“Mettre en place un circuit de Jeunes Chevaux en indoor”, Geneviève Mégret
Élevage, étalonnage, gestion d’une écurie de sport de haut niveau, mais aussi de jeunes chevaux, et administratrice de la Société hippique française. Propriétaire du haras de Clarbec, Geneviève Mégret a plusieurs casquettes. Elle décrit la manière dont le confinement se passe pour elle et son équipe, et évoque ses interrogations sur l’avenir de la saison, ainsi que sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur: les nouvelles règles édictées par la Fédération équestre internationale concernant l’usage des guêtres postérieures à partir de 2021.
Comment vivez-vous le confinement à titre personnel et professionnel?
De façon personnelle, cela change évidemment la vie parce que nous sommes obligés de rester à la maison. Nous faisons attention quand nous sortons, comme tout le monde, je l’espère, pour essayer de rester en bonne santé. Pour autant, nous avons la chance de ne pas être les confinés les plus mal lotis, puisqu’avec les chevaux, la vie continue car nous devons toujours nous en occuper. Il faut aussi rester conscients que nous restons très privilégiés par rapport à tant d’autres personnes.
Sur le plan professionnel, il y a différentes choses à gérer avec l’équipe de travail au haras de Clarbec, mais aussi au haras de la Poterie. Avec les chevaux, le télétravail n’existe pas! (rires). Il faut être présent tous les jours, donc j’essaie de gérer les équipes en les protégeant et en faisant en sorte qu’elles travaillent dans les meilleures conditions. Nous prenons des précautions au niveau de la distanciation, mais nous continuons globalement notre activité.
En quoi constitue le travail des chevaux en cette période?
Nos chevaux continuent à travailler, avec Félicie Bertrand ou nos cavaliers maison. Pour les plus âgés, c’est de l’entretien. Leur programme est un peu allégé, mais nous essayons de les maintenir en forme, avec de petits enchaînements à l’obstacle, du travail sur le plat et des sorties en extérieur et au paddock. Pour les jeunes, nous poursuivons un programme globalement normal à la maison. Avant le confinement, nous avions commencé à emmener les moins aguerris dans des warm-up pour leur montrer quelques terrains de concours. Comme je n’ai pas suffisamment de place pour mettre en box tous ceux âgés de quatre ans, nous avons remis au pré ceux qui ont bien enchaîné un petit parcours à la maison afin de pouvoir rentrer les autres.
Quel est l’impact de la crise sur l’étalonnage ?
Le début de la période actuelle a été un peu compliqué, car personne ne savait trop où on allait. Puis, des mesures ont été prises afin que puisse continuer ce qui avait trait à la reproduction. Je pense que des gens ne feront pas saillir leurs juments, car il y a quand même une incertitude financière importante. À l’inverse, certains vont profiter du fait qu’il n’y a pas de compétition pour essayer d’effectuer des transferts d’embryon sur les juments de sport en attendant que la saison de concours reprenne éventuellement. Les transports de semence sont compliqués, mais l’un dans l’autre, l’activité d’étalonnage continue à peu près de fonctionner.
Comment envisagez-vous la reprise des concours?
Au niveau du sport, pour les chevaux d’âge et de haut niveau, on est dans le flou total. On entend parler d’une reprise en septembre. Je crois que la Fédération française d’équitation essaie de faire en sorte que cela puisse recommencer plus tôt, mais cela pose quand même un certain nombre de problèmes, étant donné que les rassemblements vont être compliqués, notamment avec les problèmes de barrières sanitaires. Pour les CSI, la reprise paraît encore plus incertaine et compliquée, d’autant que les déplacements internationaux vont être difficiles pendant longtemps. De plus, les sponsors permettant à ces concours d’avoir lieu risquent d’être un peu frileux, donc nous sommes vraiment face à un grand point d’interrogation pour l’instant.
Pour les Jeunes chevaux, la Société hippique française (SHF) s’active beaucoup pour permettre une reprise relativement rapide. Des actions sont menées auprès du ministère de l’Agriculture, en mettant en avant le fait que le Cycle classique sert à valoriser une production et une filière agricole. Cela a l’air de porter ses fruits et on peut espérer une reprise plus rapide, mais dans des conditions complexes à mettre en place. La SHF voudrait maintenir ses finales nationales de Fontainebleau, ce qui n’est pas simple, parce que c’est quand même un grand rassemblement de personnes et que cet événement perdrait une partie de son intérêt sans public. Personnellement, je me demande s’il ne faudrait pas mettre en place des épreuves de Jeunes Chevaux en indoor l’hiver prochain, à l’image de ce qui existe déjà en Belgique, par exemple. C’est une question à laquelle nous devons réfléchir. Cela permettrait aux jeunes chevaux de pouvoir rattraper leur retard et offrirait de nouvelles opportunités de commercialisation. Et si cette expérience était positive, nous pourrions la pérenniser dans le futur.
Dans son ensemble, la filière risque de fortement souffrir de cette crise…
L’impact sera forcément négatif. Pour ce qui est de la reproduction, ce n’est pas le pire. En revanche, pour la valorisation, le commerce, ainsi que les centres équestres et les écuries de propriétaires, c’est forcément un coup très dur.
Malgré le report d’un an des Jeux olympiques de Tokyo, la Fédération équestre internationale a maintenu l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les guêtres postérieures au 1er janvier 2021. Cette mesure vous réjouit-elle?
Il avait été décidé que cette nouvelle réglementation serait mise en application après les Jeux olympiques (pour les CSI 1* à 5*, ndlr). Malgré le report des Jeux, la FEI a pris la bonne décision en ne retardant pas la mise en œuvre de cette mesure. À titre personnel, ainsi qu’en tant que membre du Jumping Owners Club (Club des propriétaires de chevaux de jumping, présidé par son époux, Dominique Mégret, ndlr), c’est un sujet important pour moi. Cette mesure va incontestablement dans le bon sens, même si je considère que l’on doit pouvoir aller encore plus loin à l’avenir. Je fais partie des gens pour qui le sport ne doit pas se faire à n’importe quel prix.