Yann Chartier Capitaine, le fidèle collaborateur français de Marcus Ehning qui monte Cornado NRW tous les jours

“Je monte Cornado NRW tous les jours”. Cette phrase, peu de personne peuvent se targuer de la prononcer. C’est pourtant le cas de Yann Chartier Capitaine, jeune français de vingt-huit ans qui travaille depuis bientôt neuf ans au sein des écuries de l’Allemand Marcus Ehning, surnommé le Centaure, actuel seizième mondial au classement Longines des cavaliers. Portrait d’un talent discret et travailleur.



 Ici lors du Salon du cheval de Paris 2007, Yann accomplit ses plus belles années à poney avec le PFS Moonlight Berenger.

Ici lors du Salon du cheval de Paris 2007, Yann accomplit ses plus belles années à poney avec le PFS Moonlight Berenger.

© Sportfot

Bien loin de son Allemagne actuelle, Yann Chartier Capitaine naît à Dieppe, en Normandie, le 1er février 1992. Grâce à ses tantes, propriétaires de chevaux de loisirs, et à sa grande sœur Gaële qu’il suit dès son plus jeune âge sur ses concours amateurs, Yann baigne très tôt dans le milieu du cheval. Débutant avec Nathalie Duval, à Hautot-sur-Mer, le jeune cavalier poursuit sa formation dans le centre équestre de Marie-Pierre Lubrez, à Touffreville la Corbeline, à soixante kilomètres de Dieppe. S’il se fait remarquer en compétitions avec le brillant Milord des Chouans (Welsh Cob, Rhon Lyndon x Cherauds Ginger), c’est avec Moonlight Berenger (PFS, Linaro x Nightingle des Ifs (New Forest) qu’il décroche ses plus belles victoires, en glanant notamment le championnat de France D1P Élite en 2006. 

“J’ai fait ma seconde générale mais je n’étais pas très intéressé par les études”, débute Yann. “Après avoir essayé les cours par correspondance – et grâce au soutien sans faille de mes parents –, j’ai finalement embrassé ma passion et m’y suis totalement consacré dès l’âge de seize ans”. Pour ce faire, il s’installe au haras de la Pierre Blanche, recommandé par une amie de la famille, chez Paul et Alex Rident, un couple franco-britannique qui valorise et commercialise des chevaux de sport, à Gueutteville-les-Grès, à trente kilomètres de Dieppe. “J’y suis resté et ai continué la compétition jusqu’à mes dix-neuf ans. J’ai beaucoup appris grâce à eux, notamment l’anglais et la pratique d’une équitation dans le mouvement en avant”, commente Yann. 



“J’ai demandé à Marcus Ehning s’il avait un travail à m’offrir”

Fille de Clarimo Ask, Amelia14 est la jument de cœur de Yann.

Fille de Clarimo Ask, Amelia14 est la jument de cœur de Yann.

© Collection privée

“En novembre 2011, je voulais partir à l’étranger, voir autre chose. Attiré par l’Allemagne, je me suis donc rendu chez Paul Schockemöhle (une gigantesque et réputée écurie de commerce, de sport et d'entraînement, ainsi que le plus gros étalonnier en Allemagne de l’Ouest, à Mülhen, dans la région Oldenbourg, ndlr). J’y ai fait un essai d’une demi-journée mais je ne m’y suis pas senti à ma place. Sur la route du retour, à cent cinquante kilomètres de là, je me suis arrêté aux écuries de Marcus Ehning, à Borken, à quinze kilomètres de la frontière avec les Pays-Bas. Je lui ai simplement demandé s’il avait un job à m’offrir... Il m’a dit de repasser la semaine d’après, pour un essai de trois jours. Je n’ai plus quitté les écuries depuis.”

L’aventure est lancée. Vivant sur place, le jeune Dieppois débute en tant que groom et cavalier maison. “Je monte alors trois à quatre chevaux par jour, tout en étant disponible pour les autres tâches, que ce soit de seconder Kay Neatham, la groom concours de Marcus à l’époque, ou aider au quotidien de l’écurie. C’était très intéressant de pouvoir observer un tel cavalier d’aussi près”, note Yann. La première année passée au sein de l’écurie du célèbre cavalier allemand est consacrée à l’approfondissement des connaissances et à la gestion de chevaux de haut niveau. “Marcus m’a ensuite confié For Now, la propre sœur de Funky Fred (West, For Pleasure x Pilot). Petit à petit, chaque année, j’ai eu plus de chevaux à monter en concours. Actuellement, j’ai un piquet de huit chevaux, de tous âges”. Si Yann salue Rockim (KWPN, Kenwood x Gentleman) – un cheval d’expérience qui fut un temps sous la selle du Britannique Michael Whitaker et qui lui a beaucoup appris –, il a une tendre pensée pour Amelia14 (ex Chi Chi 5) (Holst, Clarimo x Claudio) qu’il voit comme une jument d’avenir.

