''Accueillir des Jeux équestres mondiaux est toujours un défi'', Sönke Luterbach

La première semaine des Jeux équestres mondiaux de Tryon, en Caroline du Nord, s'est terminée avant-hier, et quatre disciplines ont laissé place à quatre nouvelles, le saut d'obstacles, le para-dressage, la voltige et l'attelage. Les cavaliers de dressage, d'endurance et de dressage sont ainsi rentrés avec des expériences très contrastées, et à mi-chemin, il est temps de poser un premier bilan. GrandPrix-Replay a donc parlé à Sönke Lauterbach, Secrétaire général de la Fédération équestre allemande.



GrandPrix-Replay : Un site encore en construction à certains endroits, une organisation plus que fébrile et un ouragan de force 4 sont venus perturber cette première semaine de compétition à Tryon. Maintenant qu'elle s'est achevée, quel bilan en tirez-vous ?
Sönke Lauterbach : Nous savons qu'accueillir des Jeux équestres mondiaux FEI, avec tout un tas de disciplines et sans bénéficier d'infrastructures déjà existantes, est toujours un défi. Dans le cas de Tryon, nous savions que les organisateurs n'avaient eu que deux ans pour tout mettre en place. Nous nous doutions donc que cela serait difficile pour tout le monde, et qu'il faudrait par exemple faire de longs trajets pour accéder au site, étant donné que les hébergements sont loin. Ce n'est pas idéal, mais ce n'est pas invivable.  La chose la plus importante, c'est que les chevaux se portent bien. Et nous avons toujours senti nos chevaux en sécurité, même avec un cyclone engendrant des rafales de vent de 100 km/h! C'est ce qui compte.

GPR : Les installations pour les chevaux sont très agréables. Qu'en est-il des autres conditions ?
S.L. : La pluie est beaucoup tombée, ce qui a rendu les routes et parkings en partie inondés. Mais les pistes d'entraînement et de compétition sont restées excellentes. Tout a très vite séché. Le parcours de cross du concours complet a été un rêve! Je ne me souviens pas d'un cross de championnat aussi fascinant : il était bien préparé, bien conçu, avec de bons défis, pas trop dur ni trop abordable, idéal pour notre sport. De ce point de vue, les conditions sont vraiment bonnes ici.

GPR : Donc quels sont les points qui peuvent être critiqués ?
S.L. : Même si les conditions sportives sont excellentes, beaucoup de choses ne vont pas très bien. Nous savions que ça serait le cas, mais pas à ce point... Il faut le dire. Notre chef de mission, Dr Dennis Peiler, est arrivé une semaine avant le début de ces JEM. Quand il m'a appelé, il m'a dit que c'était pire que ce à quoi nous nous attendions. Mais certaines choses se sont améliorées entre temps, chaque jour. Nous avons déjà connu des situations comme celle-ci, où la première semaine était plus laborieuse. Bien sûr, c'est malheureux pour l'organisateur, qui voulait montrer la qualité de ses installations et de son business.


GPR : Concernant le chaos qui a régné pendant la course d'endurance, qu'est-ce qui n'allait pas ?
S.L. : Ce qu'il s'est passé est inacceptable. La première chose qui a semé la pagaille, c'est que personne ne connaissait le bon chemin de la course, et les cavaliers ont dû se débrouiller seuls. Normalement, tout ça est connu avant le top départ et les cavaliers peuvent reconnaître la veille, ce qui n'a pas été le cas. C'est une procédure habituelle, et c'est inexcusable que personne n'ait réagi. 
 
GPR : Les chefs d'équipe n'ont pas insisté pour aller voir le parcours ?
S.L. : Juste avant le début de la compétition, les chefs d'équipe ont demandé à avoir les informations nécessaires, c'est leur métier. Mais quand vous demandez la même chose trente fois sans que l'on vous réponde, vous devez prendre une décision, à savoir partir ou pas. Les cavaliers étaient déjà là, après avoir fait un long voyage et effectué toute une préparation, ils voulaient évidemment courir la course! Je n'en ai pas parlé à l'organisateur depuis, parce que nous savons que la FEI a lancé une procédure à propos de l'endurance. Il faut laisser le temps à la FEI. 
 
