“Le Grand National reprendra dès que le Gouvernement le permettra”, Jean Morel

Comme tous les autres compétitions nationales et internationales, le Grand National est à l’arrêt depuis mi-mars, en raison des mesures de confinement décrétées par le Gouvernement pour endiguer la pandémie de Covid-19. Compte tenu de la progressivité et de la partialité du déconfinement auquel se prépare la France, le circuit fédéral, décliné dans les trois disciplines olympiques, ne reprendra pas avant juin, juillet, août, voire septembre, selon les directives sanitaires et les jauges maximales autorisées pour les rassemblements humains. Jean Morel, directeur du Grand National depuis sa naissance, il y a treize ans déjà, fait le point et appelle à la patience.



Comment travaillez-vous à la reprise du Grand National?

En collaboration avec Frédéric Bouix, délégué général de la Fédération française d’équitation, et Sophie Dubourg, directrice technique nationale, les sélectionneurs et entraîneurs des trois disciplines olympiques, ainsi que les organisateurs, qui sont tous prêts à repartir et à accomplir les efforts nécessaires, nous travaillons sur plusieurs scenarii en fonction des directives gouvernementales et surtout de la date à laquelle les concours pourront reprendre, en juin, juillet, août, voire septembre. Cela vaut également pour l’Amateur Gold Tour. Nous ne communiquons pas jusqu’à présent, parce que cela n’aurait pas de sens. En effet, chaque nouvelle annonce présidentielle ou ministérielle nous conduit à ajuster nos scenarii, et chaque message est interprété, voire sur-interprété, par notre communauté, qui est à fleur de peau. 

En fonction de la date de reprise, nous perdrons plus ou moins d’étapes, mais nous ferons au mieux pour proposer des circuits réaménagés de la meilleure façon possible, avec un maximum de rendez-vous, sans toutefois pénaliser les autres organisateurs de concours. Nous tâcherons aussi de proposer de belles finales. C’est d’autant plus important que la Fédération et nos sponsors ont maintenu leur engagement. Nous devrons peut-être modifier quelques éléments de règlement, mais ce n’est pas essentiel. Le plus important est de permettre à la filière de se relancer au mieux.

Les Masters Pro de saut d’obstacles, concours complet et dressage, initialement prévus respectivement en avril à Marnes-la-Coquette et Arnac-Pompadour et en juillet à Vierzon, pourront-ils vraiment avoir lieu en 2020?

Nous l’espérons, bien sûr, mais cela dépendra là aussi de la date de reprise des compétitions, du calendrier international et des dates possibles. En jumping, nous avions mis en place un nouveau système (le Master Pro avait été avancé deux mois pour se dérouler trois semaines avant le CSIO 5* de La Baule, ndlr), qui semblait convenir à tout le monde. La date est passée. On verra s’il est possible de replacer ces championnats dans le calendrier. La décision reviendra à la direction technique nationale.

Comment gérez-vous l’impatience des cavaliers et autres parties prenantes du sport dans cette période si incertaine?

Nous faisons au mieux mais ce n’est pas toujours facile. Quand on voit ce que certains écrivent, disent ou montrent sur les réseaux sociaux… C’est parfois insensé. À tous les niveaux, à commencer par celui de la Fédération, qui déploie toute son énergie pour favoriser une reprise rapide et dans les meilleures conditions des activités équestres, nous nous battons pour retrouver le terrain, nos concours, nos organisateurs, nos cavaliers et nos chevaux. Nous naviguons tous dans le même sens, mais nous restons suspendus aux décisions de l’État, et en l’occurrence du ministère des Sports. Le Grand National reprendra dès que le Gouvernement le permettra. Nous savons à quel point toute la filière a besoin de compétition, d’abord à l’échelle nationale, et nous sommes dans les starting-blocks. Ce qui est perdu est perdu, comme le chiffre d’affaires des entreprises, et il ne faut pas chercher à le rattraper. On ne pourra pas conclure l’année comme si rien ne s’était passé. Il faut donc faire preuve de patience et de raison.

Outre votre casquette de directeur des circuits fédéraux, vous êtes également à la tête des sociétés PSV et Cheval TV. Dans quelle mesure sont-elles impactées par la crise?

Pour mes trois sociétés, le chiffre d’affaires est à zéro. PSV vend évidemment quelques photos par-ci, par-là, mais c’est absolument ridicule par rapport à une année classique. Cela ne paie même pas les loyers ni les primes d’assurance des camions que nous installons d’habitude toutes les semaines sur les terrains de concours. En tant que dirigeant, je ne touche pas de salaire. C’est la vie. Quand je gagne de l’argent, je n’en parle pas, alors quand j’en perds, je n’en parle pas non plus. Fort heureusement, j’ai fait des provisions au fil des années. De fait, je vis actuellement sur la trésorerie de mes entreprises, en espérant que la crise ne dure évidemment pas trop longtemps. Je crois avoir bien fait de ne pas écouter les banquiers qui me proposaient il y a encore deux ans d’investir dans telle ou telle chose… Aujourd’hui, cela me donne les moyens de traverser cette crise avec philosophe, mais aussi d’assurer l’avenir de ces sociétés et de mes salariés.