L’avenir du circuit des Coupes des nations à nouveau sur la table

Le futur du saut d’obstacles, discipline équestre la plus populaire au monde, a été débattu lors d’une grande table ronde, avant-hier et hier à Lausanne, en Suisse. Pour la première fois depuis très longtemps, la Fédération équestre internationale a réuni des représentants des cavaliers, chefs d’équipe, organisateurs, propriétaires, officiels, ainsi que des membres de son conseil d’administration et de son comité technique de jumping. Une fois encore, les discussions ont notamment porté sur l’avenir du circuit des Coupes des nations, dans un calendrier mondial de plus en plus chargé et concurrentiel…



Plus d'une trentaine de personnes se sont réunies mardi et mercredi à Lausanne.

Plus d'une trentaine de personnes se sont réunies mardi et mercredi à Lausanne.

Des cavaliers aux officiels en passant par les chefs d’équipe, organisateurs et propriétaires de chevaux, les représentants de toutes les parties prenantes du saut d’obstacles semblent avoir apprécié l’atmosphère ouverte et constructive qui a régné autour des grandes tables rondes organisées pendant deux jours, hier et avant-hier à Lausanne. Ceux avec lesquels GRANDPRIX s’est entretenu ce matin et ce midi restent prudents quant aux débouchés de cette initiative de la Fédération équestre internationale, mais tous ont apprécié de pouvoir s’exprimer devant un panel représentatif des femmes et des hommes qui font aujourd’hui vivre l’élite mondiale du saut d’obstacles. Autrement dit, on a discuté en connaissance de cause entre initiés. C’est moins le cas lors des Forums des sports et autres assemblées générales de la FEI, où la parole doit être partagée avec les délégués des fédérations nationales, dont on sait bien que la grande majorité est étrangère aux problématiques du très haut niveau.
 
Après des exposés sur la législation en matière de concurrence libre et non faussée, les nouvelles tendances du sport et les statistiques du saut d’obstacles, les discussions de la première journée ont porté sur la structure des concours internationaux, notamment le système de classification des événements, l’utilisation durable et éthique des chevaux et l’importance des règles relatives aux conflits de dates sur le calendrier de la FEI. “Il a été convenu que des exigences minimales plus strictes sont essentielles pour améliorer le niveau général des concours, en particulier en ce qui concerne l’accueil des chevaux et la sécurité des écuries”, décrit le communiqué de presse de la FEI – qui plus est face à une politique antidopage de plus en plus stricte à tous les niveaux. “En outre, il y a eu un consensus sur le fait que l’utilisation responsable des chevaux incombe d’abord aux cavaliers, ainsi qu’aux propriétaires de chevaux, mais que la FEI devrait intervenir si elle était préoccupée par une utilisation excessive.”
 
Outre le format des championnats, le système d’invitation en CSI, le renouvellement des générations chez les officiels, le bien-être des chevaux dans les pays émergents et la Coupe du monde Longines, pour laquelle tout le monde s’est accordé sur la nécessité de programmer la finale plus tôt dans la saison afin de favoriser la participation des meilleurs chevaux et cavaliers, sans surprise, les Coupes des nations ont largement dominé les discussions du deuxième jour. De fait, il s’est surtout agi de l’avenir de la série FEI Longines, “qui a suscité un débat animé et très positif”, selon les termes employés par la FEI. “De l’avis général, cette série est un excellent produit porté par la fierté nationale et l’émotion. Il a été convenu qu’elle devait demeurer la série la plus importante du jumping, et que l’on devrait s’efforcer de continuer à l’améliorer pour assurer son avenir à long terme dans un environnement de plus en plus concurrentiel.”
 


Un règlement 2019 totalement contre-productif

 
Depuis 2013, ce circuit est réellement mondial, avec une finale globalement satisfaisante chaque automne à Barcelone. Seulement, la guerre commerciale que se mènent les horlogers suisses Longines et Rolex, deux sponsors historiques du saut d’obstacles, a conduit à un remodelage de la série, progressivement amputée des CSIO de Calgary, Aix-la-Chapelle, Wellington (celui du Palm Beach International Equestrian Center) et plus récemment de Rome. De nouveaux rendez-vous ont été créés, mais la greffe n’a pas toujours pris, à l’image du CSIO 5* de Šamorín, qui n’aura existé qu’un an. D’ailleurs, en 2019, le calendrier mondial ne compte que douze étapes sur un potentiel de quinze. La FEI n’ayant pas pu pallier la défection de l’éphémère Officiel de Slovaquie, la Division 1 européenne n’a plus que sept étapes: La Baule, Saint-Gall, Sopot, Geesteren (remplaçant exceptionnellement Rotterdam, qui accueillera les championnats d’Europe), Falsterbo, Hickstead et Dublin.
 
Mais le plus grave problème est ailleurs. Cette année, les nations engagées en D1 (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, Pays-Bas, Suisse et Suède) ne peuvent participer qu’aux quatre étapes où elles doivent marquer des points. En clair, elles ne peuvent pas être invitées à disputer les trois autres. C’est pourquoi l’équipe de France sera absente à Geesteren, Hickstead et Dublin, et n’aura donc plus rien à se mettre sous la dent pendant quatre semaines entre le CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle et les championnats d’Europe de Rotterdam. Et cela explique surtout pourquoi le plateau de l’Officiel de Saint-Gall était si faible le week-end dernier, les organisateurs suisses ayant dû inviter le Brésil, venu avec une belle équipe, mais aussi la Norvège et le Danemark, représentés par deux collectifs franchement moins glamour. Cette nouvelle règle handicape donc à la fois les grandes nations, souhaitant pouvoir tester davantage de couples dans de vraies conditions d’adversité et de sélectivité, et les organisateurs, soucieux d’attirer les meilleurs cavaliers pour remplir leurs stades et satisfaire leurs sponsors.
 
