DANS LE RÉTRO : Donatien Schauly, relève du complet français
Régulièrement, la rédaction de GRANDPRIX vous propose de replonger dans ses archives. Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX n°20, en octobre 2010.
À seulement vingt-cinq ans, Donatien Schauly semble promis à un bel avenir en équipe de France de concours complet. Champion de France Pro Élite en 2010 avec Ocarina du Chanois, déjà sélectionné pour les Jeux équestres mondiaux de Lexington avec Séculaire, le jeune militaire s'est dévoilé à GRANDPRIX.
Vous venez d’une famille de cavaliers et votre père était lui-même militaire: un destin tout tracé ?
Je baigne en effet dans le milieu depuis toujours. Mon père est militaire, il a passé dix ans à l’École Nationale d'Équitation puis est parti à Olivet dans la section équestre militaire où j’ai grandi et commencé à sortir en compétition. En 2004, j’ai quitté Olivet pour commencer ma carrière militaire au Centre sportif d’équitation militaire (CSEM, ndlr) de Fontainebleau. J’ai un frère et une soeur qui sortent eux aussi en complet, Adrien et Eurydice, alors que mon deuxième frère Quentin semble pour le moment s’intéresser davantage aux études. Mon premier poney de concours s’appelait Domino et était loin d’être facile ! (Rires) J’ai ensuite monté Chloé des Cèdres, qui a eu une très belle carrière avec toute la famille. Avec elle, j’ai eu mes premiers titres de champion de France (quatre au total, ndlr). Le cheval qui m’a vraiment lancé est Erion de Gerbal (hongre par Qui du Prieuré*HN et Sylviane II, ndlr), un cheval militaire que l’on m’a confié à Olivet. Avec lui, j’ai participé deux fois au championnat d’Europe Juniors en 2002 à Waregem, Belgique, et en 2003 à Pardubice, République Tchèque. Quand je suis parti pour Fontainebleau j’ai pu l’emmener avec moi.
Comment se passent l’attribution et la gestion des chevaux au CSEM?
Tous les ans, le CSEM récupère quarante jeunes chevaux de trois ans achetés par le ministère de la Défense. Chaque cavalier a entre six et huit chevaux et nous choisissons les chevaux en accord avec les chefs et les autres cavaliers. Le choix se fait en fonction du niveau des cavaliers et de la discipline à laquelle les chevaux se destinent. Par exemple, en 2009, nous avons décidé de mettre Erion à la retraite et, comme j’avais un cheval de moins dans mon piquet, j’ai pu en choisir un nouveau. Lorsque je pars en compétition, les chevaux qui restent au CSEM ont un programme bien spécifique : mes jeunes chevaux jusqu’à six ans font de la liberté et les plus vieux sont marchés en main par un soigneur. Pour Lexington, c’est un peu particulier car je pars longtemps. Dix jours après mon retour des Etats-Unis, je participerai au CCI 3* à Boekelo avec Ocarina du Chanois : il faut donc qu’il soit travaillé pour rester en condition. Exceptionnellement, c’est un camarade de confiance du CSEM qui s’occupera de lui.
Parlez-nous plus précisément de vos deux chevaux de tête, Ocarina du Chanois et Séculaire.
Ocarina du Chanois (hongre Selle Français de huit ans par Fango In Blue*HN et Galaxie du Chanois, ndlr) est dans mon piquet depuis le début puisque j’ai eu la chance de pouvoir le choisir à son arrivée à quatre ans. Je l’ai préparé pendant l’hiver 2006-2007 et nous avons gagné la finale des cycles classiques cinq ans à Pompadour. C’est un cheval qui au fur et à mesure des concours est devenu plus régulier. Nous avons couru le cycle d’élevage classique mais nous n’avons pas participé au Lion d’Angers à six ans. En revanche, à sept ans il a très bien évolué et nous avons terminé sixièmes du championnat du monde des Jeunes Chevaux. Il est devenu sûr de lui en concours et c’est pour cela que cette année, j’ai décidé de courir avec lui les épreuves du Grand National. D’ailleurs, ce circuit nous a bien réussi puisque nous sommes deuxièmes à Tartas et premiers à Sandillon. Ocarina a fait une excellente saison puisque nous gagnons ensemble le CIC 3* de Bramham et le Master Pro de Pompadour en avril dernier.
