Appelé communément Puissance, Six barres, ou anciennement “passage de mur“, l’épreuve du saut en hauteur est l’une des plus impressionnantes de la discipline du saut d’obstacles. De moins en moins plébiscitée par les cavaliers eux-mêmes, certains la jugeant parfois comme trop éprouvante pour les chevaux, cette épreuve a perdu sa réputation ces dernières années. On pourrait aussi l’expliquer par l’évolution de l’élevage, les chevaux actuels étant beaucoup plus légers et rapides, et donc moins massifs et puissants qu’il y a trente ou quarante ans. De plus, on ne peut s’empêcher de penser que le saut d’obstacles est un sport qui nécessite technique, finesse et compréhension de son cheval, et dont les performances ne peut se préparer que sur le long-terme, ce qui est peut-être moins le cas pour une épreuve de puissance, qui est très éphémère. Pour autant, cette épreuve a toujours passionné les foules et impressionné les spectateurs, notamment les moins initiés au saut d’obstacles, car les règles du jeu étaient on ne peut plus simples : il faut sauter le plus haut possible. 

Et le record du monde du saut en hauteur reste, près de soixante-dix ans après, entre les mains du défunt cavalier chilien Alberto Larraguibel Morales. En effet, le 5 février 1949, à l’occasion d’un CSI à Viña del Mare, au Chili, l’officier est parvenu à franchir un énorme mur de 2,47m. Associé à son surpuissant Pur-sang anglais Huaso, acquis comme cheval de dressage par l’armée nationale avant d’être reconverti en champion de saut en hauteur après avoir souffert d’une boiterie à un postérieur, Alberto Larraguibel Morales a signé un record qui reste absolu à ce jour. “Au premier essai, j'ai mal calculé la distance et mon cheval a refusé“, avait raconté le Chilien au média The Ultimate Horse. “Si j'avais alors utilisé la cravache, le cheval serait devenu nerveux, car un animal comprend bien quand on lui demande quelque chose à la limite de ses possibilités. Lors de mon deuxième passage, je dois avoir fait une erreur d'un centimètre, parce que Huaso a passé les antérieurs au-dessus de l'obstacle mais l'a touché avec le ventre, et les postérieurs ont fait tomber la barre... Il ne restait que la troisième et dernière tentative. J'ai recalculé encore, et nous avons volé... Le moment le plus difficile a été l'appel du saut. Mes yeux étaient environ quatre mètres au-dessus du sol et j'ai eu la sensation de plonger la tête la première! Le plus léger tremblement de ma part aurait été senti par Huaso, qui aurait pu laisser ses postérieurs derrière et nous aurions chuté ensemble ; mais nous sommes passés sans faute! Ce moment m'a semblé durer une éternité. Je n'ai pas entendu un seul cri et j'ai pensé que quelque chose avait mal tourné au début!“

Ce record a même valu à Alberto Larraguibel Morales d'avoir une superbe statue en son honneur à Viña del Mar. Commandée par la Maire de la ville Virginia Reginato elle-même, l'oeuvre d'art, créée par Francisco Xavier Torres et représentant le cavalier et sa monture en pleine action, a été inaugurée le 14 décembre 2007 sur la grande avenue Jorge Montt, en plein centre-ville. En dépit de nombreux essais, cet exploit reste encore inégalé. Nos chers confrères du magazine Le Cavalier Romand, qui avaient également fait de ce record du monde un article, avait d'ailleurs raconté que le grand et regretté Michel Parot s’était approché de la vérité avec une monture nommée Tancarville en 1974, mais le Français avait dû s’incliner à 2,41m.

Robert Whitaker bat un record... à cru!

En décembre 2011, à l’occasion du très populaire CSI 3* Stockholm, le Britannique Robert Whitaker avait lui battu le record du monde de saut en hauteur à cru (voir la vidéo numéro 2 en bas d'article), après avoir sauté sans faute un mur de 2,12m aux rênes de Waterstone, un puissant fils de Silverstone alors âgé de huit ans.