“L’enjeu majeur est la pérennité du CHI de Genève”, Sophie Mottu Morel
Ces derniers jours, on a appris l’annulation des CSI 5*-W de Helsinki et Madrid ainsi que la fin de la série des Longines Masters, emportés par la crise économique engendrée par le coronavirus et les mesures gouvernementales de confinement. À quoi ressemblera la prochaine saison indoor en Europe? À ce stade, la réponse demeure assez floue. En Suisse, où les concours nationaux ont repris ce week-end, les organisateurs du CHI de Genève, l’un des plus beaux et prestigieux rendez-vous du calendrier hivernal, se veulent optimistes mais réalistes. Attachés à la santé des personnes et à la pérennité de leur événement, ils ne prendront pas de risque démesuré malgré leur volonté de célébrer comme il se doit la soixantième édition, programmée du 10 au 13 décembre. Sophie Mottu Morel, directrice générale du CHI, évoque les enjeux de la période actuelle.
Dans ce climat compliqué, comment préparez-vous la prochaine édition du CHI de Genève?
Pour l’heure, nous travaillons comme si l’événement avait lieu comme prévu au mois de décembre. L’affiche est prête, le plan de communication aussi. Nous affinons le programme, qui est quasiment bouclé. Pour cette soixantième édition, nous voulons marquer le coup et que notre CHI soit une véritable fête, qui plus est au terme de cette année morose et difficile que nous sommes en train de traverser. D’ici le début de l’été, nous attendons d’ailleurs la confirmation d’une importante attraction de la part des artistes qui doivent nous la livrer.
Pour le reste, nous sommes dépendants d’éléments extérieurs à commencer par l’évolution de la pandémie et les mesures administratives prises pour y faire face au niveau du canton de Genève et de la Suisse. Pour le moment, les choses vont dans le bon sens puisque les concours reprennent, avec une limite de rassemblement fixée à trois cents personnes jusqu’à fin juin. Si tout se passe bien et si nous ne subissons pas de deuxième vague pandémique, on peut espérer une forme de retour à la normale d’ici décembre. La tenue du concours dépendra aussi des exigences sanitaires et sécuritaires en termes d’accueil du public. Si elles s’avéraient très élevées, cela deviendrait peut-être trop compliqué et/ou onéreux pour nous… Naturellement, la santé de tous demeure une priorité absolue pour nous.
En attendant, nous avons défini plusieurs scenarii avec des échéances à respecter. L’enjeu majeur est la pérennité du concours. Nous ne voudrions pas mettre en péril son avenir en fonçant tête baissée sur une édition 2020 qui s’avérerait trop risquée. Quoi qu’il en soit, nous allons probablement repousser un peu l’ouverture de la billetterie, que nous lançons d’habitude en septembre, ainsi que la commercialisation de certains de nos espaces d’hospitalité, en espérant évidemment que notre public répondra présent.
Depuis le début de la crise, nous travaillons donc dans l’incertitude. Nous avons appliqué des réductions d’horaires de travail parce que de nombreuses entreprises avec lesquelles nous travaillons habituellement avaient elles-mêmes cessé ou très fortement réduit leur activité. Nous avons levé le pied pendant quelques semaines. Et nous sommes repartis, d’abord en télétravail, avec des réunions régulières en visioconférence, puis désormais avec quelques réunions en petits comités et en étroite collaboration avec Thierry Naz, président de l’association du CHI de Genève, dont nous dépendons. La technologie nous permet de travailler dans le respect de la distanciation sociale, mais c’est quand même moins agréable et convivial…
“L’équilibre financier de notre événement n’est pas une mince affaire”
Pour les concours indoor, les coûts fixes sont bien plus élevés que pour les événements en plein air entre la location de l’arène, la sonorisation, la mise en lumière, etc.
Oui, c’est clair. Par exemple, si l’on nous contraignait à ne vendre qu’une place sur trois en tribunes, nous serions obligés d’annuler pour des raisons financières. Notre édition 2018 avait été un peu compliquée. Pour 2019, nous bouclons notre exercice comptable le 30 juin, mais le résultat sera meilleur. Notre situation est saine, mais l’équilibre financier de notre événement n’est pas une mince affaire. En dix-huit ans d’expérience, ce défi s’est considérablement complexifié…
Quid du Supercross moto de Genève, événement organisé à Palexpo une semaine avant le vôtre, et avec lequel vous partagez une partie des tribunes, du son et de la lumière?
L’incertitude règne également à ce sujet. Les signaux ne semblent pas très positifs, mais les organisateurs n’ont pas encore pris de décision. Si le Supercross était finalement annulé, cela impliquerait mécaniquement des coûts supplémentaires pour nous…
Quelle est l’ambiance du côté de vos sponsors?
Fort heureusement, nous avons la chance de pouvoir compter sur des partenaires super fidèles et loyaux, ce qui est sans aucun doute l’une des plus grandes forces de notre événement. Presque tous les plus importants nous suivent depuis plus de quinze ans et restent à fond derrière nous. Nous avions ressenti le même soutien en 2013 quand nous avions pris la décision de sortir du circuit de la Coupe du monde pour fonder le Grand Chelem Rolex avec le CHIO d’Aix-la-Chapelle et le CSIO 5* du Masters de Spruce Meadows (rejoints depuis par le CHI de Bois-le-Duc, ndlr). Dans la mesure de ce qu’ils pourront, ils nous soutiendront quoi qu’il arrive. Nous sommes restés en contact avec eux pendant la période de confinement. Désormais, nous allons pouvoir leur rendre visite pour leur présenter nos différents scenarii.
Comme Alban Poudret, directeur sportif, et Michel Sorg, sous-directeur, vous êtes d’un naturel plutôt optimiste. Parvenez-vous à conserver cet état d’esprit en ce moment?
Nous faisons effectivement en sorte de rester positifs, mais ce n’est pas facile tous les jours avec ces différents scenarii qu’il faut sans cesse actualiser, les annulations d’autres événements et cette actualité globalement morose. Pour autant, je me réjouis de voir d’autres organisateurs envoyer des signaux positifs. Nous espérons évidemment que d’autres événements programmés avant le nôtre pourront avoir lieu. Et nous avons vraiment envie de mettre sur pied une grande et belle fête, qui plus est pour cette édition anniversaire.