“La reconstruction est en marche avec la nouvelle équipe fédérale”, Laurent Goffinet

À l’heure où émergent de nouveaux talents au sein de l’équipe de France de saut d’obstacles, d’autres cavaliers expérimentés et reconnus font leur retour sur le devant de la scène internationale. C’est le cas de Laurent Goffinet, un homme de cheval emblématique, qui associé à son fidèle Selle Français Flipper d’Elle*HN, a contribué aux belles heures de gloire de la délégation tricolore durant les années 2000. Il signa notamment la meilleure performance française lors de l’épreuve de vitesse des Jeux Equestres Mondiaux d’Aix-la-Chapelle en 2006, en se classant à la sixième place. D’autres magnifiques victoires et accessits suivront au cours de sa carrière comme une première place dans les Coupes des nations du CSIO 5* de Gijón et de Saint-Gall. Le sympathique Normand a accepté de répondre aux questions de GRANDPRIX ce lundi, à l’issue du Grand Prix CSI 3* de Béthune.



Après cette incroyable carrière avec Flipper d’Elle*HN, vous vous êtes reconstruit avec Quinette du Quesnoy et Qantar des Etisses. Si Quinette a été arrêtée prématurément après des soucis de santé, Qantar a quant à lui été vendu aux Etats-Unis pour le compte de Taylor St Jacques, une élève de McLain Ward. Depuis, vous semblez avoir retrouvé une monture de choix, Atome des Etisses. Depuis quand le montez-vous ?
Atome des Étisses est un étalon Selle Français de neuf ans par Mylord Carthago*HN et Eve des Etisses par Quidam de Revel, grande gagnante internationale. Je le monte depuis ses débuts. Ce sont mes propriétaires, le haras de Lacke qui me l’ont acheté quand il avait six mois. Il a fait les quatre ans avec la cavalière du haras, Clio Choukroun. Je l’ai récupéré à cinq ans, nous avons fait les Cycles Classiques tranquillement. À sept ans, il a participé au championnat de France où il a terminé neuvième. L’année dernière, nous avons fait une petite saison, mais il a tout de même remporté le Grand Prix CSI 3* de Saint-Lô. Cette année, il n’a pas fait beaucoup de concours : Royan, Arezzo, Le Touquet, Bourg-en-Bresse et Béthune.
 
 Quelles sont vos ambitions avec lui ? Est-il destiné à être commercialisé ?
Pour moi, Atome des Etisses est un cheval capable de courir de grosses échéances, de grands championnats, voire pourquoi pas les Jeux olympiques. La question est de savoir si ce sera avec moi. On veut avant tout lui donner toutes les possibilités de courir de belles épreuves. C’est un cheval à qui rien ne fait peur, qui peut sauter gros. Il aime la piste même si au début ce n’était pas trop son fort.
Effectivement, Atome est potentiellement à vendre. Avec ses propriétaires, nous avons fixé un prix. Si vraiment il y a l’argent sur la table, cela donne à réfléchir aussi.  Eux ont le haras à faire tourner, moi mon écurie. En attendant, si aujourd’hui on peut faire du beau sport avec ce cheval-là, on en profite. En plus il est étalon approuvé, il reproduit vraiment bien. Ses premiers produits naissent cette année.
 
Outre Atome des Etisses, vous aviez emmené à Béthune d’autres chevaux comme Valkyrie Condéenne et Nimrod de Muse Z, quelles sont vos impressions après vos différents tours ?
Je suis très content. Valkyrie est deuxième d’une 1,35m le vendredi, huitième du Petit Grand Prix 1,45m le lundi. Mon huit ans Nimrod de Muze Z est classé deux fois troisième dans ces mêmes épreuves. Avec Atome, je suis classé assez loin le samedi, dix-huitième dans l’épreuve 1,50m qualificative au Grand Prix avec quatre points. Je me classe sixième dans le Grand Prix CSI 3* à 1,55m après quatre points en première manche. J’aurai pu éviter la faute, je n’ai pas assez protégé le double de verticaux. Je suis satisfait. Le cheval a très bien sauté, avec un super comportement. Il avait fini deuxième du Grand Prix CSI 4* de Bourg-en-Bresse il y a peu, fin mai. Il confirme sa régularité en sautant bien et ce qui me fait vraiment plaisir, c’est que le cheval fait cela en s’amusant.
 
