“Pour moi, Steve Guerdat est plus qu’un patron”, Anthony Bourquard
Installé à Elgg, au cœur des écuries de Steve Guerdat, dans le canton de Zurich en Suisse, Anthony Bourquard travaille aux côtés du numéro un mondial depuis près de cinq ans. À vingt-quatre ans, le Suisse s’épanouit aux côtés de son patron, qu’il considère désormais comme un ami. Talentueux, Anthony Bourquard a notamment monté Tum Play du Jouas, avant que celui-ci ne brille avec Steve. Désormais, le cadet peut compter sur l’excellent Cornet 39, vu au plus haut niveau sous les selles de l’Américaine Lauren Hough et de l’Allemand Daniel Deusser, pour assouvir son rêve de haut niveau.
Comment vivez-vous avec le Covid-19 en Suisse? Devez-vous faire face à des restrictions particulières?
Notre confinement est assez clément. Ce n’est pas comme en France: on peut toujours sortir de chez nous, bien que les rassemblements de plus de cinq personnes soient interdits et que les magasins et commerces restent fermés. Aux écuries, nous pouvons continuer à monter nos chevaux normalement. Nous profitons d’installations spacieuses pour les faire travailler librement et dans le calme.
L’absence de concours vous permet-elle de vous adonner à d’autres activités, que vous n’auriez pas le temps de pratiquer d’ordinaire?
J’ai toujours été assez sportif. J’aime la course à pied et le vélo, par exemple, donc je profite effectivement de cette période pour y consacrer plus de temps que d’habitude. Il est important de se maintenir en forme. C’est aussi l’occasion de passer du temps avec sa famille quand on le peut. Et surtout, il se passe des choses bien plus graves en ce moment. Nous avons la chance d’avoir la santé, donc nous restons à la maison avec nos chevaux. Je suis très heureux ainsi, je n’ai pas à me plaindre.
Comment s’organise le travail de vos chevaux, sachant que les concours ne vont pas reprendre avant quelques mois encore?
Nous avons axé notre travail sur les jeunes chevaux. Nous avons beaucoup plus de temps à leur consacrer, donc nous les faisons sauter plusieurs fois par semaine. Ce sont parfois de petits exercices techniques que nous pouvons appliquer quelques jours plus tard sur des parcours complets. Cela permet de travailler avec précision. Je pense que cela va leur apporter beaucoup, même si l’expérience des concours risque de leur manquer. En ce qui concerne les chevaux d’expérience, nous essayons de les garder en forme et de veiller à leur moral en les sortant beaucoup en forêt. Je pense qu’ils profitent de ces moments à la maison, sans avoir à voyager. Ils sont chez eux et ont leurs habitudes. D’une manière générale, nous pouvons passer plus de temps avec nos chevaux, ce qui est très agréable. Pour autant, nous attendons la reprise des concours avec impatience!
Steve Guerdat vous a confié Cornet 39 (Old, Cornet Obolensky x Caletto I), que vous avez pu découvrir en compétition à Oliva. Quels étaient vos objectifs avant que la pandémie de Covid-19 n’interrompe la saison? Ne craignez-vous pas que cette année blanche soit compliquée à gérer compte tenu de son âge?
Nous avons débuté à 1,40m et ces premiers parcours se sont très bien passées. Nous avons pris notre temps, sans brûler les étapes. À Oliva, la dernière semaine s’est très bien déroulée, j’ai vraiment compris comment Cornet fonctionnait même s’il me faudra encore quelques parcours. C’est vraiment dommage pour nous que les concours soient annulés, d’autant qu’il a seize ans, en effet. Une si longue pause n’est pas sûrement idéale pour un cheval de cet âge, mais il faut faire avec et essayer de tirer le meilleur de cette situation. Cornet est en grande forme, il profite beaucoup des moments que nous passions ensemble à la maison. Nous partons souvent en forêt, par exemple. Chaque fois que je le fais sauter, il semble très content et, je le sens vraiment en pleine possession de ses moyens. Je ne me fais pas trop de soucis pour lui!
