Au BIP, on a tenté d’appliquer au mieux les nouvelles règles sur les guêtres postérieures
Depuis le 1er janvier, les protège-boulets ou guêtres postérieures font l’objet de nouvelles règles s’appliquant aux compétitions internationales et nationales Enfants et Poneys. En Europe, leur entrée en vigueur s’est véritablement concrétisée lors des premiers CSIO de ces deux catégories, début avril à Opglabbeek puis le week-end passé à Gorla Minore et Fontainebleau. Alors que des difficultés d’application et d’interprétation ont été constatées lors de l’Officiel de Belgique, GRANDPRIX a profité du Bonneau International Poney pour se pencher sur cette problématique. Reportage.
De ce fait, ne sont désormais autorisés en piste que les protège-boulets à simple coque d’une hauteur maximale de 16cm et fermés par un seul velcro non élastique d’au moins 5cm de large – les seuls qui peuvent être utilisés dans les épreuves Jeunes Chevaux – ainsi que les controversées guêtres à doubles coques pourvu qu’elles ne dépassent pas 20cm de longueur, qu’elles soient fermées par deux lanières élastiques de 2,5cm de largeur et des dispositifs à crans ou de type crochet-œillet. Dans les deux cas, le poids total ne doit pas dépasser 500g et la surface intérieure de l’équipement doit être lisse et sans points de pression. En mars dernier, soit quelques semaines seulement avant les premiers CSIO Enfants et Poneys, de nouvelles précisions ont été publiées lors d’une mise à jour des annexes du Manuel des stewards de jumping (lire ici, à partir de la page 23). Désormais, pour les guêtres à doubles coques, les systèmes de fermeture à lanières uniques sont également autorisés, le nombre de deux lanières y apparaissant seulement comme une limite maximale. Par conséquent, les protège-boulets à doubles coques dits «mini» sont de nouveau autorisés.
Des difficultés à Opglabbeek
Comme l’on pouvait s’y attendre, ces nouvelles règles ont posé un certain nombre de soucis lors du premier CSIO Jeunes de la saison européenne, début avril à Opglabbeek, en Belgique. “Au début du week-end, en tant que steward, nous avons dû faire énormément de pédagogie”, admet Nicolas Martin, steward 2* habitué à officier dans ces compétitions. “Une réunion pour les chefs d’équipe Poneys a été organisée le mercredi, puis une assemblée le soir même où tous les cavaliers étaient les bienvenus pour prendre connaissance des nouvelles règles. Le jeudi et le vendredi, nous avons été compréhensifs et nous n’avons pas sanctionné un seul cavalier”, ajoute-t-il, rappelant que tout manquement aux règlements concernant l’équipement entraîne normalement l’élimination du couple.
Cependant, lors de ce même Officiel de Belgique, des problèmes seraient intervenus le samedi et le dimanche, journées consacrées aux Coupes des nations. Ainsi, lors de l’assemblée générale de l’Alliance des organisateurs de compétitions équestres (IEOA), le 14 avril à Lausanne, Peter Bollen, le président belge de cette organisation, a fait part de nombreux désaccords à ce sujet. Présent dans la salle, l’Allemand Stephan Ellenbruch, juge international 4* et président du comité technique de saut d’obstacles de la FEI lui a alors répondu: “Je ne suis pas d’accord avec ce qui a été dit sur les CSIO d’Opglabbeek. Selon moi, il n’y a pas d’erreur ou de contradiction majeure dans les nouveaux règlements, qui ne sont pas si mauvais qu’on le dit. Il y a juste des officiels pas encore complètement au fait de ces règles et des ajustements à effectuer dans le jugement. C’est aussi pourquoi nous avons souhaité que leur application soit progressive d’ici 2021.”
Des incohérences relevées au BIP
Lors de la Coupe des nations Poneys du BIP, samedi dernier, on n’a assisté à aucun esclandre. Pour autant, une drôle d’ambiance flottait autour du paddock, comme un air de suspicion mettant certains entraîneurs sur leurs gardes. De fait, les commissaires étaient à l’affût de la moindre infraction. “Naturellement, ce nouveau règlement a suscité des inquiétudes et incompréhensions. En tant que steward, nous avons le mauvais rôle car aucun cavalier n’apprécie qu’on émette des reproches sur son équipement”, explique le Français Luc Bourlet, assistant steward dédié aux protège-boulets lors du CSIOP. “En réalité, les gens ont du mal à comprendre pourquoi les élastiques sont autorisés sur les protège-boulets à double coque et pas sur ceux à coque simple, et pourquoi le velcro n’est plus autorisé que sur les coques simples”, illustre-t-il.