Dès la conférence de presse finale du Forum des sports, mi-avril à Lausanne, Ingmar de Vos avait reconnu que c’était une mauvaise solution à un vrai problème: comment faire comprendre au public qu’une nation peut gagner des étapes – mais pas les bonnes – et se retrouver reléguée en Division 2 au bout de la série?… Pas facile de concilier équité, lisibilité, attractivité, universalité… et enjeux commerciaux. “Nous allons essayer de trouver des solutions pour rendre tout cela plus clair”, avait ajouté le président belge de la FEI. Dans un excellent dossier publié par notre confrère Alban Poudret dans le numéro de juin du Cavalier Romand, Andy Kistler, le chef de l’équipe suisse, suggère que le circuit devrait être associé à un sponsor d’une autre branche que l’horlogerie, afin de dépasser la guerre entre Rolex et Longines et réunir à nouveau les tout meilleurs CSIO sous la même bannière. Une solution envisageable, mais uniquement à long terme.
 
Or il y a urgence à agir, surtout face au développement de la Global Champions League, un produit non fondé sur le mérite sportif mais qui attire chaque année plus d’argent, de propriétaires, de cavaliers et d’organisateurs. Bien que les performances individuelles accomplies en Coupes des nations aient été revalorisées en nombres de points au classement mondial Longines et en euros – les couples auteurs d’un double sans-faute se partagent désormais une prime de 50.000 euros –, on entend encore des cavaliers se plaindre de la faiblesse des dotations en CSIO, à l’image du Britannique Ben Maher. Dans les années à venir, cette prime individuelle pourrait être doublée, tandis que les organisateurs de CSIO ont bien compris que proposer des Grands Prix à 300.000 euros les hisserait au niveau du LGCT, et qu’il leur faut vite se retrousser les manches.
 


Plus que six étapes en Division 1 ?

 
Heureusement, il est des pilotes plus fidèles, à l’image du Français Kevin Staut, président du Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles (IJRC), du jeune Irlandais Michael Duffy et de Pedro Veniss, présents tous les trois à Lausanne. “Tout le monde aime les Coupes des nations. C’est le meilleur produit que nous ayons. En tant que cavalier, je peux promettre que monter pour mon drapeau me procure le meilleur sentiment au monde”, a notamment déclaré le Brésilien. Le même soutien a été exprimé par le Club des propriétaires (JOC). “La Coupe des nations est l’ADN de notre sport”, a résumé son président, Dominique Mégret.
 
Pour redorer rapidement l’image de la série en Europe, hier à Lausanne, Andy Kistler a présenté une nouvelle proposition des chefs d’équipe visant à réduire – encore – la Division 1, en s’en tenant à huit nations et six étapes, dont quatre obligatoires, et un classement général qui tiendrait compte des quatre meilleures performances. “C’est une proposition pragmatique issue de discussions nourries avec mes confrères et les cavaliers. Le but serait d’accroître le niveau des équipes et des concours. Quoi qu’il en soit, nous devons tout faire pour que ce circuit reste le plus emblématique de notre sport”, commente le Suisse. Cette solution de repli aurait l’assentiment de la plupart des autres parties prenantes. Dès lors, il ne resterait plus qu’à éliminer un concours de la D1 – Sopot, le dernier arrivé? À noter que la Fédération équestre européenne travaille également sur un format révisé de la Division 2. Cette année, elle comporte dix-neuf nations, divisées en quatre groupes, qui s’affrontent lors de six CSIO 2* et 3*, avec une finale programmée fin juillet à Athènes. D’ailleurs, la capitale grecque accueillera pour la première fois un CSIO 5*. Au Moyen-Orient, la seule étape s’est disputée fin février à Abou Dabi, tandis que la Division d’Amérique du Nord et des Caraïbes s’est achevée dimanche à Langley, au Canada.
 
“Rassembler toutes ces personnes autour d’une même table nous a permis de mieux comprendre les différents points de vue et de parvenir beaucoup plus rapidement à un consensus sur certains points. Ce fut une réunion très réussie et positive où tout le monde a manifesté une mentalité vraiment positive”, s’est réjoui le Belge Peter Bollen, président de l’Alliance internationale des organisateurs équestres (IEOA), relayé par la Monégasque Eleonora Ottaviani, directrice de l’IJRC. “Il ne s’agissait pas pour les cavaliers de prendre le pouvoir, mais de donner la bonne information aux personnes appelées à prendre les décisions. En ce sens, l’un des objectifs du club a donc été atteint.”
 
Les recommandations issues des tables rondes ont été transmises au comité de saut d’obstacles et au conseil d’administration de la FEI. Les propositions qui en résulteront passeront par le processus normal de consultation des fédérations nationales et des parties prenantes, avant que de possibles propositions de réformes ne soient soumises au vote de l’assemblée générale. “Cela démontre que nous ne sommes pas seulement assis dans le même bateau mais que nous ramons vraiment dans le même sens. Nous avons reçu beaucoup de soutien de la part des parties prenantes. Nous avions des points de vue divergents à quelques égards, mais nous sommes tout à fait d’accord sur les questions principales, ce qui est très bon à constater”, a déclaré l’Allemand Stephan Ellenbruch, président du comité de saut. Ingmar de Vos acquiesce: “Il était essentiel que ces discussions impliquent un groupe vraiment représentatif de notre communauté. Plus important encore, cela montre clairement que même si nous sommes parfois en désaccord, nous partageons tous la même passion et nous soutenons réellement notre sport.” Un bel exercice démocratique, donc. On regrettera simplement que la presse n’ait pas été invitée à observer ces passionnantes discussions…
 
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