Philippe Augier, homme de cheval et infatigable bâtisseur

En accédant au poste de maire de Deauville en 2001, Philippe Augier, déjà bien investi dans le domaine des courses, s’est fait le devoir de rendre à la ville son statut de capitale du cheval. Pour y parvenir, la création du Pôle international du cheval a été son plus grand chantier, et non des moindres. Portrait d’un bâtisseur qui ne prend jamais de pause.



Tout au long de l’année, le manège olympique du Pôle international du cheval accueille de nombreuses activités équestres.

Tout au long de l’année, le manège olympique du Pôle international du cheval accueille de nombreuses activités équestres.

© Xavier Boudon

C'est un peu par hasard que les chevaux ont croisé le chemin du jeune Philippe Augier. Plus précisément, l’un de ses amis d’enfance lui a ouvert les portes de ce monde inconnu en l’invitant régulièrement lors des vacances scolaires au haras du Molay-Littry, élevage paternel situé près de Bayeux. Là, au milieu des Pur-sang, le jeune garçon apprend à monter et découvre l’animal. “Je n’ai jamais été un cavalier académique. Je sais monter sur la plage, un point c’est tout!“ Quelques années plus tard, alors qu’il cherche un job étudiant pour payer ses études, ce même éleveur lui trouve un poste à mi-temps à l’Agence française de vente de Pur-sang, à Deauville. Après avoir occupé un poste administratif, il participe aux sélections des yearlings, s’imprégnant peu à peu des rouages de ce milieu tout en aiguisant son œil pour devenir un véritable connaisseur. Philippe Augier montre un talent certain pour les affaires et sait rendre précieux ce qu’il touche. Confiant en ses capacités et ses qualités d’entrepreneur, le président de l’agence des ventes lui propose alors de prendre la direction générale de l’entreprise en 1977. 

Dès lors, Philippe Augier s’attaque au développement des ventes de Deauville. Avec succès. “Au cours des huit premières années, nous avons multiplié le chiffre d’affaires par huit!“, résume-t-il. Alors qu’elles étaient exclusivement franco-françaises ou presque à son arrivée, il parvient à en faire le troisième rendez-vous commercial mondial, derrière ceux des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Pour cela, il n’a pas hésité à se balader sur les cinq continents afin d’attirer de nouveaux clients. “Nous avons même battu les Irlandais, ce qui a été ma grande fierté", se souvient-il encore. Mais ce n’est pas tout. Outre les Pur-sang, Philippe Augier crée également une filiale organisant des ventes de Trotteurs. Qui dit Pur-sang, dit courses. À ce titre, depuis l’arrivée de Philippe Augier, l’évolution est également allée grand train sur les hippodromes de Deauville. Des courses ont été créées pour accompagner les ventes de Pur-sang, puis le calendrier des réunions hippiques s’est ouvert davantage encore. “Après mon élection au poste de maire, la ville a ainsi cofinancé la piste en sable fibrée permettant de donner le départ à des courses en hiver, la piste ne gelant pas jusqu’à -15°C. À l’époque, alors qu’on ne comprenait pas pourquoi nous financions cela, j’ai expliqué que ce serait un véritable levier économique.“ L’argumentaire était juste, Deauville accueillant aujourd’hui plus de quarante-cinq journées de courses chaque année, été comme hiver.



DESTINATION MAIRIE.

En septembre 2016, Philippe Augier et Antoine Sinniger ont rendu hommage aux trois médaillés olympiques de Rio installés en Normandie : Kevin Staut, Pénélope Leprevost et Astier Nicolas, accompagnés ici de Sophie Dubourg, directrice technique nationale.

En septembre 2016, Philippe Augier et Antoine Sinniger ont rendu hommage aux trois médaillés olympiques de Rio installés en Normandie : Kevin Staut, Pénélope Leprevost et Astier Nicolas, accompagnés ici de Sophie Dubourg, directrice technique nationale.

© SBE

Parallèlement à son itinéraire dans la filière équine, Philippe Augier s’engage très tôt en politique. À dix-neuf ans, il donne sa voix aux giscardiens, devenant même le président des Jeunes républicains indépendants de la fin de l’année 1970 jusqu’au lendemain de l’élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Il crée alors le mouvement Génération sociale et libérale, dont le nom correspond bien à mon engagement, c’est-à-dire libéralisme économique pour générer de la richesse, et sociale pour la distribuer.“ Après un phase de militantisme auprès de ses aînés, son travail d’étudiant lui fait prendre un virage professionnel dédié aux chevaux. Appelé à venir régulièrement à Deauville pour ce travail, il se rapproche de la maire en place, Anne d’Ornano. Il avait d’ailleurs milité très jeune auprès de son époux, Michel, ancien ministre, président du conseil régional de Basse-Normandie et du conseil général du Calvados. En 1995, cette dernière commence à préparer sa succession et pense à cet entrepreneur, alors l’un des principaux agents économiques de Deauville, dont les idées politiques lui sont proches. Après un premier mandat de maire-adjoint en 1995, Philippe Augier accède au poste de maire de la célèbre station balnéaire normande en 2001. Rapidement, le nouvel édile s’attache à développer le potentiel d’attraction de l’agglomération en matière de sports équestres. “Cette ville, qui se prétendait capitale du cheval, n’avait en réalité pas d’équipement en ce qui concerne les sports équestres. À part deux terrains de polo, il n’y avait grand chose. Il y avait certes des centres équestres privés alentour, mais rien à la mesure de vraies ambitions équestres. En 2002, j’ai donc lancé le projet du Pôle international du cheval“, raconte-t-il.

PLACE AUX SPORTS. 