Comment s’inscrit votre collaboration avec le haras de Lacke ?
Cela fait plus de dix ans que nous travaillons ensemble. Bien sûr, on rêve du haut niveau. J’ai eu Quinette qui nous a fait vibrer. Malheureusement, elle avait une santé un peu fragile. Qantar était très bien, mais avec des hauts et des bas parce qu’il était entier. On l’a vendu aux Etats-Unis et depuis qu’il est castré, il cartonne. Aujourd’hui, on croit beaucoup en Atome. J’ai carte blanche avec eux. Bien sûr, on discute des programmes ensemble. Par exemple, on devait courir le championnat de France à Fontainebleau. On a décidé de laisser tomber car j’ai un petit peu peur du terrain qui a beaucoup servi ces derniers temps. J’espère vraiment pour les organisateurs que le terrain va être très bon. De notre côté, nous ne voulons pas prendre de risques. Nous irons plutôt concourir au CSI 4* de Saint-Tropez qui a lieu huit jours après, en concertation également avec Jean-Maurice Bonneau, qui me fait travailler.
 
Avez-vous d’autres propriétaires ?
Oui, j’ai environ une dizaine d’autres propriétaires. J’ai des bons jeunes chevaux que l’on forme, mais qui sont principalement destinés au commerce. Cela coûte très cher de les emmener à haut niveau, il faut les attendre jusqu’à neuf ou dix ans. Il faut trouver le bon, qu’il ne lui arrive rien. Mais lorsqu’on en retrouve un comme Atome, ça fait plaisir.
 
Justement, quel est votre état d’esprit actuellement vis-à vis du haut niveau ? Aimeriez-vous retrouver l’équipe de France ?
On va dire que j’ai de la chance actuellement car les plus gros investissements commencent à être bouclés par rapport à l’époque de Flipper, lors de laquelle nous débutions et il fallait faire rentrer de l’argent pour faire tourner l’écurie. Il faut toujours en gagner, mais disons que c’est un peu plus facile de se faire plaisir et d’aller dans de beaux concours. Toutefois, il y a aussi la réalité du quotidien. J’ai de la chance de compter sur une très bonne équipe à la maison, mais dès demain huit heures, je suis avec mes cinq ans, on se remet vite dans le bain !
Sincèrement, avec le changement de staff au niveau de la Fédération française d’équitation, si vous m’aviez posé la même question, il y a un an, j’aurais dit, « je suis là pour former les chevaux pour les autres ». Aujourd’hui, la politique a changé. Je retrouve un petit peu l’époque où Jean-Maurice Bonneau était sélectionneur national, il ouvrait les portes à d’autres couples. On a un bon dialogue, on peut construire la carrière d’un cheval. L’année dernière, on se sentait seuls. L’équipe de France était composée de cinq, six cavaliers. La saison passée, nous avons eu une très grosse proposition pour Atome. Je me rappelle en avoir parlé à Thierry Pomel à Rouen. Il m’a dit « attention, ça va changer ». Et c’est vrai, quand cela a changé, il m’a tout de suite téléphoné. Nous avons eu un bon discours, également avec les propriétaires. Cela m’a remotivé. Aujourd’hui, je découvre de nouveaux visages, comme celui d’Olivier Perreau qui a remporté le Saut Hermès cette année. On sent que la reconstruction est en marche avec la nouvelle équipe fédérale. On se dit que même si on n’a qu’un seul cheval pour le haut niveau, on peut peut-être autant se faire plaisir que les autres. Je suis donc très satisfait de ces changements qui opèrent. C’est très important aussi pour nos propriétaires qui investissent beaucoup et qui aimeraient faire du beau sport.