HISTORICAL !!!



Les huit meilleures équipes de ces Jeux olympiques avaient lundi après-midi rendez-vous (l’un des premiers à ne pas avoir été pluvieux depuis l’ouverture de cette olympiade), face à des tribunes combles. Après la surprise de voir la tête occupée par l’équipe d’Arabie Saoudite et de la sortie des trois équipes médaillées lors des derniers Jeux équestres mondiaux à l’issue de la première étape de cette Coupe des nations, la compétition allait-elle encore étonner ?


Les scores étaient serrés, et tout (ou presque) parmi les huit équipes qualifiées (Arabie Saoudite, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Suède, Suisse, Canada, Brésil et Etats-Unis) pouvait arriver. Présentés comme favoris, les Anglais et les Pays-Bas n’allaient pas décevoir, jusqu’au barrage obligatoire pour finalement les départager. Les départager d’un parcours des plus relevés : sur quarante-cinq partants, seuls sept signent le sans-faute (dont cinq engagés en équipes : deux Anglais, deux Néerlandais et le Suisse Pius Schwizer). Dans ce contexte, où les sans-faute se font rares, les Saoudiens conservent leur avance de la veille grâce à quatre parcours à quatre points (dont deux tout de même auxquels sont ajoutées des pénalités de temps dépassé) et quittent la compétition collective une médaille de bronze en poche.


Les Saoudiens, de nouveau très bien placés en championnat

« Depuis la médaille olympique de Khaled Al Eid en 2000 (médaille de bronze, ndlr), les sports équestres ont fait un grand boom en Arabie Saoudite », témoigne SAR le prince Abdullah Al Saud. « Depuis vingt ans, nous avançons et nous sommes désormais dans la bonne direction, après nos bonnes performances, olympiques ou mondiales de ces dernières années. » « Nous avions l’or dans le viseur cette année, mais terminer dans les trois premiers est déjà un réel privilège tant il est difficile de se qualifier pour un Saoudien », explique Ramzy Al Duhami. Et Abdullah Sharbatly de détailler : « Je n’ai par exemple eu que trois concours pour avoir mes qualifications dont Hickstead et Wettenhall, en Angleterre. » Passées les présentations officielles, la médaille de bronze des Saoudiens trouve rapidement un écho dans les polémiques dont l’équipe a été l’objet avant son arrivée à Londres : la non-participation d’un membre féminin dans son équipe, et l’écourtement de leur peine suite à des affaires de dopage. De cavalier, le prince se fait alors porte-parole : lui et lui seul semble autorisé à prendre la parole, encouragé par exemple par un « No comment » d’Abdullah Sharbatly. « Cette année, l’Arabie Saoudite sera représentée à Londres par deux athlètes femmes, en judo et sur le 800 mètres. C’est historique ! Si la cavalière à laquelle vous faites allusion n’avait pas dû subir la blessure de son cheval, alors elle aurait été des nôtres. Mais elle est jeune et aura d’autres opportunités. Elle ou d’autres d’ailleurs. Quant au dopage, tout ce qui s’est passé ces dernières semaines a été validé par les autorités les plus hautes du sport », conclura le prince, dans un sourire et un anglais des plus diplomates.


La Hollande "a gagné"

L’Arabie Saoudite troisième, le titre allait être disputé par les Hollandais et les Anglais dans un barrage qui restera sans doute dans l’anthologie du saut d’obstacles olympique. Premier à s’élancer, Nick Skelton placera la barre haut, très haute : clear round dans un chronomètre qu’aucun ne parviendra finalement à égaler. Côté néerlandais, Jur Vrieling est également sans-faute : balle au centre. Nouveau clear round pour Ben Maher ; huit points pour Maikel van der Vleuten : avantage à l’Angleterre. Troisième tour : l’Ecossais Scott Brash renverse une barre, Marc Houtzager également. Les Anglais restent en tête. Dernier tour, alors qu’il a été éliminé sur la première épreuve, Peter Charles s’élance, après avoir demandé au public, bouillant, de se calmer légèrement. Et c’est le sans-faute ! Qui donne à la Grande-Bretagne sa deuxième médaille d’or en saut d’obstacles olympique après celle de 1952. Qui relègue les Pays-Bas à un décevant rang ? « Nous avons gagné l’argent, nous n’avons pas perdu l’or », s’enthousiasmera finalement Marc Houtzager. « Bien sûr nous espérions l’or depuis le début de la compétition, mais cette deuxième place est formidable. Nous savions que les Anglais iraient très vite, nous voulions surtout assurer les sans-faute, ce qui n’a pas forcément payé. » Interrogé sur la fatigue supplémentaire que ce barrage engendrera sur les huit chevaux appelés à le courir, le chef d’équipe hollandais, Rob Ehrens, a tenu à préciser : « Dans ce cas, aux Jeux olympiques, faire le barrage avec un seul couple ne m’aurait pas semblé très juste et très bon pour le sport. Les parcours sont vraiment bien construits, donc je n’avais aucune inquiétude. Peut-être ce barrage aurait-il pu être un tout petit peu plus court, mais dans un contexte olympique, il faut tout donner ! »


« Merci la foule ! »

Soixante ans donc que les Anglais ne s’étaient pas imposés dans une finale de saut d’obstacles. « La foule a joué un énorme rôle dans notre victoire », explique Nick Skelton. « Cette médaille est très londonienne, on ne pouvait rêver un meilleur stade pour l’emporter. Chaque jour est unique, et pour la médaille individuelle, laissez-moi souffler ! (rires) Tout peut arriver, vraiment. J’ai la chance d’avoir un cheval en grande forme, mais nous verrons. Ce cheval fait partie de ceux qui m’ont donné et qui continuent de me donner le courage de continuer après l’accident qui m’a cassé le cou en 2000. Il est arrivé après Arko et je savais que j’avais trouvé l’un de ses successeurs. Bien sûr, aujourd’hui, nous devons remercier chacun des propriétaires de ces montures médaillées d’or, qui tous ont joué le jeu de les laisser sous notre selle. Et à ce propos, je tiens à revenir sur la rumeur qui est arrivée jusqu’à mes oreilles ces derniers jours : non, mes chevaux ne seront pas vendus après les Jeux olympiques ! »
Cette médaille d’or de l’équipe britannique, au-delà de l’immense joie qu’elle a déclenchée dans le stade de Greenwich et partout dans le pays, vient conclure un débat qui opposait le cavalier Robert Smith à l’actuel sélectionneur. En avril, à ‘s-Hertogenbosch, Smith avait qualifié l’équipe britannique pré-olympique de « ramassis médiocre de chevaux de piètre qualité. » Quatre mois plus tard, la réponse de Ben Maher : « Nous avons prouvé la qualité de nos chevaux, nous l’avons prouvé dans le fair play, et sommes bien plus heureux aujourd’hui que ce qu’il a dû l’être en étant aussi négatif. » La fête devrait être belle ce soir à Londres, où, pour la deuxième fois de cette olympiade, les cavaliers anglais auront contribué à l’extraordinaire tableau des médailles britanniques !

 
A Greenwich Park, Londres, Daniel Koroloff