“Yann est très fiable et digne de confiance”, valorise Marcus Ehning en personne. “Il a beaucoup progressé au fil des ans et a d’ailleurs eu quelques bons résultats avec nos chevaux en compétition (notamment sa victoire en Grand National à 1,40m à Recklinghausen avec Amelia14, le même week-end que la cinquième place de Marcus lors des Européens 2019 de Rotterdam, ou encore d’avoir complété le podium derrière les frères Ehning lors d’un Grand National à 1,45m à Borken la même année, ndlr). Il manque encore un peu de confiance dans son équitation mais cela va évoluer. Travailleur consciencieux, Yann est un riche élément au sein de notre équipe”



Un quotidien au plus près du Centaure

 Ici à l’entraînement avec Pluto75, un fils de Plot Blue né chez les Ehning, Yann monte en moyenne six chevaux par jour.

Ici à l’entraînement avec Pluto75, un fils de Plot Blue né chez les Ehning, Yann monte en moyenne six chevaux par jour.

© Collection privée

Les journées commencent à 7h par le nourrissage des animaux et par la mise au pré ou au marcheur d’un premier lot de chevaux. Dans la matinée, Yann monte trois à quatre chevaux avant de faire une pause le midi – “lors de laquelle nous avons la chance d’être servis par un cuisinier”, glisse-t-il – pour reprendre ensuite le travail de deux à trois montures. “Tous les chevaux sortent au moins trois fois par jour, entre le marcheur, le pré et le travail”, souligne le jeune Français. “J’aide ensuite aux écuries, que ce soit pour donner le foin, balayer, réparer des barrières, herser la piste – j’en suis responsable quand Marcus n’est pas là. Je m’occupe également des étalons qui exercent à notre station de monte. Le soir, on finit vers 17h30, rarement plus tard car l’organisation est bonne. J’ai également la chance de pouvoir compter sur le très précieux soutien de Karina, (petite sœur de Marcus qui groomait à l’époque le crack For Pleasure (Hann, Furioso II x Grannus) et actuelle manageuse de l’écurie, ndlr), qui m’aide en concours et au quotidien”. 

Avec ses neuf employés, l’écurie accueille un grand nombre de nationalité. “Ce brassage est naturel en haut niveau”, décrypte Yann. “L’ambiance est toujours agréable, y compris en ces temps de crise où les compétitions sont à l’arrêt. Nous avons la chance de pouvoir continuer à entraîner nos chevaux grâce à de superbes installations (deux grandes carrières en sable et un manège, ndlr). Je profite en outre de la présence accrue de Marcus pour échanger davantage, sur mes chevaux – qu’il peut prendre le temps de monter –, sur mon travail… J’ai énormément appris ces deux derniers mois ! Normalement il ne reste sur place que quelques jours de la semaine, du lundi au mercredi. Néanmoins, d’une manière générale, nous sommes toujours en constante communication quelles que soient les circonstances ; il commente mes parcours en vidéo, il suit l’activité de l’écurie ou encore le travail des chevaux restés sur place”. 

Les montures de Yann proviennent de l’élevage de Marcus – que ce dernier souhaite garder amateur – , de son actuel piquet de tête, des chevaux de commerce ou encore des propriétaires de l’Allemand, à l’image de Judith Goelkel, fervente supportrice de longue date et notamment propriétaire des anciens cracks Sandro Boy (OLD, Sandro x Grannus) et Sabrina 327 (DSP, Sandro Boy x Landadel). “Yann est un très bon cavalier et je lui confie quelques chevaux depuis plusieurs années”, souligne Judith. “Amelia 14 est une jument délicate et la monte douce et patiente de Yann lui convient parfaitement. C’est un garçon travailleur et dédié à ses chevaux”. Les cracks de Marcus sont aussi sellés par Yann : “Je ne suis pas le seul à travailler ses chevaux de tête mais nous avons souvent un cheval attitré. Pour ma part, je monte Cornado NRW (WESTF, Cornet Obolensky x Acobat) tous les jours. C’est un étalon très gentil, qui adore le contact humain. Il est extraordinaire à monter et, bien sûr, il est parfait du point de vue de son dressage. À son âge (dix-sept ans, ndlr), il faut surtout le garder en condition morale et physique ; nous nous promenons aussi, mais ceci est valable pour tous les chevaux !”

Si ces montures d’exception et leur cavalier créent des étoiles dans le regard de beaucoup de passionnés, Yann en est bien conscient. “Marcus a une renommée mondiale et sa monte m’a toujours fasciné. J’ai beaucoup de chance d’être ici ! Il y a parfois quelques moments difficiles, bien sûr, mais comment ne pas continuer à être heureux et progresser dans un tel environnement ?”, conclut-il en souriant.