Les souvenirs de Marty Bauman, mémoire vive de la Coupe du monde en Amérique du Nord

La compétition étant suspendue en raison de la pandémie, la Fédération équestre internationale lance une nouvelle série d’entretiens et d’histoires. Une fois n’est pas coutume, le premier épisode de cette série met en lumière un attaché de presse parmi les plus expérimentés du circuit international, Marty Bauman, de Classic Communications. Celle-ci offre certains de ses souvenirs personnels des finales de Coupes du monde disputées aux États-Unis…



Tampa, première

Dans un monde sans Covid-19, ce week-end, le landerneau des sports équestres aurait dû vibrer au rythme des finales des Coupes du monde Longines de saut d’obstacles et FEI de dressage, qui devaient se dérouler au Thomas & Mack Center de Las Vegas. Cela aurait été la dixième finale de saut d’obstacles et la sixième finale de dressage à se tenir en Amérique, et il y avait beaucoup d’enjeux dans la balance alors que les cavaliers leaders du classement mondial, le Suisse Steve Guerdat et l’Allemande Isabell Werth, pouvaient battre de nouveaux records. Steve aurait pu devenir le premier quadruple vainqueur de la finale de jumping en quarante et un ans d’histoire de la série, tandis qu’Isabell était sur le point de sceller sa quatrième victoire consécutive avec Weihegold et sa cinquième au total en trente-cinq finales de dressage.

Mais rien au monde n’est normal en ce moment… “Quand vous pensez que cette semaine, nous devrions être ensemble à Las Vegas, et lundi prochain (aujourd’hui, ndlr), je devrais m’envoler directement à Lexington pour le concours complet – mes deux plus grandes semaines de l’année – mais à la place, je suis assis à la maison en train de rendre folle Nancy (son épouse, ndlr)!”, plaisante Marty Bauman, attaché de presse établi à Boston et dont la connexion aux sports équestres remonte à l’American Jumping Derby de Newport, à Rhode Island en 1978, où il a travaillé avec Mason Phelps.

Le don naturel de Marty pour la gestion d’événements et des relations publiques lui a permis de devenir directeur des relations publiques de l’United States Equestrian Team (USET) de 1990 à 2004, ainsi qu’attaché de presse pour plusieurs événements majeurs, dont huit finales de Coupe du monde disputées aux États-Unis. Sa première remonte à 1989 à Tampa, en Floride. L’événement avait été organisé au Florida State Fairgrounds, une petite arène d’exposition où une légende du sport, Gene Misch, avait organisé avec succès des concours hippiques depuis un certain temps. “Gene a fait plus pour le saut d’obstacles dans ce pays que quiconque”, salue Marty. Neuf ans plus tôt, la deuxième finale annuelle de la Coupe du monde de saut d’obstacles avait eu lieu à Baltimore, dans le Maryland, et Gene avait réussi à la ramener sur le sol américain. Le stade de 6 000 places de Tampa s’était vendu à guichets fermés, et le plateau comprenait le Canadien Ian Millar et Big Ben, tenants du titre, ainsi que le Britannique John Whitaker avec son magique Milton.

Marty se rappelle Ian Millar et Big Ben attendant à l’entrée de piste avant l’ultime manche. “C’était ma première finale mais aussi celle du directeur du concours, David Distler, et cela n’avait pas été facile pour nous. Je me souviens d’Ian se tournant vers David et lui disant: «vous pensez que vous avez beaucoup de pression sur vous – imaginez ce que je ressens en ce moment!»” Cependant, comme le rappellent les livres d’histoire, le grand couple canadien a devancé le duo britannique en devenant le premier à gagner deux finales consécutives.



Spectaculaire Del Mar

“La finale de Del Mar, en 1992, a été spectaculaire!”, s’enthousiasme Marty. Selon le règlement, toutes les finales devraient se dérouler à l’intérieur, mais la météo dans la région de San Diego n’a jamais été susceptible de menacer la tenue de l’événement. Aussi, cette fois et seulement cette fois, elle s’est déroulée dans un stade ouvert, recouvert d’un filet géant en guise de toit! Le regretté John Quirke a joué un rôle majeur dans l’organisation de l’événement en Californie, soutenu avec enthousiasme par Brooks Parry de Del Mar et, l’homme qui a conceptualisé la Coupe du monde, le journaliste suisse Max Ammann.

