“Pour nous complétistes, il s’agit en quelque sorte d’un hiver prolongé”, Astier Nicolas
Astier Nicolas sera champion olympique par équipes et vice-champion olympique en individuel en titre un an de plus. Couronné à Rio de Janeiro en 2016, il devra attendre 2021 pour tenter de faire aussi bien, les Jeux olympiques de Tokyo ayant été reportés en raison de la crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19. Face à un début de saison reporté, le trentenaire poursuit ses gammes avec ses chevaux de tête, mais aussi son objectif de solidifier son piquet. Entretien.
Comment se déroule le confinement pour vous ?
Au quotidien, j’ai conscience que je fais partie des chanceux car je suis à la campagne et que je ne suis pas confiné au sens strict du terme. C’est assez frustrant d’avoir à peine débuté la saison et de devoir l’interrompre si rapidement, mais pendant ce confinement je m’estime privilégié malgré tout. J’ai la chance que mes employés vivent sur place et qu’ils puissent donc tous continuer à travailler. Pour ma part, je suis autorisé à me déplacer entre mon domicile et les écuries au vu de mon activité professionnelle. Les chevaux entament ce que l’on pourrait appeler un « second hiver » de travail, avec un peu plus de soleil sur le dos. Nous travaillons les fondamentaux et je tente de les conserver en forme du mieux que je peux. Nous n’avons toujours pas de date en ce qui concerne la reprise de la saison de compétition, mais quoi qu’il en soit, personne n’a réellement de visibilité. Lorsque la situation reviendra à la normale, nous devrons redébuter les chevaux lors de concours locaux ou nationaux. Cela va demander une certaine logistique afin qu’ils reprennent le rythme, car nous ne pourrons pas reprendre comme si rien ne s’était passé. Cela dépendra aussi du profil des chevaux.
Comment parvenez-vous à réinventer des exercices et à conserver un lien avec vos entraineurs et l’équipe fédérale ?
J’échange un peu avec les entraineurs, qu’il s’agisse du staff fédéraux ou d’entraineurs privés, afin de leur exposer l’évolution de mes chevaux. Chacun trouve son équilibre, mais pour nous complétistes, il s’agit en quelque sorte d’un hiver prolongé. J’ai la chance de ne pas être enfermé seul dans un appartement dans Paris, mais je dois avouer que l’on s’ennuie un peu par moments. Nous avons déjà traversé une trêve hivernale et devons en vivre une deuxième, avec une météo plus agréable. Cela n’est pas classique et sans précédent, mais on continue à travailler sans relâche.
Comment avez-vous reçu la nouvelle du report des Jeux olympiques de Tokyo en 2021 en raison de la crise sanitaire mondiale ?
Au-delà de la déception de voir repoussé l’objectif que l’on s’est fixé, pour lequel nous nous battons et nous préparons, il faut dire que nous avons tout de même été prévenus relativement tôt. Face aux circonstances exceptionnelles, nous n’aurions de toute façon pas pu en être informés avant. Nous n’avons heureusement pas encore entamé une saison complètement focalisée sur les Jeux olympiques, ce qui est un moindre mal. Pour certains couples, je pense en revanche que cela est plus délicat car en fonction de l’expérience, de la santé et de l’âge des chevaux, leur participation à l’échéance un an plus tard pourrait être sérieusement compromise. En ce qui me concerne, cela n’est pas le cas car je compte sur un jeune cheval en bonne santé (Babylon de Gama, neuf ans, ndlr). Mis de côté le risque d’un accident, il ne devrait que s’améliorer dans les mois à venir. En théorie, il devrait aussi être très bien l’an prochain, le report n’est donc pas dérangeant dans mon cas. Déjà à neuf ans, il est très mur et a réalisé de très belles choses la saison passée. Il aurait été dans le coup dès cette année. J’ai aussi la chance de compter sur Alertamalib’Or (le champion du monde des chevaux de sept ans en 2017, ndlr)qui revient de blessure. Il recommence à sauter et devrait redémarrer la compétition cette saison, lorsque la situation reviendra à la normale. Même si les JO sont reportés, j’essaie toujours de trouver le positif dans les difficultés qui se dressent devant moi et c’est ainsi que je vois les choses.
Il y a un an, vous aviez confié à GRANDPRIX que vous peiniez à trouver des propriétaires et des partenaires pour vous confier des chevaux d’expériences et prêts à affronter le haut niveau (à lire ici). La situation a-t-elle changée depuis ?
Oui tout à fait, la situation a évolué depuis. Le fait d’avoir publié cet article a fait réagir, que ce soit positivement ou négativement. Cela a pu être perçu comme une vaste plainte par certains, mais d’autres qui ont été plus positifs dans leur approche ont pu y voir le message que je voulais passer, au-delà de ma propre situation. J’ai eu certains appels qui m’ont permis de trouver quelques chevaux. Au-delà de cette annonce, j’ai pu remédier à ce que je déplorais. Je n’attendais pas que l’on s’occupe de nous cavaliers, nous devons bien sûr chacun nous atteler à trouver des chevaux et à les former au mieux avec notre entourage. J’ai en tout cas trouvé des investisseurs pour acheter des chevaux. Il y en a notamment un qui devrait passer la visite vétérinaire pour rejoindre mes écuries, mais les vétérinaires sont pour l’heure bloqués pour ce genre de consultations. Cela va donc prendre un peu de temps. Il s’agit d’un cheval qui a eu dix ans et qui a déjà concouru en CCI 4* en ayant quelques difficultés à ce niveau-là. Il est encore difficile de dire jusqu’où nous irons. Je suis en tout cas en bonne route pour trouver de nouveaux chevaux.
L’implication de la Fédération française d’équitation (FFE) a-t-elle changée en ce qui concerne cette recherche de chevaux pour le haut niveau ?
Depuis, la Fédération nous a parlé d’un système de mécénat qui permettrait à des entreprises de défiscaliser en investissant. La somme serait versée à la Fédération, qui la redistribuerait elle-même, notamment pour le sport de haut-niveau. Il y a donc eu un petit pas dans ce sens. Bien que cela soit en place, nous n’en avons pas encore vu les bénéfices car il faut du temps pour convaincre de potentiels investisseurs.
Cela risque d’être encore plus qu’avant difficile compte-tenu de la situation actuelle…
Oui, mais je reste optimiste et je pense qu’il va il y avoir un regain d’investissements à la reprise. L’argent de certains investisseurs stagne pour le moment, mais ils n’ont pas vocation à le conserver dans leurs poches. Lors de la reprise, il devrait il y avoir – je l’espère – un vague d’investissements sur laquelle il faudra surfer.