'NOUS VOULONS FAIRE DU CHAMPS DE MARS UN LIEU D?EXPLOITS', VIRGINIE COUPÉRIE-EIFFEL



À seulement quelques jours du lancement de la première édition du Paris Eiffel-Jumping, Virginie Coupérie-Eiffel, présidente de l’événement, a accepté de revenir sur les motivations qui l’ont poussée à se lancer dans l’organisation de ce concours. Un dossier sera consacré aux CSI 5* de Paris dans l'iGP du mois de juillet.

GrandPrix-replay.com : Comment se prépare le Paris Eiffel Jumping ?

Virginie Coupérie-Eiffel : Tout se passe bien mais il y a énormément de travail, surtout lorsqu’il s’agit d’organiser une première édition. Toute mon équipe est investie à plus de 100%. J’ai la chance d’avoir ma sœur (Coco Coupérie-Eiffel ndlr) à mes côtés. Je suis quelqu’un de très fidèle, j’aime donc avoir de petites équipes composées de gens que je connais bien. Ma sœur, avec Christophe Bonnat, est chargée de l’hospitalité. Il s’agit pour nous de mettre la France à l’honneur ainsi que l’art de vivre, de recevoir et la culture française. Le chef Alain Ducasse, qui tient le restaurant de la Tour Eiffel, nous fait l’honneur de s’associer à notre événement. C’est d’ailleurs la première fois qu’il offre son soutien à une manifestation sportive. Organiser un concours sur le Champ-de-Mars me permet aussi de faire un clin d’œil à mon arrière arrière arrière grand-père, Gustave Eiffel.

GPR. : Au départ, vous portiez le projet en compagnie de Jan Tops. J’ai ensuite entendu dire que ASO (Amaury Sport Organisation) vous avez rejoint.

V.C-E. : Je me suis tout de suite dit que j’avais besoin d’une force opérationnelle très importante. Aussi, je me suis tournée vers ASO. Malheureusement, mon concours étant prévu en même temps que le Tour de France, ils m’ont répondu qu’ils ne pourraient pas mettre en place une nouvelle équipe d’organisation. J’ai alors discuté avec Jan car ses concours sont parmi les plus prestigieux au monde. Le premier pas pour moi a été d’obtenir l’autorisation de la Mairie de Paris. Cela m’a pris deux ans de conversation et de négociations. Au fur et à mesure, des liens de confiance se sont créés.  Jan a voulu me rejoindre dans l’organisation du concours. Ce sera donc la septième étape du Longines Global Champions Tour, qui aura une identité très forte puisque, pour remercier la ville de me laisser organiser le concours, j’ai décidé de soutenir et promouvoir Paris. C’est pour cela que le concours s’appelle le Paris Eiffel Jumping. Il sera présenté par Gucci. Avoir un sponsor de cette taille était essentiel pour pouvoir organiser un événement qui tienne la route, surtout dans un lieu tel que le Champ-de-Mars, qui demande plus de moyens de construction. Nous devons respecter l’espace et le parc, les habitants et les riverains. Les contraintes sont nombreuses et nous avons à cœur de remplir parfaitement le cahier des charges.

GPR. : Il y a déjà eu plusieurs concours sur le Champ-de-Mars au cours des années 90. Ces événements vous ont laissé de grands souvenirs est-ce cela qui vous a encouragée à organiser votre événement ?

