Ce sera Philippe Guerdat. Le suspense a enfin pris fin ce matin. Après tant d’allers et retours, de plans A et de plans B et de tergiversations de toutes sortes, la Fédération française d’équitation a enfin fait son choix. Bien que cela ne soit pas encore officiel – les responsables de la FFE sont réunis aujourd’hui en comité fédéral – l’information est implicitement confirmée par la Fédération belge, qui annonce la démission de son chef d’équipe. Elle est aussi confirmée par l'intéressé, ravi de relever ce qu'il considère comme le plus grand challenge de sa carrière.
Alors qu’il avait précédemment annoncé sa prolongation de contrat avec l’équipe belge, Philippe Guerdat a finalement accepté l’offre de la France. Après sept mois de débats, de consultations et d’interminables négociations, la Fédération française d’équitation a donc choisi un Suisse pour prendre les rênes de l’équipe de saut d’obstacles français et succéder ainsi au Néerlandais Henk Nooren. Ce dernier pourrait toutefois rester prestataire de la FFE en tant qu’entraîneur. Tout cela reste à confirmer officiellement par Serge Lecomte et la direction technique nationale. Henk Nooren indique ce matin qu'il prendra "une décision sur ce que je vais faire de ma vie professionnelle pour les prochaines années à la fin de la semaine". Il pourrait reprendre la tête de la Suède. L'officialisation de l'arrivée de Philippe Guerdat devrait intervenir ce soir, à l'issue du comité fédéral de la FFE.
Le père de [Steve Guerdat] a en tout cas démissionné de son poste de chef de l’équipe belge, comme l’annonce la Fédération royale belge des sports équestres (FRBSE), ce matin sur son site. Avec le pays voisin, il avait notamment obtenu la médaille de bronze par équipes et contribué au titre de champion du monde de [Philippe Le Jeune] et Vigo d’Arsouilles lors des Jeux équestres mondiaux de Lexington, en 2010, qualifiant les Belges aux Jeux olympiques de Londres. Il avait également porté ses hommes sur la plus haute marche du podium lors de la Coupe des nations de La Baule, l’an passé.
"Philippe Guerdat a décidé de rompre son contrat avec la Fédération Belge malgré la promesse de conduire l’équipe jusqu’aux championnats du monde, à Caen en 2014. L’appel d’un nouveau challenge a été le plus fort. Il a décidé de rejoindre la Fédération Française. Souhaitons-lui bonne chance dans ses nouveaux objectifs en espérant qu’il ne regrettera pas l’amitié et la confiance que lui portait l’entièreté des cavaliers internationaux belges", déclare Eugène Mathy, président de la commission d’obstacle de la FRBSE, qui cherche désormais activement un nouveau chef d’équipe. "Nous ne pouvions pas nous alligner sur le salaire proposé par la France, ni sur la qualité de l'équipe qu'il aura sous ses ordes ", avoue-t-il sur le site belge lequimag.be.
"C’est une sorte d’aboutissement", Philippe Guerdat
Philippe Guerdat vient de s’exprimer sur le site studforlife.com. Il a expliqué son choix avec beaucoup d’honnêteté. "En Belgique, j’ai passé trois saisons formidables, comme les gens ne peuvent pas s’imaginer. Aujourd’hui, il me reste un challenge, c’est entraîner la France, une des plus grandes équipes au monde. C’est le challenge qui me passionne. Pour quelqu’un qui fait ça depuis douze ans, c’est une sorte d’aboutissement. Ma décision n’a pas du tout été dirigée par mes problèmes avec Ludo Philippaerts. C’est un crève-cœur pour moi de quitter mes amis car ce sont mes amis. Je suis quelqu’un d’émotif et j’ai passé la nuit à réfléchir sans dormir. J’ai l’impression quelque part de trahir, même si le mot est un peu fort, alors je veux vraiment aider à trouver le successeur que la Belgique mérite. (…) Je n’ai pas été contacté la semaine dernière par les Français mais je voulais réfléchir à tête reposée. Cela fait déjà un moment que j’ai été approché. Je ne voulais pas vraiment mais c’est un challenge dans ma vie professionnelle et je vois ça comme une promotion, sans dénigrer tout ce que j’ai pu faire. J’aurais préféré quitter la Belgique sur une médaille aux Jeux Olympiques mais ici, c’est une des meilleures équipes au monde. Il y a un gros potentiel et, dans la vie, je pense qu’on peut avoir des ambitions comme ça."
Naturellement, il ne s’avance pas trop sur le projet qu’il va mettre en place en France. "Il est possible qu’il y ait des changements mais je veux d’abord parler de mon projet sportif avec les cavaliers. Après, on verra. Avec moi, tout le monde a sa chance, ce ne sont pas toujours les trois ou quatre mêmes. Dix-sept cavaliers ont participé à la Top League l’an passé, ce n’est pas moi qui l’ai inventé. Honnêtement, je n’ai pas encore d’idée de comment ça va se passer, ni de comment les cavaliers vont réagir. Il y aura une conférence de presse en fin de semaine où nous expliquerons notre projet sportif."