Lors de la Coupe des nations bellifontaine, l’Irlandais John McEntee a notamment retenu l’attention du chef steward, Eddy Gilis. En effet, sa ponette grise My Gypsy Rose portait des guêtres dont la hauteur posait question. L’officiel belge s’est alors référé à l’avis de Luc Bourlet, qui a estimé à l’œil, mais sans la mesurer, que la hauteur était acceptable. Outre ce léger incident, on a vu tous les entraîneurs et grooms se prêter sans rechigner à l’inspection, et aucun cavalier n’a été obligé de changer d’équipement. Toutefois, lors de l’épreuve finale des poneys de sept ans, plusieurs incidents ont été à signaler, de l’aveu d’Eddy Gilis. Pour sa part, Luc Bourlet a vécu une drôle de mésaventure peu avant le BIP: “Je me suis fait avoir par un protège-boulet à double-coque, qui semblait avoir des lanières élastiques. Cependant, le chef steward m’a dit d’aller voir de plus près ce qu’il en était. Et en effet, alors ce qui retenait le protège-boulet ressemblait à des élastiques, c’était en réalité du Velcro. Ainsi, certains équipementiers s’adaptent pour surfer sur la limite des nouvelles règles, ce qui complexifie encore notre métier…”
Cette nouvelle réglementation internationale suscite donc de réelles incompréhensions de la part de nombreux cavaliers et de leur entourage, et certains tentent visiblement de la contourner. Cependant, dans l’ensemble, la plupart des jeunes pilotes n’ont rien changé à leurs habitudes et n’ont donc pas été déstabilisés par cette évolution, visant à favoriser le bien-être du cheval.
À chaque fédération ses propres rythmes
Un autre problème, franco-français cette fois-ci, a émergé en mars avec l’alignement des règlements de la Fédération française d’équitation (FFE) sur ceux de la FEI pour les catégories Benjamins, Minimes et As Poney Élite et Excellence. “La FFE est en avance sur la FEI puisqu’elle ne permettait pas l’usage des protège-boulets à doubles coques chez les Poneys et Enfants. Après la sortie du nouveau règlement de la FEI, on pouvait se demander si la FFE permettrait à ses cavaliers pouvant prétendre à des compétitions internationales de s’y préparer dans les mêmes conditions au niveau national, avec pour but de ne pas les pénaliser une fois au haut niveau”, analyse Nicolas Martin. Et la réponse s’est avérée positive mais sous conditions, puisque la FFE a décidé d’autoriser les doubles coques uniquement dans les concours nationaux comptant pour les sélections en équipes de France Enfants et Poneys. “Les fédérations nationales sont parfois en avance sur la FEI, ce qui complique notre travail. En France, la FFE et la Société hippique française ont leur propre rythme, distinct de celui de la FEI, ce qui crée donc des zones de flottement”, ajoute l’officiel Nicolas Martin.
Le Français tient à conclure sur une note positive. “La FEI n’a pas fini de changer son règlement et va de plus en plus dans le sens du bien-être du cheval. En outre, je connais certains cavaliers professionnels qui ont décidé de ne plus recourir aux guêtres à doubles coques car on sait aujourd’hui qu’elles accentuent fortement le geste des postérieurs. Dès lors, si le règlement international change et qu’il ne permet que les protège-boulets à simple coque, les chevaux entraînés avec des doubles coques seront alors désavantagés. À l’inverse, si un cheval saute 1,60m sans doubles coques, il s’en trouvera nécessairement valorisé, ce qui pourra devenir un argument de vente!”
Pour rappel, l’application progressive du nouveau cadre règlementaire concernera les CSI Juniors, Jeunes Cavaliers et U25 au 1er janvier 2020, puis l’ensemble des CSI le 1er janvier 2021.