J’ai connu Séculaire (hongre Pur Sang de dix ans par Pistolet Bleu et African Vigy, ndlr), au début de ma formation militaire. Quand je suis arrivé au CSEM, je n’ai pas monté pendant un an car je suivais la formation militaire obligatoire. J’ai travaillé avec l’adjudant-chef Didier Willefert pour apprendre à gérer une écurie de concours et comprendre le fonctionnement du CSEM. A la fin 2006, j’étais autonome et j’ai eu mon propre piquet de chevaux. C’est à ce moment-là que j’ai récupéré Séculaire à six ans. Nous avons commencé la compétition à ses sept ans. C’était un cheval timide qui a su prendre confiance. Lui aussi a réalisé une très bonne saison en remportant le CCI 3* de Bramham et en se classant quatrième du CIC-W 3* du Haras du Pin.
"Je ne pensais vraiment pas faire mes débuts en équipe de France à l’occasion d’une telle échéance"
Pourquoi Séculaire plutôt qu’Ocarina pour les Jeux mondiaux ?
Avec Laurent Bousquet, nous avons préféré partir avec Séculaire qui a quand même plus d’expérience qu’Ocarina que je prévois de sortir sur de telles épreuves quand il aura dix ans. Séculaire saute très bien et est très respectueux. D’ailleurs ce respect se retrouve sur le cross. Il est très rapide sur ce test et techniquement irréprochable. Si je devais lui trouver un point faible, et je n’aime pas utiliser cette expression, ce serait en dressage. Il est encore raide à cause de son physique mais malgré tout il est très sérieux et une fois sur le carré, je n’ai jamais de surprise.
Le complet français est-il en phase de transition ? Assiste-t-on à l’éclosion d’une nouvelle génération ?
Je pense que oui. Bien évidement, Matthieu Lemoine est très présent sur les nationaux et les internationaux. Il y a aussi Maxime Livio qui est très précis et qui forme un bon piquet de chevaux. Thomas Carlile a plutôt des jeunes chevaux mais qui sont très prometteurs et je pense qu’on le retrouvera vite sur les CIC 2*. Il y a en France de bons jeunes cavaliers qui méritent que l’on s’intéresse à eux mais je suis sûr que Laurent Bousquet y pense déjà.
Comment avez-vous vécu cette sélection pour les Jeux équestres mondiaux de Lexington, qui seront vos premiers championnats Seniors ?
J’étais sur la long-list des douze cavaliers car j’avais gagné le CCI U25 3* de Bramham. Après le CCI 3* du Pin, la liste a été réduite de moitié. Je ne m’attendais pas à cette sélection finale et comme je suis jeune, j’ai encore plus de mal à y croire. Je ne pensais vraiment pas faire mes débuts en équipe de France à l’occasion d’une telle échéance, mais plutôt pour un championnat d’Europe par exemple. C’était donc une belle surprise. Séculaire est maintenant fiable et a bien confirmé ses qualités sur les trois tests au haras du Pin : ce résultat a validé notre ticket pour le Kentucky! Je suis très enthousiaste car c’est une expérience professionnelle et humaine incroyable. Je vais en tirer un maximum et profiter de l’expérience de mes coéquipiers car je suis le plus jeune de l’équipe. Je vais aussi profiter des quinze jours de stage de préparation à Deauville pour emmagasiner un maximum de conseils de la part de Laurent Bousquet et Jean- Pierre Blanco (à l'époque sélectionneur et entraîneur de l'équipe de France, ndlr). Mes chances sur place ? Je pars pour faire du mieux possible, je vais tout donner ! Pour le moment je n’ai pas trop de pression car je ne réalise pas encore à 100% mais je pense qu’une fois là-bas, la tension commencera à monter. J’ai encore un peu de mal à réaliser.
Quel est votre programme après Lexington?
Après Lexington (où le complétiste a malheureusement été éliminé en individuel et huitième par équipes, ndlr) et le CCI 3* de Boekelo (qu'il avait remporté avec Ocarina du Chanois, ndlr), j’espère pouvoir enchainer avec ma jument de sept ans Pivoine des Touches (Selle Français par Nikias et Kanelle des Touches, qui deviendra plus tard sa jument de tête, avec qui il participera aux JEM de Tryon en 2018, ndlr) au Lion d’Angers. Pour l’année prochaine, Séculaire et Ocarina continueront dans les mêmes niveaux d’épreuves ; je sortirai Pivoine qui prendra huit ans sur des concours deux étoiles et j’espère en milieu de saison, sur les étapes du Grand National. J’ai aussi un autre cheval qui prendra sept ans, Quel Chanière (hongre Selle Français par Silver Rainbow et Jany Chanière, ndlr). C’est un cheval un petit peu en retard dans son travail car, physiquement, il n’est pas tout à fait fini donc j’ai préféré ralentir la cadence et le laisser souffler pour qu’il finisse de grandir. Mon objectif est de faire un travail suivi et régulier et de le sortir sur des niveaux Pro 3 et Pro 2 en début d’année puis si possible en Pro 1 en fin de saison.