V.C-E. : Il y a eu quatre éditions. La première année c’était l’hommage à Jappeloup. Tout s’était déroulé au cœur de Paris, face à la Tour Eiffel. J’ai un lien personnel avec l’endroit que je veux rendre universel. J’ai envie de lier l’héritage de mes deux parents. C’est cela qui me pousse à persévérer dans l’organisation de cet événement, car, comme tout le monde j’ai besoin d’avoir une certaine motivation. J’ai envie de placer mon concours au cœur de la ville et de l’ouvrir à tout le monde. J’ai été élevée comme ça, la porte de la maison et celle de l’écurie étaient toujours ouvertes. J’aime créer des liens sociaux et culturels. Nous en avons tous besoin. Nous vivons dans un monde qui se fracture et je pense que le cheval a un grand rôle à y jouer. Il a le pouvoir d’unir les gens, de les porter vers le meilleur, vers l’écoute, le respect et l’humilité. Il y a des valeurs qu’il est important de partager. L’équitation n’est pas qu’un sport aristocratique. Il est accessible à tout le monde et j’estime qu’il peut faire du bien à tout le monde. D’ailleurs, l’équithérapie se développe de plus en plus. C’est important pour moi de réintroduire le cheval au cœur de la ville pour tout ce qu’il a de bon à lui apporter. Le concours de Villepinte est super, mais c’est autre chose. C’est bien que chaque événement ait sa propre identité. Cela crée plus d’engouement et attire plus de monde.

GPR. : Le Saut Hermès a des contraintes logistiques fortes, notamment l’hébergement des chevaux, qui étaient sujettes à de nombreux questionnements à ses débuts. Le fait que ce concours soit installé depuis cinq ans maintenant au Grand Palais, non loin du Champ-de-Mars, a-t-il encouragé la ville de Paris à vous faire confiance ? 

V.C-E. : Bien sûr. L’équipe du Saut Hermès a accompli un travail fantastique depuis le début. Elle a su prouver qu’il était possible d’amener les chevaux au cœur de la capitale et de gérer toute la logistique qui les accompagne. J’espère que j’entraînerai d’autres manifestations dans mon sillage. Tous les événements et tous les organisateurs se nourrissent les uns les autres. Nous avons tous le même projet, celui de faire de notre sport un sport populaire et de lui offrir une plus grande visibilité dans les médias. Notre sport a les moyens de devenir un très grand sport.

GPR. : Est-ce que c’est la ville de Paris qui vous a encouragé à la gratuité ?

V.C-E. : J’ai fait ce choix en accord avec la Mairie de Paris, mais j’en avais eu l’idée avant les négociations. Les spectateurs ont pu se procurer des places avec de la détermination plutôt qu’avec de l’argent. Les gens ont mis leurs réveils pour pouvoir réserver leurs places. J’aime l’idée selon laquelle tout est possible. Tout n’est pas question d’argent. Si on n’y arrive pas la première fois, ce n’est pas grave, ce sera pour la prochaine fois.

GPR. : La gratuité pourrait être perçue comme un acte publicitaire servant à mettre la machine en route et pousser à penser que la seconde édition sera payante.

V.C-E. : Je n’ai pas envisagé la gratuité sous cet angle. Si j’arrive à offrir ce spectacle aux gens grâce aux sponsors, je n’ai pas l’intention de le faire payer. L’idée n’est pas de gagner de l’argent. Bien sûr, si j’en gagne j’en serais ravie, d’autant plus que je ne souhaite pas mettre ma vie et ma maison en danger. Je ne peux pas organiser seule cet événement. S’il y a des pertes, il faut que quelqu’un paie, c’est-à-dire Jan et moi-même. Je suis très attentive au budget de l’événement malgré mes idées de grandeur. C’est une première édition et s’il s’avère que quelque chose vient à manquer, nous repenserons le budget de l’édition suivante.

GPR. : Vous confirmez qu’il y a de la place pour trois grands événements équestres dans le paysage économique et médiatique parisien ?

V.C-E. : Je le pense sincèrement. La preuve en est avec la réponse du public à l’ouverture des billetteries de chacun des concours. Le Gucci Paris Masters est toujours complet avant de débuter. Il est presque impossible de se procurer des places pour le Saut Hermès. J’estime que le nombre d’événements n’est pas un problème tant qu’ils sont de qualité et qu’ils procurent de la joie aux gens qui s'y rendent.

GPR. : Parlons de vos sponsors. Le vendredi sera une journée Qatar ?