La Britannique Tina Cassan se retrouva au centre d’une controverse majeure de cette édition lorsque, lors durant la première épreuve, elle remarqua que les chronométreurs lui avaient déjà compté vingt secondes alors qu’elle entamait seulement son tour sur le parcours de Linda Allen. Elle s’est arrêtée et a refusé de continuer jusqu’à ce que le chronomètre soit redémarré, et bien que la foule ait bruyamment pris son parti, elle a finalement été éliminée. Après une série d’intenses réunions, elle fut réintégrée par la Commission d’appel, ainsi que par Ludger Beerbaum, qui avait également été touché. L’Allemand en a profité pour remporter la deuxième épreuve tandis que Tina a finalement terminé huitième, tandis que l’Autrichien Thomas Frühmann et Genius ont remporté le titre sans commettre de faute.

Marty se remémore la tension et l’excitation de l’époque. “Raymond Brooks-Ward a soutenu Tina pendant toute la controverse et il y avait beaucoup de pression sur moi parce que les médias voulaient des réponses, et ils les voulaient sans attendre! Mais finalement, tout a été réglé et Thomas a été un grand gagnant.”



Viva Las Vegas

Et puis John Quirke a eu une idée encore plus folle: amener les finales à Las Vegas. John était un vrai moteur, agitateur et très bon pour convaincre les gens du bien-fondé de ses grandes idées, explique Marty. “Il a dit: «Nous sommes dans le divertissement, et où est la capitale mondiale du divertissement? Faisons entrer notre sport dans le vingt et unième siècle!» Il voulait présenter le sport comme il n’avait jamais été montré auparavant. En 2000, il l’a fait, avec des spectacles de laser, de la musique rock, des feux d’artifice, des shows d’ouverture, des imitateurs d’Elvis et du saut d’obstacles. Il y avait tout, et le public a adoré ça!”

Le Brésilien Rodrigo Pessoa et Baloubet du Rouet ont alors tenté de décrocher leur troisième titre consécutif, mais l’espoir semblait anéanti lorsque l’étalon a présenté de la fièvre à son arrivée. Cependant, Baloubet a rebondi et le triplé est devenu une réalité lorsque le duo a repoussé le Suisse Markus Fuchs et Tinka’s Boy à la deuxième place lors de la dernière journée. Le Brésilien et le Selle Français détiennent certainement le record le plus extraordinaire de l’histoire de la Coupe du monde. Après leurs trois victoires consécutives, ils ont terminé deuxième en 2001, troisième en 2002 et deuxième à nouveau lorsque la finale est revenue à Las Vegas, en 2003, où l’Allemand Marcus Ehning a fêté la première de ses trois victoires.


En 2005, pour la toute première fois, les finales des Coupes du monde de jumping et de dressage se sont déroulées ensemble à Las Vegas. “C’était un programme spectaculaire avec des sessions de jour et de soirée. Nous avons vendu des billets dans les cinquante États américains et trente autres pays. La Reprise Libre en Musique de dressage, disputée le samedi soir, a été incroyable! Quand Debbie McDonald et Brentina se sont produites sur de la musique Motown (le plus prestigieux label de «musique noire ») et soul, l’arène s’est électrifiée, et durant leur dernière ligne, effectuée sur «Respect», d’Aretha Franklin, la foule s’est levée et s’est déchaînée! Cette nuit a changé le dressage pour toujours, et je ne suis pas sûr que cela aurait pu se produire ailleurs qu’à Vegas!”, rappelle à raison Marty.


 

La paire américaine a terminé troisième tandis que Anky van Grunsven est repartie avec la victoire sur Salinero. Il s’agissait de la septième des neuf victoires de la superstar néerlandaise qui s’est empressée d’épouser son compagnon Sjef Janssen dans une chapelle de mariage de Vegas, avec un Elvis pour animer la cérémonie!