GPR : Comment jugez-vous l'implication de l FEI dans ces JEM ?
S.L. : J'ai observé à quel point les employés de la FEI ont travaillé ici, sur le site. Certains d'entre eux travaillent ici depuis quatre semaines, ce qui est déjà inhabituel. Les travaux avaient vraiment du retard quelques semaines avant le début du championnat, donc la FEI a envoyé un tas d'employés pour prêter main forte à l'organisation. Ils ont créé un système électronique pour le service de shuttles, qui n'existait pas encore, et ont aidé à la mise en place de la cérémonie d'ouverture, qui n'était pas calée trois jours avant. 
 
GPR : Et quid de l'implication de la FEI dans la course d'endurance ? 
S.L. : La décision prise par la FEI d'arrêter la course d'endurance après tous les problèmes rencontrés était une bonne décision, de mon point de vue. Dans ces situations, vous ne pouvez prendre que des mauvaises décisions, parce que tout le monde ne sera jamais pleinement satisfait. Je pense vraiment que l'abrogation de la course était la bonne décision.

GPR : Un report de la course aurait été impossible ? 
S.L. : Cela aurait été difficile logistiquement. D'un côté, il y avait l'emploi du temps des équipes, puisque ces dernières avaient déjà planifié les vols de retour pour les chevaux. En plus, j'ai entendu que beaucoup de personnes dont la course traversait les propriétés s'étaient mises d'accord sur un seul jour précis. Et puis, pour une course de 160km, vous avez besoin d'un nombre incroyable de gardes de sécurité et de policiers pour sécuriser les routes et passages, et ça n'aurait pas été facile de l'organiser. La course d'endurance est l'épreuve la plus difficile à organiser dans un championnat, et c'est pour ça que vous ne pouvez pas simplement la reporter. Toute la préparation de de cette course a été catastrophique. Mais il était nécessaire de prendre une décision.


GPR : La FEI a annoncé que cinquante chevaux étaient partis à la clinique pour être soignés durant et après cette course. La décision d'annuler a-t-elle été trop tardive ?
S.L. : L'annonce de cinquante chevaux traités à la clinique peut porter à confusion. Beaucoup de chevaux ont simplement eu des liquides, et c'est normal en endurance. Ce n'était pas clair dans le communiqué de presse de la FEI. Si seulement 30 chevaux sur 50 ont eu besoin de liquides, ce n'est pas si effrayant. L'annulation était une bonne décision, et peut-être qu'elle aurait pu être prise une heure plus tôt. Mais sur ce point, la FEI a endossé la responsabilité.
 
GPR : Est-ce que cette expérience malheureuse pourrait conduire à une supression de l'endurance aux JEM ? 
S.L. : Nous allons devoir tout analyser. La FEI devra s'entretenir avec l'organisateur afin d'analyser les résultats de leur analyse. En novembre, lors de l'Assemblée Générale de la FEI, ces sujets seront évidemment mis sur la table. Mais je pense que la question va plus loin, il ne s'agit pas de l'endurance, mais de savoir s'il y aura à nouveau des JEM. Ce que nous observons, c'est qu'il y a de moins en moins de promoteurs dans le monde qui ont les infrastructures suffisantes pour accueillir des JEM. C'est dommage, parce que le concept est génial, et j'espère qu'elle pourra perdurer. Tout d'abord, il faudra regarder s'il y a des candidats pour 2022. S'il y en a, les processus de sélection et de soutien seront bien plus importants que ça n'a été le cas pour ces Jeux de 2018.
 
GPR : Tryon pourrait-il à nouveau accueillir les JEM dans le futur ? 
S.L. : À mon avis, Tryon sera partant, mais après l'expérience de cette année, je ne pense qu'il y ait une chance pour que cela advienne. La FEI avait déjà fait preuve de beaucoup de confiance pour les Jeux de Tryon. Dire "nous avons fini de planter l'herbe, qui est devenue verte et belle" ne suffira pas. De toute manière, il faudra déjà vérifier que quelqu'un veuille les organiser de nouveau...