V.C-E. : C’est exact. Cela s’est fait par l’intermédiaire de Jan. La chaîne beIN Sports était très intéressée. Ses responsables admirent la Tour Eiffel, c’est leur monument favori. D’ailleurs la Tour Eiffel est une force, elle attire des personnes qui ne se seraient jamais déplacées sur un événement équestre. La Financière de l’échiquier va sponsoriser un concours pour la première fois. Le Qatar sera heureux d’être présent à Paris. Si tout se passe bien, peut-être qu’ils auront envie d’aller à Chantilly ou à Cannes l’an prochain. Si les différents événements présentés sont de qualité, nous pouvons drainer de nouveaux sponsors qui investiront plusieurs concours. Nous voulons pérenniser nos sponsors et les conduire sur l’ensemble du circuit.

GPR. : Quelles seront les caractéristiques du Paris Eiffel Jumping ? 

V.C-E. : Le concours mélangera art, culture et gastronomie. Nous souhaitons mettre à l’honneur le savoir-faire français dans le village. Il y aura une librairie et plusieurs expositions. L’affiche a été réalisée par Robert Combas. De plus, nous voulons faire du Champ-de-Mars un lieu d’exploits. Le vendredi aura lieu une épreuve de six barres et je souhaite que celle-ci donne la mesure de l’événement.

GPR. : Le fait d’être hôte des adieux d’Itôt du Château est une chance pour la première édition du Paris Eiffel Jumping. 

V.C-E. : C’est certain. C’est fantastique, Itôt fera ses adieux à Paris, devant son public et devant son ancien cavalier, Michel Hécart. Cela fera office de cérémonie de clôture. Je suis sûre que l’émotion sera plus que palpable. J’espère offrir un bel adieu à ce petit cheval hors du commun, aux pieds de la Tour Eiffel. La singularité sera récompensée à travers Itôt. Il est tout petit, il a percuté un camion lorsqu’il était très jeune, c’est un miraculé. Il a su faire preuve de détermination, comme Gustave Eiffel, à qui l’on pense lorsqu’on contemple son œuvre et à qui l’on disait que c’était impossible.

GPR. : Auriez-vous essayé d’organiser ce concours sans Gucci ?

V.C-E. : Oui. Il était évident que Gucci avait ma préférence, mais même sans eux je me serais lancée dans l’organisation du Paris Eiffel Jumping notamment parce que j’avais obtenu l’autorisation de la ville de Paris. J’aurais trouvé d’autres marques, d’autres sponsors.

GPR. : Hermès a son propre événement. Le PPR Luxury Group, à travers Gucci, en a deux. C’est étonnement que LVMH n’ait pas le sien ?

V.C-E. : Je suppose qu’ils y réfléchissent.

GPR. : Les CSI 5* se multiplient partout dans le monde. C’est un signe de bonne santé pour le haut niveau, mais est-ce qu’on n’a pas atteint un palier ? La Fédération équestre internationale (FEI) réfléchit d’ailleurs à changer l’échelle des étoiles sur la base d’une notation de l’accueil des cavaliers et des chevaux, des retombées économiques des concours, du nombre de spectateurs présents, etc. Vous pensez que c’est une bonne chose ? 

V.C-E. : La FEI souhaite proposer une charte de qualité mieux définie. Je trouve qu’un système d’évaluation serait le bienvenu. Un concours 5* doit répondre à certains critères et doit être prestigieux, comme le sport qu’il reçoit. Nous vivons dans un monde basé sur l’argent et nous nous y perdons. La valeur argent ne fait pas tout, il y en a d’autres à respecter. Ce serait certes hautain de dire qu’elle n’est rien quand on n’a pas de problèmes d’argent et qu’on ne sait pas ce que c’est d’en manquer. L’argent sans ajout de culture et de savoir faire ne sert à rien. L’argent permet de réunir de grandes personnes, de beaux monuments et créer de grands événements.

Propos recueillis par Sébastien Roullier