Face au Covid-19, quels sont les droits et devoirs du propriétaire d’un cheval en pension?
Vous êtes propriétaire d’un cheval que vous avez placé en pension, dans un club ou une écurie de propriétaires, avant l’annonce des mesures de confinement et vous vous demandez si vous pouvez aller le monter et s’il se dépense suffisamment. Quels sont vos droits et devoirs pour vous assurer que votre cheval ne souffre pas des mesures mises en place dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19?
Ai-je le droit d’aller rendre visite à mon cheval?
Il est tentant d’aller rendre visite à son cheval, et ce d’autant plus lorsque celui-ci est hébergé dans une écurie située à proximité de son domicile. Toutefois, quelles que soient les circonstances, la réponse est catégorique: Non, vous ne pouvez pas vous y rendre durant cette situation de confinement national.
Il y a deux raisons à cette interdiction. D’abord, juridiquement, le cheval n’est pas un animal de compagnie, mais un animal de rente. Vous ne pouvez donc pas justifier votre déplacement en cochant la case correspondant aux besoins des animaux de compagnie sur votre attestation de déplacement dérogatoire. À défaut, vous risquez de vous voir infliger une amende de 135 euros (majorée à 375 euros en cas de non-paiement sous quarante-cinq jours), une amende de 200 euros (majorée à 450 euros) en cas de récidive dans les quinze jours et une amende de 3 750 euros et six mois d’emprisonnement en cas de nouvelle récidive. Ensuite, l’écurie, en tant qu’établissement recevant du public, doit être fermée. Seul est autorisé à y accéder son personnel dont les fonctions ne permettent pas le télétravail, auquel est soumis le personnel administratif, par exemple. Si le dirigeant de l’écurie vous laisse y pénétrer, malgré cette interdiction, vous serez personnellement passible des sanctions précitées, et l’écurie sera, elle, redevable du quintuple de ces amendes, sans compter d’autres peines comme celles applicables à la mise en danger délibérée de la vie d’autrui notamment.
Attention, il existe néanmoins un tempérament à cette interdiction: les professionnels du cheval qui louent des box nus peuvent eux, en leur qualité de professionnel, se rendre à l’écurie pour y entretenir et faire travailler leurs chevaux, dans le respect des mesures barrières réglementaires et applicables dans le centre. Aucune sanction n’est alors encourue ni par le professionnel, ni par l’écurie ou son dirigeant. Il conviendra néanmoins de pouvoir justifier de cette qualité auprès des forces de l’ordre, en cas de contrôle. Un particulier louant un box nu pour son cheval ne peut en aucun cas être considéré comme un professionnel s’il ne présente pas un tel justificatif.
Que puis-je attendre du responsable de l’écurie où mon cheval est en pension?
Même si vous ne pouvez pas vous rendre à l’écurie dans laquelle votre cheval est en pension, vous pouvez demander l’exécution, voire l’aménagement de certaines prestations. Tout d’abord, il est important de rappeler que les termes du contrat de pension doivent être respectés, ce qui signifie que vous devez continuer à payer le prix convenu et que le responsable de l’écurie doit, de son côté, continuer à effectuer les prestations convenues: classiquement héberger, nourrir et soigner votre cheval.
Mais il est possible que les circonstances obligent à adapter les stipulations contenues dans le contrat de pension. À titre d’exemple, en raison de l’interdiction qui vous est faite de pénétrer dans l’enceinte de l’écurie, vous ne pouvez pas voir votre cheval. Mais pouvez-vous demander à avoir des nouvelles de votre équidé? Au titre du contrat de pension, quel qu’il soit, même verbal, le responsable de l’écurie est tenu d’une obligation d’information. Il doit donc vous donner des nouvelles régulières de votre cheval, suivant les modalités de son choix ou convenues d’accord avec vous: téléphone, courriel, sms, photos, vidéos ou même visio-conférences pour les plus motivés et informatisés d’entre eux.
Si des prestations supplémentaires de coaching étaient comprises dans le forfait convenu, les cours convenus ne peuvent plus avoir lieu. Quid du prix correspondant à ces cours? Ici, juridiquement, le responsable de l’écurie pourra légitimement, sauf clause contractuelle spécifique contraire du contrat de pension, arguer de la force majeure inhérente à l’apparition du virus et aux mesures de confinement subséquentes, pour refuser de vous consentir quelque compensation que ce soit. Commercialement néanmoins, il vous proposera souvent soit de renégocier le prix de la pension en soustrayant le prix des cours le temps des mesures de confinement, soit de les reporter à leur issue. Attention toutefois à cette dernière solution: si le planning du centre est déjà chargé, il y a fort à parier que cette solution de report ne sera pas tenable en pratique, par manque de ressources. De la même manière, si aucune prestation de travail n’était incluse dans votre contrat, il est possible – et sans doute souhaitable – de demander au dirigeant d’inclure cette prestation supplémentaire dans votre contrat. Ce dernier pourra alors légitimement vous demander une rétribution complémentaire correspondante. Il ne peut en revanche vous imposer une prestation payante. En cas de refus, pourra se poser la question de la responsabilité du bien-être du cheval, qui se tranchera alors au cas par cas.
En tout état de cause, et quelle que soit la situation, il convient, au vu du caractère exceptionnel de la situation, de faire preuve de compréhension à l’égard de chacun: vis-à-vis des propriétaires privés de voir leur cheval et vis-à-vis des dirigeants d’écuries qui voient leur structure totalement désorganisée par cette crise), et de tenter de trouver un accord amiable pouvant satisfaire les deux parties. Toutefois, les promesses n’engageant que ceux qui les croient et les temps post-crises risquant d’être économiquement compliqués pour la plupart, cet accord temporaire souvent négocié par téléphone devra, dans la mesure du possible, faire l’objet d’un écrit, qu’il s’agisse d’un avenant au contrat de pension signé en bonne et due forme par signature électronique ou d’un simple échange de courriels récapitulatifs de l’accord.
À propos de l’auteure
Depuis 2010, Émilie Waxin, avocat au barreau de Paris, a exercé au sein des départements corporate et contentieux de plusieurs cabinets d’affaires français et luxembourgeois. Cette double pratique lui permet aujourd’hui d’intervenir à tous les stades afin de déterminer l’approche la plus appropriée de nature à éviter, désamorcer ou, le cas échéant, résoudre les situations de crise. Par ailleurs, cavalière et passionnée d’équitation depuis de nombreuses années, elle a souhaité déployer son expertise juridique au sein du secteur équin. Elle intervient ainsi aux côtés des différents acteurs de la filière (institutionnels, cavaliers, propriétaires, centres équestres, etc.) tant en conseil qu’en contentieux.
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