas. Je connais bien mieux Ego et il s’améliore de parcours en parcours car il a énormément de sang. Je pense que concentrer Chappie sur les autres concours et Ego sur les Jeux est le bon programme.
GP-R : Avez-vous des regrets sur votre carrière avec Itot ?
E.T-A. : Non… je ne crois pas. Probablement ne pas l’avoir eu plus jeune ! Mais non, aucun regret… J’aurais vraiment aimé pouvoir faire plus avec lui mais ce n’aurait pas été le respecter.
Propos recueillis par Marie de Pellegars-Malhortie