« MAINTENANT, NOUS ALLONS BÂTIR UNE ÉQUIPE! », PHILIPPE ROZIER
Depuis un peu moins d’un an, [Philippe Rozier] est l’entraîneur national de l’équipe marocaine. Après une période d’observation, au cours de laquelle il a notamment emmené toute l’équipe au Sunshine Tour de Jerez de la Frontera, un rendez-vous important l’attendait au Maroc, sous les yeux de Sa majesté le Roi Mohamed VI et les responsables de la fédération royale : le Morocco Royal Tour, qui s’est achevé dimanche soir à El Jadida. Contacté par GrandPrix-Replay.com, il tire un bilan très positif de ces trois semaines de concours et revient sur ses débuts en tant qu’entraîneur.
GrandPrix-Replay.com : Comment jugez-vous le parcours des cavaliers marocains lors du Morocco Royal Tour (MRT) ?
Philippe Rozier : Je suis ravi et vraiment très content. Je me suis mis au travail il y a huit mois. À partir du mois de février, nous sommes partis au Sunshine Tour, puis nous avons enchaîné les concours avec vingt-cinq cavaliers. Nous avons obtenu des classements tous les week-ends. Et nous avons terminé la saison au MRT avec plus de cent classements, alors que l’année dernière, les Marocains n’en avaient obtenu qu’une douzaine. Nous avons donc multiplié par dix les classements, avec en prime cinq victoires d’[Abdelkebir Ouaddar] alors qu’aucun Marocain n’avait jamais gagné d’épreuve sur ce circuit.
GPR. : Comment jugez-vous le parcours d’Abdelkebir Ouaddar ?
P.R. : Ça se passe plutôt bien. Il a la chance d’avoir un super cheval, [Quickly de Kreisker], qui est, à mon avis l’un des dix meilleurs chevaux au monde. J’ai suivi son évolution toute l’année. Il est tombé sur une perle et il le monte vraiment bien. Il est coaché par mon père, Marcel, qui le suit de très près. La machine est en route, le but est que le couple dure le plus longtemps possible et remporte un maximum de victoires.
GPR. : Que représentait le MRT pour vous ?
P.R. : Nous voulions terminer avec de bons résultats car sa Majesté, le Roi Mohammed VI, et le président de la fédération, Moulay Abdallah El Alaoui, nous suivent de très près. Pour moi, il était important de montrer les résultats de huit mois de travail. J’ai des comptes à rendre, je dois montrer de quoi je suis capable avec toute l’équipe. Ç’a été un sans-faute parfait pour tout le monde. Ce projet est vraiment jeune. Beaucoup d’infrastructures ont été bâties. La fédération consent pas mal d’efforts. Nous nous devons d’être au niveau des espérances du pays.
GPR. : Comment avez-vous procédé durant ces huit premiers mois ?
P.R. : J’ai d’abord voulu former des pilotes. J’ai dit au président de la fédération : "Avant d’acheter et de ramener de très bons chevaux au Maroc, il faut d’abord des pilotes, sinon on risque de sacrifier de bons chevaux inutilement. Il faut que les cavaliers fassent leur classe et que je voie qui sont les meilleurs, et qui ont le plus de sang froid pour pouvoir appréhender les hautes compétitions." C’est vraiment sur ces points-là que je me suis concentré le plus durant ces huit mois. Mon but est de fabriquer des pilotes. À partir de cet hiver, nous allons bâtir une équipe.
GPR. : Espérez-vous qualifier d’autres cavaliers pour les Jeux équestres mondiaux ?
P.R. : Oui, c’est l’objectif. De nouveaux chevaux ont été achetés en ce sens et nous allons maintenant essayer de resserrer l’équipe autour des meilleurs cavaliers. Je me suis étendu sur tous les cavaliers marocains pendant huit mois. J’ai organisé des stages avec soixante chevaux par jour. Il y avait beaucoup de travail, mais il était nécessaire que je voie tout le potentiel des chevaux et des cavaliers. Maintenant, je vais essayer de construire une équipe avec pour objectif les Jeux mondiaux, puis les Jeux panarabes et tout ce qui peut concerner le Maroc sur le plan mondial.
GPR. : Quelle est votre stratégie pour faire progresser durablement l’équitation marocaine ?
P.R. : Je souhaite faire bénéficier le Maroc de mon savoir-faire et de mes trente ans de carrière à haut niveau et en équipe de France. J’essaye d’apporter le maximum aux cavaliers marocains. Mon objectif est aussi de détecter des jeunes talents. Il ne faut pas oublier que Kebir à cinquante-deux ans. J’ai donc besoin de m’occuper aussi des jeunes. Même si je ne sais pas combien de temps je resterai entraîneur de l’équipe marocaine, mon objectif ne peut se réaliser que dans la durée. Si je dois passer le flambeau à quelqu’un, un jour, je souhaite le faire sur des bases solides.
GPR. : Vous reste-t-il assez de temps pour monter à cheval ?
P.R. : Oui, mon contrat avec le Maroc est un mi-temps. Cela me permet de conjuguer ma carrière sportive avec mon rôle d’entraîneur. Le fait que je n’aie pas de cheval pour concourir à très haut niveau est peut-être une chance pour le Maroc. Je prépare des jeunes chevaux, j’en ai de très bons. J’espère toujours pouvoir revenir en équipe de France et remporter des médailles, mais je n’ai pas de cheval pour l’envisager. En attendant, j’en fabrique!
GPR. : Quel va être votre programme cet hiver ?
P.R. : Kebir va participer aux CSI 5* de Lyon et Villepinte et va essayer de s’engager dans un Global Champions Tour ou une étape de Coupe du monde entre les deux. Nous n’allons pas trop nous tourner vers la Coupe du monde, car nous avons vraiment en ligne de mire les Jeux équestres mondiaux. Quickly n’a que neuf ans, il faut lever le pied cet hiver. Derrière lui, j’essaye d’amener quelques cavaliers pour suivre le mouvement et prendre de l’expérience, et pour qu’il ne soit pas tout seul en Europe. De mon côté, je vais aussi essayer de concourir à Lyon et Villepinte. J’ai quelques chevaux qui vont bien. Je ne lâche pas l’affaire, c’est clair ! Comme les concours avec Kebir se passent très bien, j’en profite !
Propos reccueillis par Daphné Godfroy