Le maire voit alors les choses en grand : plusieurs manèges dont un olympique, immense carrière, école d’équitation, etc. Le but est de pouvoir accueillir des équipes nationales et internationales en stage, et de recevoir de gros concours toute l’année. Localement, les élèves de CE1 et de CE2 se voient tous offrir par la ville une leçon d’équitation, afin de les initier à ce sport. “Dans une ville comme la nôtre, c’est-à-dire de grande notoriété mais petite, ce projet de 14 millions d’euros avait l’air fou“, se souvient l’intéressé en souriant. “Aujourd’hui, on y compte presque quatre-vingts jours de concours par an, donc c’est un élément d’attractivité très fort. Nous vivons de ce réceptif, de l’accueil des gens. Lors des journées de concours, des centaines de personnes investissent la ville, y dorment, y mangent, y consomment dans les magasins, etc. Nous avons donc conçu cet équipement à la fois pour la pratique, pour l’événementiel, pour l’entraînement d’équipes nationales, et comme un levier économique fort pour la ville“, résume-t-il. Pour mener à bien ce travail qui lui tenait tant à coeur, Philippe Augier a su s’entourer des bonnes personnes, écouter leurs conseils et surtout, prendre les choses en main. “J’ai organisé deux ou trois dîners avec des gens connaissant bien le milieu et auxquels j’ai demandé conseil. J’ai vraiment fait les choses à fond. Par exemple, j’avais choisi un architecte qui avait déjà réalisé un centre équestre et des écuries ; j’avais un cabinet qui m’accompagnait et connaissait bien le sujet, etc. Je me suis donc entouré de spécialistes de la filière, y compris d’ailleurs pour le choix du directeur.“ À ce poste, il fallait en effet trouver la bonne personne, dotée d’une quantité de savoir-faire : connaissance des chevaux, réseau dans le monde du cheval, management, gestion, communication, etc. Pour mener ce navire, il a finalement choisi Antoine Sinniger, qui mène aujourd’hui l’établissement et satisfait pleinement le maire : “J’ai beaucoup d’affection pour Philippe Augier. Pour le PIC, il est essentiel, car il parvient à avoir une vision financière des choses. Il est capable de dire les points sur lesquels il faut insister ou non.“

Franchise et efficacité sont deux points que le directeur général du PIC met en exergue : “S’il juge que quelque chose ne va pas, Philippe Augier ne perdra pas de temps et le dira tout de suite. Et si un problème se pose, il trouve rapidement une solution, soit tout seul, soit en sachant prendre conseil auprès de la personne adéquate. Il n’hésitera pas à appeler qui il faut pour répondre à une question.“ Aujourd’hui, force est de constater que le PIC est un succès, accueillant concours de saut d’obstacles et de dressage nationaux et internationaux, compétitions de para-dressage (dont les championnats d’Europe, en 2015), matches de horse-ball, etc. “À travers le PIC, j’ai le sentiment d’entretenir une relation privilégiée avec lui. Il faut bien se rendre compte que c’est un peu son bébé. Philippe Augier y est donc particulièrement attentif et se montre très conscient des difficultés quotidiennes“, conclut le directeur du Pôle.



UNE VIE À MILLE À L’HEURE.

Le premier élu de la cité n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Comme le complet n’est pas idéalement servi sur la Côte Fleurie, il compte réaliser, sans doute autour du PIC, un Spring Garden dédié à l’entraînement des cavaliers de la discipline, à l’image d’Astier Nicolas, qui s’est installé à proximité. Cependant, Deauville ne se limite pas à l’équitation. Philippe Augier a également développé un certain nombre de secteurs, comme l’économie ou encore la culture. Dès 1995, il a développé une nouvelle politique événementielle, convaincu que la culture serait un atout majeur du développement touristique de la cité. Aussi, et à son grand regret, le passionné de cheval n’a que rarement la possibilité d’assister aux plus beaux rendez-vous équestres de l’Hexagone. “Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de temps pour cela. Je suis toujours invité à la Grande Semaine de l’élevage par le maire de Fontainebleau (Frédéric Valletoux, ndlr), avec qui je m’entends très bien, mais cela tombe pendant le Festival du film américain. Deauville est une ville événementielle avec plusieurs secteurs d’activités. Il y a toujours quelque chose ! Évidemment, il m’arrive tout de même d’aller voir un concours. Je suis allé plusieurs fois au Saut Hermès, par exemple.“ 

Quel que soit le sujet qu’il aborde, Philippe Augier semble souvent réussir à atteindre ses objectifs. S’il sait s’entourer de professionnels dans chaque domaine, Antoine Sinniger insiste également sur son “incroyable pouvoir de persuasion, fort d’argumentaires toujours très convaincants.“ Le directeur du PIC est également fasciné par cette personnalité qui n’arrête jamais : “Il ne dort pas ! C’est une force supplémentaire. Même quand je lui envoie un courriel à 2h00 du matin, il me répond toujours.“ Projets et événements continuent donc de s’enchaîner. Le maire rêverait que le PIC accueille un Jumping international de grande ampleur, par exemple. Et côté courses, les choses vont bon train également. “En 2016 et en 2017, pendant les travaux de l’hippodrome de Longchamp, nous accueillons la Poule d’Essai des Poulains et celle des Pouliches, qui font partie des cinq plus grandes courses en France“, se réjouit le maire. Pour ce faire, Deauville dispose d’une piste de 1 600m de long -distance sur laquelle se courent ces deux prix -, mais en ligne droite, contrairement à Longchamp. Aussi les professionnels débattent déjà sur le sujet, les puristes affirmant qu’il faudrait laisser ces deux courses à Deauville, la ligne droite étant plus sélective… “Mon rêve serait qu’on les y laisse“, avoue Philippe Augier. Un nouveau cheval de bataille.

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX International n°97 en novembre 2016.

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