"C’est une bonne nouvelle pour la France", Michel Robert
Côté français, [Michel Robert] a été l’un des premiers à réagir à cette nouvelle, ce matin. "Je suis très content. J’ai poussé en ce sens depuis six mois. A Verbier, quinze jours après les Jeux olympiques, je lui avais demandé s’il était intéressé par le poste. Il m’avait répondu : "Je ne crois pas que je puisse quitter les Belges maintenant. Mais bien sûr que ça m’intéresserait beaucoup." Comme on le sentait très lié à la Belgique, on avait ensuite poursuivi d’autres pistes comme Henri Prudent, avec qui cela n’a pas pu se concrétiser. Dans toutes les réunions avec les cavaliers, je citais Philippe en exemple. Il a quinze ans d’expérience à ce poste. Il a réussi de très belles choses avec les Belges : des résultats bien sûr mais il est surtout parvenu à réunir les cavaliers et les propriétaires, francophones et néerlandophones, autour d’un projet sportif. Sur notre liste, il y en avait très peu des comme lui. C’est une bonne nouvelle pour la France !"
"Cela ne me semble pas très correct", Ludo Philippaerts
Les cavaliers belges ont appris la nouvelle ce matin. Ils ne l’accueillent pas tous avec le sourire. "Je pensais qu'il avait signé un contrat jusqu'en 2014 ! Je suis surpris. Je n'avais jamais pensé qu'il partirait... mais dans le sport, c'est assez courant. Je ne connais pas bien la situation mais cela ne me semble pas très correct. Le moment n'est pas idéal", commente ainsi [Ludo Philippaerts] sur lequimag.be.
"On avait parlé de la situation ensemble mais cela reste toujours une surprise car je n'espérais pas qu'il s'en aille. (...) Je comprends son choix. Il n'y a jamais de bon moment pour partir. Mais ici, je dirais que c'est peut-être justement le bon moment. La Coupe du monde est pour ainsi dire terminée et les Coupes des nations débuteront dans deux mois. On doit essayer de trouver quelqu'un de neutre, probablement à nouveau un étranger. (...) Quelqu'un qui ose donner la chance aux nouveaux couples, comme ce fut le cas ces dernières années. Mais on ne trouvera jamais quelqu'un qui sera aussi présent que Philippe sur les concours. Ça, c'est impossible. C'est un vrai passionné...", salue [Gregory Wathelet]. "Sans doute a-t-il besoin d'un nouveau challenge. Je n'ai par contre aucune idée de qui va pouvoir le remplacer en Belgique. La France a déjà eu beaucoup de mal à trouver un entraîneur, alors…", ajoute [Rik Hemeryck].
"Un type formidable, droit et honnête", Philippe Le Jeune
Arrivé ce matin à Oliva, en Espagne, où il va participer à la tournée de concours, [Philippe Le Jeune], pilier de l’équipe belge, regrette le départ d’un "type formidable, droit et honnête" mais comprend le choix de Philippe Guerdat. "C’est un peu dommage mais c’est comme ça. Il voulait rester avec nous jusqu’aux JEM mais la Belgique, ce n’est pas la France. Il s’était un peu fâché avec Ludo Phillipaerts après les Jeux olympiques mais je crois que les choses étaient rentrées dans l’ordre. Et puis il faut être honnête, pour la Belgique, les choses ne se présentaient forcément très bien pour la suite. Nous n’avons plus de bons chevaux, il suffit de regarder les résultats en Coupe du monde. Nous allons devoir reconstruire en vue de 2014. En tout cas, c’est une bonne affaire pour la France. Il va donner leur chance aux jeunes, à davantage de couples, comme il l’a fait en Belgique, où il voulait faire tourner tout le monde. Et puis il très fort techniquement, il fait les bons choix dans les Coupes des nations. Il ne fait pas de cinéma mais quand il a décidé quelque chose, c’est comme ça et pas autrement ! Il ne se cherche jamais d’excuses. Et c’est un homme de cheval et de dialogue, aussi bien avec les cavaliers que les propriétaires."
Le champion du monde 2010 s'est vu proposer de remplacer Philippe Guerdat mais il a réfusé. " Je ne suis pas encore prêt à ça. J’ai refusé des offres pour Filou de Muze. Il a été très bon jusqu’ici. On va bien voir ce que ça va donner cette année. Ce genre de mission pourrait m’intéresser dans quelques années mais ce n’est pas le moment."
Léa Sargenti et Sébastien Roullier