En saut d’obstacles, cette année-là, Meredith Michaels-Beerbaum a remporté le premier de ses trois titres avec Shutterfly. De retour à Las Vegas deux ans plus tard, elle a subi une chute spectaculaire le dernier jour alors qu’elle était sérieusement en lice pour le titre, et c’est la Suisse Beat Mändli qui a régné en maître avec le Selle Français Idéo du Thot. Et quinze ans après avoir gagné sa première finale, en 1992 à Göteborg, l’Allemande Isabell Werth a remporté le titre en 2007 avec Warum Nicht, devançant la Néerlandaise Imke Schellekens-Bartels et Steffen Peters. En 2009, celui-ci est devenu le deuxième Américain à remporter la Coupe du monde de dressage, mettant le feu à l’arène de Vegas grâce à une superbe reprise avec Ravel. Meredith et Shutterfly se sont alors imposés pour la troisième fois de leur carrière, puis il y a eu une pause de six ans avant le retour de la double finale dans la capitale du jeu.




La Britannique Charlotte Dujardin et le merveilleux Valegro ont alors continuer à surfer sur leur incroyable vague de succès, tandis qu’en saut d’obstacles, le Suisse Steve Guerdat a remporté sa première victoire sur sa Selle Français Albführen’s Paille de la Roque. Mais l’histoire dont Marty se souvient le mieux dans cette édition était celle du jeune irlandais Bertram Allen. “Le mercredi soir, la réception de bienvenue et le tirage au sort avaient lieu dans un club, et les propriétaires n’ont pas laissé entrer Bertram parce qu’il était mineur – il n’avait que dix-neuf ans. J’ai dû les implorer de le laisser passer, ce qu’ils ont accepté à condition de mettre un garde de sécurité à ses côtés toute la nuit pour s’assurer qu’il ne boive pas d’alcool. Aux États-Unis, l’âge légal est de vingt et un ans!” Le jeune Irlandais a ensuite remporté la Chasse avec Molly Malone V et fini troisième de cette passionnante finale derrière Pénélope Leprevost et Vagabond de la Pomme.



Omaha, nouvelle réussite

Omaha, dans le Nebraska, a accueilli ses premières finales en 2017, et le public en a adoré chaque instant, qui plus est quand McLain Ward a remporté le titre dont il rêvait depuis plus de vingt-cinq ans. Les spectateurs sont restés pour partager la cérémonie de remise des prix avec lui et sa brillante jument HH Azur Garden’s Horses qui n’a pas effleuré une barre de toute la semaine. “Les sensations autour de l’arène étaient incroyables, tout le monde était si heureux pour McLain et si fier de lui!”, se souvient Marty. En dressage, Isabell Werth a gagné la première de ses trois victoires consécutives avec Weihegold.

La semaine dernière, le gratin de l’équitation mondiale devait revenir à Las Vegas, où Isabell Werth semblait prête à aligner une quatrième victoire, tandis que Charlotte Dujardin et sa nouvelle star Mount St John Le style libre paraissaient bien décidées à leur barrer la route. Avant ces finales annulées de 2020, le Thomas & Mack Center a subi une cure de jouvence de 75 millions de dollars comprenant de nouveaux sièges, un nouveau système de son, de nouvelles cartes vidéo et un nouvel éclairage. “La nouvelle zone VIP est une salle de bal géante avec un mur entier de verre du sol au plafond face au Strip. la vue est incroyable! Il y a aussi un balcon extérieur. Cela aurait été vraiment magnifique”, assure Marty, vraiment déçu que l’événement ait dû être annulé.



Cependant, les finales des Coupes du monde de jumping et dressage devraient retourner à Omaha en 2023 pour le grand bonheur de l’Américain. “C’est un endroit formidable et nous pouvons vraiment nous en réjouir. Et puis peut-être que nous reviendrons bientôt à Vegas aussi!”