“L’argent et les paillettes ne doivent pas prendre le dessus sur le bien-être des chevaux”
Vous travaillez auprès de Steve Guerdat depuis cinq ans. Comment se passe votre collaboration ? Aviez-vous imaginé pouvoir un jour intégrer une écurie de ce calibre?
Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Je suis parti en stage chez Steve et notre collaboration s’est concrétisée lorsque nous avons décidé de travailler ensemble. L’opportunité s’est présentée et je l’ai saisie. Je profite chaque jour de pouvoir évoluer à ses côtés. Notre collaboration est assez simple: je suis son cavalier de concours, c’est-à-dire que je monte tous les chevaux de commerce. J’ai également la chance d’être accompagné par quelques propriétaires, ce qui me permet d’avoir des chevaux consacrés au sport. Nous travaillons de façon très proche et montons parfois les mêmes chevaux. Nous nous connaissons par cœur et avons une relation très fusionnelle. Pour moi, Steve est plus qu’un patron.
N’est-il pas parfois pesant d’être dans l’ombre d’un tel champion?
Pas du tout. Steve m’apporte beaucoup, tant au niveau sportif que personnel. J’ai grandi avec lui. Je suis devenu le cavalier que je suis grâce à lui. Bien sûr, mes chevaux, leurs propriétaires et les opportunités que j’ai eues m’ont forgé en tant que cavalier, mais je dois beaucoup à Steve et j’ai encore des choses à apprendre. Steve est un cavalier hors pair. Mon but est de prendre de l’expérience chez lui et de gravir les échelons. Je ne peux que profiter d’une telle situation.
Vous avez déjà goûté plusieurs fois au niveau 5*. Qu’avez-vous ressenti?
Au CHI de Genève, qui est l’un des meilleurs CSI 5* au monde, nous sommes confrontés à ce qui se fait de mieux, car tous les meilleurs cavaliers et chevaux sont là. Pour un jeune, pouvoir participer à un tel concours est toujours une grande chance. On prend beaucoup d’expérience, rien qu’en évoluant aux côtés des meilleurs, et en les affrontant dans les mêmes épreuves. À ce niveau-là, le moindre détail a une grande importance et peut faire la différence. La compétitivité des cavaliers est très impressionnante.
À long terme, quels sont vos objectifs ou vos rêves?
Je suis très compétiteur et la compétition est ce qui m’attire le plus. Je suis aussi très proche de mes chevaux, donc j’ai envie de construire des relations particulières avec eux. Au niveau sportif, comme chaque athlète, je pense aux Jeux olympiques. Représenter la Suisse serait un honneur. Pour autant, je veux avant tout créer quelque chose sur le long terme. Je n’ai pas envie de passer six mois au niveau 5* et disparaître ensuite. Je voudrais arriver tout en haut et y rester. Je dois donc construire et prendre mon temps. Si les opportunités arrivent, je les saisirai et ferai de mon mieux.
Steve Guerdat est un cavalier très investi qui n’hésite jamais à prendre la parole pour défendre son sport. Personnellement, quel regard portez-vous sur son évolution?
Je pense que travailler à ses côtés permet de comprendre tout ce qu’il dit. C’est un homme de cheval, qui vit uniquement pour cela. Concernant l’évolution de notre sport, je pense qu’il faut savoir garder les pieds sur terre aux niveaux financier et marketing. J’ai la chance d’être avec un cavalier qui a une idée très claire sur le sport et les chevaux, et je partage sincèrement sa vision des choses. Nous avons un sport magnifique, dont nous devons essayer de préserver la valeur. Il ne faut pas laisser l’argent et les paillettes prendre le dessus sur le bien-être des chevaux. Il faut les traiter en tant que tels et la passion doit passer avant tout autre chose.