UN CHEIKH DU BAHREÏN DISQUALIFIÉ POUR MALTRAITANCE



Le tribunal de la FEI a disqualifié le Cheikh Mohammed ben Mubarak al-Khalifa, du Bahreïn, de sa victoire le 8 février 2014 dans la CEI 2* 120 km de Sakhir, Coupe royale du Bahreïn. Ce jugement, rendu le 16 septembre, fait suite au dépôt d’une protestation officielle par deux journalistes britanniques pour maltraitance envers le cheval Tarabic Carl de la part du cavalier et d’un groom, deux vidéos à l’appui.

 

Dans un premier temps, le Cheikh Mohammed ben Mubarak al-Khalifa avait écopé d’un carton jaune par le jury de terrain, le jour-même, à l’issue du visionnage des vidéos, pour maltraitance et non observation des règles applicables. Une décision acceptée et signée par le cavalier, qui avait aussi eu aussi à s'acquitter d'une amende de 500 francs suisses. Le membre de la famille royale et le groom avaient été suspendus par la Fédération du Bahreïn.

Mohammed ben Mubarak al-Khalifa s’était également vu infliger un autre carton jaune pour maltraitance sur sa monture, le 26 mai à la CEI 2* de Compiègne. Cette seconde sanction dans l’année a entraîné automatiquement une suspension de deux mois pour le cavalier. Les deux journalistes, Pippa Cuckson, pigiste pour 'Horse & Hound', notamment, et la rédactrice en chef de cette publication, Lucy Higginson, avaient déposé leur plainte un peu plus tard dans le mois de février en fournissant les deux vidéos.

Sur la première, qui avait été diffusée sur internet, apparaissent deux hommes descendant d’un véhicule et courant vers le cheval qui semble aller trop lentement, l’un d’eux le frappant alors plusieurs fois avec un objet… Sur l’autre vidéo fournie au tribunal figure le cavalier fouettant le cheval, à la fin de la dernière boucle de la course. Les deux plaignantes ont également témoigné pour dénoncer une noria de véhicules accompagnant le cheval en klaxonnant, ce qu’elles considèrent également comme un mauvais traitement.

 

Une juste application du règlement

 

Devant le tribunal, le cheikh aurait reconnu ses erreurs et celles du groom, estimant cependant avoir déjà été sanctionné et ne pouvant être jugé deux fois pour les mêmes faits. La FEI, de son côté, a argué que ces décisions ne pouvaient être revues qu’à de restrictives conditions. Le président du jury de terrain, Ghalib al-Alawi, qui n’a vu que les vidéos, aurait dit que le cheikh semblait mécontent de l’action du groom mais devait en endosser l’entière responsabilité. C’est pourquoi il lui a donné le carton jaune uniquement au cheikh et pas au groom local qui n’aurait pas eu connaissance du règlement. À ses yeux, les faits ne pouvaient être qualifiés de cruauté selon les règles de l’endurance mais de maltraitance entraînant un carton jaune.

Le tribunal a aussi entendu le président du comité d’endurance de la FEI, le Dr Brian Sheaman. Il n’était pas présent à la course et a visionné les images et examiné les cartes vétérinaires où aucun signe de lésion ou autre dommage n'auraient été signalés. Il en serait venu aux mêmes conclusions que le président du jury de terrain, précisant que les coups portés au cheval auraient accru la vitesse du cheval sur une courte durée seulement. Maltraitance, mais pas cruauté donc, selon l’expérimenté vétérinaire en endurance. Les deux journalistes ont justifié leur action en expliquant qu'il s'agit d'un des faits les plus graves qu’elles aient vus en quarante ans de reportages, à elles deux, dans les sports équestres à haut niveau. Pour elles, en l’occurrence, la disqualification s’imposait selon les règles de l’endurance s’appliquant en cas de maltraitance.

Le tribunal, composé de son président Henrik Arle, Randi Haukerbø et Pierre Ketterer, a donc disqualifié le cheikh et ordonné que médailles, points et prix soient remis. Dans ses conclusions, le tribunal note qu’il appartient bien au jury de terrain de qualifier ou non la maltraitance. Ce qu’il a fait. Cette décision est, par ailleurs, conforme à l’avis du Dr Sheahan. Cependant, il n’a pas la discrétion de choisir la sanction et aurait dû appliquer automatiquement la disqualification, la sanction adéquate. Le tribunal précise aussi qu’il n’existe pas de nuances dans la gravité de la maltraitance, le jury devant appliquer la disqualification dans tous les cas. Ainsi, il ne s’agit pas d’une nouvelle condamnation pour des mêmes faits déjà jugés, comme argumenté par le cavalier et la FEI, mais de la juste application de la sanction correcte.

 

La porte ouverte à d’autres plaintes

 

Pippa Cuckson dans un entretien à 'Horsetalk', qui rend compte de cette affaire, se félicite de cette conclusion. La journaliste, connue notamment pour ses articles sur le dopage dans le 'Telegraph', estime qu’il existe des règles à la FEI pour sanctionner ces abus et que la FEI a besoin de les appliquer avant d’en introduire de nouvelles. Pensant qu’il n’est pas sûr que la FEI ne fasse pas appel de ce jugement, elle espère que cet exemple incitera d’autres personnes à ester également en cas d’évident non-respect des règles dans tout sport équestre. Elle ajoute que c’est possible et que l’usage de la vidéo pourra encore servir à l’avenir. Une question de bon sens, surtout en endurance où le jury ne peut matériellement pas voir tout ce qui se passe le long des courses.

 

Pierre Jambou